Les exécutions de civils et de manifestants se systématisent au Kurdistan

nusaybin_mb_4Fin décembre 2015. Alors que la « très démocratique » Union Européenne reprend ses discussions pour intégrer la Turquie à l’espace européen, l’Etat turc, fort de ce chèque en blanc, approfondit sa politique de terreur et d’élimination de celles et ceux qui expriment encore leurs désaccords.

Depuis six mois, la police a mis des milliers d’opposants – turcs et kurdes – en garde-à-vues et de centaines d’entre-eux ont atterris en taule. Les tabassages systématiques et tortures font à nouveau largement parties des pratiques policières selon de nombreux témoignages. Les journaux et sites internet d’opposition se font interdire et censurer : le site sendika.org, par exemple, en est à sa 7ème fermeture en quelques mois, tandis que la chaîne d’infos DIHA (Dicle Haber Ajansi) a déjà vu son site internet fermé 27 fois ! Environ 35 journalistes ont été mis en taule, souvent pour leurs accointances avec les fameux « terroristes kurdes ». Enfin, impossible d’oublier les massacres perpétrés par l’« Etat profond » turc (et ses collusions avec Daech) lors des attentats de Diyarbakır, Suruç et Ankara.

Mais cela ne semble plus suffire à l’Etat turc et au Sultan Erdoğan. Quelqu’en soit la raison – résistance du mouvement à la pression mise jusqu’alors qui agace le pouvoir, ou volonté délibérée et planifiée de mater le peuple –, la mode est depuis quelques semaines aux exécutions sommaires…

 

Cinq femmes exécutées à Istanbul

En cinq mois, cinq militantes et opposantes politiques ont été tuées chez elles lors de perquisitions. Les flics venaient pour les abattre. Point barre. Les deux dernières, Yeliz Erbay et Şirin Oter, militantes du MLKP ont été flinguées le 21 décembre. L’une d’elle au moins, d’après le rapport d’autopsie, est morte suite à de nombreux coups de feu dont plusieurs dans le vagin. De véritables porcs. Et un double assassinat : tuer la militante politique, et tuer la femme.

 

Escadrons de la mort en fin de manifestations

En seulement 15 jours, 8 jeunes manifestants ont été exécutés lors de manifestations à Diyarbakır. Et le rythme a tendance a s »intensifier : 2 ont été butés suite à la manif du 22 décembre et 3 autres suite à celle du 24 décembre. A chaque manifestation – interdite évidemment – les personnes rassemblées se font quasiment immédiatement et durement attaquées par les flics (gaz, flash-balls, canons à eau, arrestations, etc…) et les jeunes tentent de se défendre en balançant quelques pierres sans conséquences sur les blindés. C’est à ce moment-là, en fin de manifestation, les « escadrons de la mort » turcs – comment les appeler autrement ? – sortent de leurs 4×4 banalisés noirs, les fameux Ford Ranger que tout le monde reconnaît maintenant à Diyarbakır, et partent en quête de sang frais : loger une balle dans la tête de quelques jeunes manifestants en guise d’exemple. Les 3 jeunes exécutés le 24 décembre auraient en plus eu un traitement de faveur puisque leurs corps ont été retrouvés menottés : ils auraient été torturés avant de se faire abattre…

 

Des dizaines de civils exécutés à Silopi, Cizre, Nusaybin…

Le gouvernement turc se vante d’avoir déjà été tué plus de 150 « terroristes du pkk » depuis le début de sa grande « opération de nettoyage » qu’il a déclenché il y a un peu plus de 10 jours. Le chiffre est sans doute largement gonflé à des fins de propagande. Et on ne sait pas si l’Etat intègre dans son macabre décompte les dizaines de civils exécutés depuis le début de l’operasyon. Dans toutes les villes sous couvre-feux – Silopi, Cizre, Sur, Nusaybin, Kerkoban, Derik, etc… –, les 10 000 hommes des forces spéciales ne se contentent pas d’attaquer les YDG-H avec leurs tanks, ils choisissent consciemment d’attaquer les civils. De nombreux enfants, femmes et personnes âgées en ont déjà fait les frais. Voici, ci-dessous, une liste non exhaustive datant du 24 décembre, présentant un aperçu de l’étendue des exécutions :

CİZRE
1 16.12.2015 – HEDİYE ŞEN (femme, 30 ans)
2 17.12.2015 – DOĞAN ASLAN (homme, 32 ans)
3 18.12.2015 – İBRAHİM AKHAN (homme, 15 ans)
4 19.12.2015 – LÜTFÜ AKSOY (homme, 16 ans)
5 19.12.2015 – YILMAZ ERZ (homme, 42 ans)
6 19.12.2015 – SELAHATTİN BOZKURT (homme, 70 ans)
7 20.12.2015 – ZEYNEP YILMAZ (homme, 45 ans)
8 22.12.2015 – CAHİDE ÇIKAL (femme, 35 ans)
9 22.12.2015 – DOĞAN İŞÇİ (homme, 18 ans)
10 22.12.2015 – MEHMET TEKİN (homme, 25 ans)
11 22.12.2015 – MEHMET SAÇAN (homme, 38 ans)
12 22.12.2015 – AMİNE DUMAN (femme, 70 ans)
13 23.12.2015 – DİKRAN SAYACA (homme)
14 23.12.2015 – AZİME AŞAN (femme, 50 ans)
15 24.12.2015 – FERDİ KALKAN (homme, 20 ans)
16 24.12.2015 – A. MECİT YANIK (homme)
17 25.12.2015 – un bébé de 6 mois

SİLOPİ
1 16.12.205 – HÜSEYİN GÜZEL (femme, 70 ans)
2 17.12.2015 – YUSUF AYBİ (homme, 81 ans)
3 19.12.2015 – REŞİT EREN (homme, 17 ans)
4 19.12.2.105 – AXİN KANAT (homme, 16 ans)
5 19.12.2015 – İBRAHİM BİLGİN (homme, 16 ans)
6 19.12.2015 – ŞİYAR ÖZBEK (homme, 25 ans)
7 19.12.2015 – SÜLEYMAN ÇOBAN (homme, 70 ans)
8 20.12.2015 – AYBET İNAN (femme, 57 ans)
9 20.12.2015 – YUSUF İNAN SİLOPİ (homme, 40 ans)
10 20.11.2015 – AYŞE BURUNTEKİN (femme, 40 ans)
11 21.12.2015 – MEHMET METE (homme, 11 ans)
12 21.12.2015 – ÖMER SAYAN (homme, 70 ans)

NUSAYBİN
1 16.12.2015 – HÜSEYİN AHMED (homme, 22 ans)
2 20.12.2015 – EMİRE GÖK (femme, 39 ans)
3 22.12.2015 – MEDENİ ORAL (homme, 45 ans)

DARGEÇİT
1 13.12.2015 – TAKYEDİN ORAL (homme)
2 23.12.2015 – NECİM KILIÇ (homme, 67 ans)
3 23.12.2015 – SEBAHAT KILIÇ (femme, 28 ans)

SUR
1 2.12.2015 – ALİ ÇEKVAR ÇUBUK (homme, 16 ans)
2 2.12.2015 – GÜLER EROĞLU (femme, 20 ans)
3 3.12.2015 – MEHMET DEMİREL (homme)
4 14.12.2015 – ŞERDİL CENGİZ (homme, 21 ans)
5 14.12.2015 – ŞİYAR SALMAN (homme, 21 ans)
6 22.12.2015 – SERHAT DOĞAN (homme, 19 ans)
7 23.12.2015 – SALİH BAYGIN (homme, 70 ans)
8 23.12.2015 – MESUT SEVİKTEKİN (homme)

État de siège à Diyarbakır : Terreur d’État et résistance populaire (2ème partie)

diyarbakir_22aralik_11A Amed (nom kurde de Diyarbakır), du 14 au 22 décembre, le peuple de la « capitale kurde » a repris la rue et les serhildan, pour montrer sa détermination et son soutien à la guerilla. Une semaine de manifestations et d’affrontements. 5 jeunes manifestants exécutés par des « escadrons de la mort »…

Terreur des tanks de l’armée turque contre l’autonomie revendiquée et défendue par le mouvement kurde.

De nouvelles operasyon – ces opérations militaires contre les « terroristes kurdes » comme aiment à en parler les médias aux ordres du Sultan Erdoğan – ont pris corps depuis le 13 décembre. Plus de 10 000 militaires, policiers et gendarmes des forces spéciales sont partis à l’assaut de Silopi, Cizre, Nusaybin etc. Autant de villes kurdes ayant déclaré leur autonomie et qui se sont vue successivement placées sous couvre-feu puis attaquées par les tanks et les bombes de l’État turc. Car il s’agit pour le gouvernement comme il l’a dit et redit sur toutes les chaînes de télé d’une « opération de nettoyage » – ce qui rappelle les envies de karcher de Sarkozy en son temps ou celles de génocides bien pires encore. 10 000 fascistes armés jusqu’aux dents pour mater le mouvement d’émancipation sociale kurde et pour lancer une véritable guerre civile dans la région.

Dans ces villes et quartiers, beaucoup de maisons, d’immeubles, mais aussi des écoles et hôpitaux se font incendier ou éventrer par les bombes des tanks. Et bien que les habitants se fassent quotidiennement tués ou volés leurs biens par les forces spéciales, ils continuent de sortir dehors, d’investir les rues pour manifester, danser, faire du bruit ou même tirer des gros feux d’artifice la nuit pour signifier à l’Etat qu’ils apportent un soutien sans faille aux YDG-H – les jeunes qui défendent les quartiers les armes à la main –, et qu’ils préfèrent mourir que laisser leurs maisons et leurs terres.

Côté baston, les forces spéciales progressent a priori beaucoup moins vite dans leurs opérations sanglantes qu’ils ne l’affirment. Elles se vantent d’avoir tué plus de 120 guerillas dans toutes ces villes, mais rien n’est moins sûr, car comme chacun sait, l’Etat aime toujours s’inventer des chiffres à des fins de propagande. A Sur, d’après ce qu’il se raconte dans les cafés et aux coins des rues, les forces répressives de l’Etat n’avanceraient pas d’un pouce, et les fascistes des forces spéciales se feraient même shooter plus que ce à quoi ils s’attendaient. Le siège du quartier de la vieille ville, commencé le 2 décembre, ne donne semble-t-il pas les résultats escomptés, et c’est tant mieux ! Enfin, les YDG-H revendiqueraient le 21 décembre plus de 25 flics tués pour les derniers jours à Silopi, Cizre et Sur ainsi que plusieurs prisonniers…

Sur le plan politique, le HDP et le BDP – partis pro-kurdes, présent pour le premier à l’assemblée nationale turque pour le premier des deux – sont sortis du silence et de la mollesse que de plus en plus de gens critiquaient ces derniers temps. Le co-président du HDP, Demirtaş, est monté au créneau en défendant l’autonomie des villes et quartiers, l’autodéfense et les fameux hendek. Les hendek sont, au choix, ces barricades de sacs de sable ou ces fossés creusés pour empêcher l’avancée des blindés et des flics, et font diablement polémiques dans les médias aux ordres du Sultan. Impression étrange que de voir Demirtaş appeler aux manifestations alors que tout indique sur les traits de son visage ou dans son regard qu’il sait qu’à coup quasi sûr il se prendra une balle dans les semaines ou mois à venir… Et pourtant, il a réagi… Et une partie du peuple et du mouvement kurde, un peu rassuré, va pouvoir prendre la rue, faire du bruit et montrer que les groupes d’autodéfense et les guerillas sont soutenus…

Manifestations à Amed : barricades et exécutions

Lundi 14 décembre, à Ofis, le quartier du centre de Diyarbakır. Enfin ce moment fort, attendu par un grand nombre de gens du mouvement kurde, se met en marche. Les commerces sont fermés. Les gens sont dans la rue. En début de cortège, « les mères », puis les autres venus de tout les coins de la ville. Le cortège est composé de jeunes, de femmes, d’enfants, des vieux, des hommes, ils et elles sont là pour dénoncer l’Etat de siège qui dure à Sur depuis des jours. Pour dénoncer la présence militaire, et policière dans toute la ville de Diyarbakır. Pour dénoncer la répression de l’Etat contre les villes kurdes ces derniers mois.

La ville continue à être transformée en zone de guerre par les flics. On y trouve tous les types de véhicules blindés possibles : les akrep (Les scorpions), kirpi (l’hérisson), kobra (cobra), des tanks, des panzer, des toma (canons à eau), les fords ranger des « escadrons de la mort », et toute une armada de policiers en kalach. Et tout ce matériel de mort se concrétise en arrestations et gardes-à-vue à foison, en perquisitions, en nuages de gaz à lacrymogènes sans fin, en arrosages non stop de cette satanée eau qui brûle, en survols d’hélico et d’avions de chasse, en tirs à balles réelles…

Mais la vraie crainte du peuple reste les véhicules ford rangers. Ces derniers, en effet, remplacent les beyaz toros (en l’occurence les Renault Toros) des années 90 qui servaient à kidnapper et à faire disparaître les militants kurdes. Le premier ministre actuel, Davutoğlu, a même menacé le printemps dernier, lors d’un de ses meetings à Van (habitants majoritairement kurdes), que si son parti, l’AKP, ne réussissait pas à avoir les 400 députés au parlement, les beyaz toros reviendraient rendre visite aux kurdes. Ces « escadrons de la mort » font partis des forces spéciales de l’État, ils n’hésitent pas à tirer sur les civils. Tous les jeunes abattus froidement dans les ruelles, ou sur les places l’ont été par cet « escadron ». Un jeune raconte : « On manifestait, on jetait des pierres sur les canons à eaux. On a vu la Ford Ranger arriver, on a su qu’il fallait courir. On a prit une ruelle, pas la bonne. J’entendais les tirs qui sifflaient à mes oreilles pour finir sur les murs. Notre camarade est tombé sous nos yeux. Touché à la tête, on pouvait rien faire. Ils continuaient de tirer. On s’est glissé contre les murs, ils continuaient à tirer. Je ne sais pas comment j’ai réussi à me faufiler, je m’en suis sorti. Pas comme mes deux camarades. » Deux jeunes meurent d’une balle dans la tête ce 14 décembre.

https://youtu.be/S4kRciwiink

Les forces spéciales tuent et sèment la terreur dans tout le Kurdistan. Pour affaiblir, pour traumatiser les gens, et les mettre sous silence. Cela a son effet : les gens ont peur…

…Mais pas suffisamment pour ne plus prendre la rue ! Tout les jours donc, depuis le 14 décembre, les gens se rassemblent pour marcher vers Sur. Conférences de presse à la va-vite en pleine rue devant les flics, sittings, slogans, applaudissements, sifflements, innombrables chants ponctuent les débuts de manifestations : « L’AKP et Daech sont main dans la main. Le PKK frappent ces deux porcs ! », « Nous sommes tous Sur, nous sommes tous en lutte ! », « Vive la révolte de Sur ! », « Le PKK c’est le peuple, et le peuple est là ! » Les habitants se réunissent autour de trois quartiers, pour ensuite converger vers Sur. Mais il arrive, malheureusement pas souvent, qu’ils réussissent à passer les barrières de la police. Pourtant l’idée de continuer à se retrouver tous les jours, en sachant la répression qui les attend, semble kamikaze, mais ils le disent eux-mêmes : « Nous avons pas d’autre choix que de dénoncer ce que fait l’État fasciste à son peuple. Cela fait combien de jours que l’État assiège toutes nos villes, nos quartiers ? Jusqu’à quand faut til qu’ils nous tuent pour que le monde se soulève ? » « Nous ne sommes pas nombreux, comment cela se fait t-il ? Pourquoi les gens ne sortent t-ils pas dans les rues avec nous ? »

Une fois que les gens se font disperser par la police, ils s’éparpillent dans les rues. Et circulent comme des passants lambda pour ne pas se faire repérer avant de se regrouper, d’enflammer des poubelles, de monter de petites barricades et de narguer les flics. Dès que les canons à eau passent à côté d’eux, des gamins âgés de 6 à 12 ans, bouteilles en verre à la main, se jettent sur leur cible. Ils loupent, reloupent quasiment à tous les coups et reviennent avec un sourire aux lèvres : « Oldî,oldî » (« C‘est bon ! C‘est bon ! » dans un mélange de turc et de kurde). Les gamins se font engueuler par un vieux qui leur dit de rentrer chez eux. Un gars, la trentaine, voit la scène, et intervient en lui disant : «  Au lieu de gueuler sur les gamins, vas plutôt gueuler sur la police. C’est eux les responsables. Laisse les gosses faire ce qu’ils ont à faire. » Dans toutes les rues, les manifestants les plus actifs sont les jeunes et les çocuklar, les enfants… Les femmes et les « mères » sont également bien présentes. On le voit et on nous le fait remarquer : « Ces femmes sont les piliers du mouvement, sans elles on s’écroulerait. Ces mères ont subi la perte de leur proche, elles ont rien à perdre. Au contraire, elles ont tout à gagner. Et elles ne lâcheront rien. » La jeunesse est aussi déterminé que les mères. Un manifestant insiste : « L’État ne sait pas ce qu’il fait. Il ne se rend pas bien compte de se qu’il est en train de recréer. Ces jeunes déterminés qui luttent contre l’État sont nés dans les années 90. Ils y ont perdu des oncles, leurs pères, leurs frères, leurs grand pères… Ils savent mieux que personnes ce que l’État représente pour eux. Et ils sont près à tout pour se défendre. Et l’État refait la même erreur aujourd’hui. »

Entre les manifs, la population n’oublie pas les şehit, les morts, assassinés par l’État. Des lieux de recueillement ont été mis en place par la mairie HDP de la ville. Les familles des victimes, pendant trois jours et trois nuits, sont visitées par les habitants touchées par la mort des jeunes. Ils viennent faire leur condoléance, manger ensemble, boire le thé, pleurer, faire des agit (« chants, pleur»). Il y a un lieu pour les femmes, un autre pour les hommes. Des centaines de personnes s’y bousculeront pendant ces trois jours.

Baston à Bağlar.

Bağlar est, avec Sur, le quartier le plus populaire du centre ville. C’est un gigantesque entrelacement d’immeubles et de ruelles. « Imprenable par la police ! » avertissent certains. Et c’est dans ce quartier pauvre que les habitants sont les plus actifs dans la lutte et contre la police. Tout le monde s’entraide, se prévient, se protège. Les petites rues voient très régulièrement pneus et poubelles brûler, à toutes heures du jour ou de la nuit. Les trottoirs sont dépavés et servent aux barricades de fortunes ou de projectiles contre les blindés. Chacun et chacune se rappellent des nuits du 6 et 7 octobre 2014, où le serhildanl’émeute, la révolte – pour Kobanê avait enflammé les cœurs. Ce que les jeunes attendent, c’est de refaire la même. De réussir à « maintenir un serhildan quotidien qui relierait Bağlar à Sur en passant par Ofis ».

Les fillettes cassent des briques à la sortie de l’école, et partent dans les rues les mains remplies de projectiles. Et des bandes de gamins hauts comme trois pommes d’à peine 5 ans se masquent le visage et hurlent des slogans antikeufs ! C’est hallucinant ! Les çocuklar sont chaud comme la braise. Au moins dans leurs intentions. Les journées paraissent calmes, mais tout le monde est aux aguets tant les flics peuvent surgir et gazer comme des porcs chaque recoins, balcons, cages d’escaliers : « il y avait tellement de gaz dans la rue que des copains sont tombés dans les pommes », témoigne un jeune du quartier.

Et quand la nuit tombe, les choses sérieuses commencent. Affrontements armés entre les flics et les jeunes les plus téméraires et organisés. La police ne parvient pas, la plupart du temps, à rentrer dans le quartier tant les moyens employés sont virulents. Le 15 décembre, en réponse au fait que les flics ont blessé par balle un jeune du coin, un des commissariats du quartier s’est fait attaqué au lance-roquette. Le même soir, un petit groupe de motivés s’en sont pris à un toma en balançant une bombe artisanale sous le véhicule qui roulait. Les nuits sont chaudes, et les habitants restent en veille pour soutenir leurs jeunes en cas de besoin… C’est bien à Bağlar, comme à Sur, que la révolte gronde. Que les plus pauvres réclament autonomie et liberté.

22 décembre : « aujourd’hui il n’y a pas école… »

Deux nouveaux jeunes tués ce 22 décembre dans les rues de Diyarbakır. L’un, Şiyar Baran, n’avait que 13 ans tandis que l’autre, Serhat Doğan, abattu d’une balle dans la tête, en avait 19.

Aujourd’hui il n’y avait pas école. Et pour cause, les habitants de la capitale kurde avaient décidés de faire ville morte pour protester contre le siège du quartier de Sur et contre la terreur d’État qui s’installe chaque jour plus profondément au Kurdistan. Quasiment tous les commerces sont fermés, les centres commerciaux ont même suivi le mouvement, les gens ne sont pas allés travailler. Et il y a cette fois-ci encore un peu plus de monde à la manifestation du jour. Plus de 5000 personnes devant la mairie qui se mettent à marcher en direction de Dağkapı et les murailles de la vieille ville. Le dispositif policier est impressionnant de tous côtés. Seule une petite rue perpendiculaire au boulevard n’est pas bloquée. Le cortège s’y engouffre et déjà la police se met à gazer et à balancer son eau qui brûle depuis les nombreux toma qui ratissent toutes les rues des quartiers alentours. Les flics barbus de l’AKP, aux commandes de l’opération, peuvent se réjouir de leur travail : ils ont dispersés en deux deux la manifestation. Mais pourtant, après s’être cachés dans les cages d’escaliers ou les appartements voisins pour reprendre souffle et courage, les manifestants et les badauds convergent vers le centre où un nouveau rencard a été donné pour se retrouver. Et à Ofis, c’est la même que d’habitude : affrontements, répressions, caillasses, gaz, barricades, çocuklar et jeunes contre policiers AKPistes et barbus.

Tandis que les affrontements continuent, des rumeurs de hendek en train de se monter dans d’autres quartiers de Diyarbakır commencent à circuler. Reste à voir ce qu’il en sera dans les jours suivants. En attendant, les assassins professionnels, les escadrons de la mort turcs, sont encore sortis de leurs 4×4 noirs pour tuer efficacement et froidement les jeunes manifestants pour la liberté. Et de ce point de vue, le bilan de la journée est encore terriblement bien lourd : à Amed, 2 jeunes sont tombés sous les balles de l’Etat. Tandis que dans le reste du pays, 5 civils se sont faits tués à Cizre, 2 à Nusaybin, 1 à Silopi, 1 à Tarsus et 2 à Istanbul. Gageons qu’ils seront vengés. Quelques heures après leur mort, à la nuit tombée, des jeunes attaquent déjà le commissariat de leur quartier à Bağlar…

[International] Mettre la pression sur l’Etat turc, une idée qui fait son chemin

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Depuis une semaine, des manifestations ont eu lieu un peu partout en Europe en solidarité avec le mouvement kurde que le gouvernement Erdogan veut écraser dans le sang. Un certain nombre de personnes ont exprimé leur soutien en manifestant en Allemagne, quelques-unes en France (comme à Paris ou Marseille), à Londres et même en Australie !

D’autres ont choisi des actions plus directes comme les Anonymous qui ont choisit d’attaquer les sites de l’Etat turc. Mais aussi comme les personnes qui sont allées redécorer le consulat turc de Lyon ou lancer des cocktails molotovs sur celui de Thessalonique en Grèce

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Terreur d’Etat : brèves du 18 décembre

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Traductions de brèves de Sendika.org et IMC TV…
A Cizre c’est le 5ème jour de couvre-feu.

Les attaques de l’Etat turc s’intensifient dans la violence. Elles se multiplient dans les quartiers de Cudi, après qu’un commandant des forces spéciales se fasse tué et qu’il y ait 4 militaires blessés. L’ambulance est venue récupérer les militaires et le corps du commandant pour les emmener à l’hopital public de Cizre. Mais la police et l’armée ont refusé l’hospitalisation des officiers dans l’hôpital de la ville et les blessés ont emmenés au campement de l’armée pour être soignés. Deux civils ont également été tués par les policiers.

 

Les sièges continuent, la lutte aussi.

A Şırnak,à Cizre, à Silopi, à Mardin et à Nusaybin les couvres-feu continuent. A Silopi et Cizre, les attaques des militaires ont été incessantes durant toute la journée. A Cizre, une mère de deux enfants a été tuée par les forces de police. A Silopi les habitants continuent de lutter, en marchant en direction des tanks des militaires, pour tenter de casser l’état de siège. Pendant ce temps, à Nusaybin la lutte et le combat ont repoussé les policiers. A Diyarbakır dans le quartier de Bağlar les habitants protestant contre l’état de siège se sont fait tirer dessus par la police à balle réelle. Un jeune est gravement blessé.
A Cizre et Silopi, les militaires continuent d’attaquer : tir de tanks et perquisitions

A Cizre du matin au soir les tanks ont bombardé les hauteurs et les alentours de la ville sans interruption. Dans le quartier de Cudi une mère de deux enfants, âgée de 30 ans, Hediye Şen, a été tuée. Dans ce quartier de Cudi, où les tanks se sont installés, les tirs de bombes se sont intensifiés sur les hauteurs de Cafer Sadık, là où la maison de la défunte a été touchée. Elle a été tuée par les forces de l’armée.

L’électricité a été coupée dans les quartiers de Yasef, Cudi et de Nur. Les attaques de tanks se densifient dans ces quartiers, des armes lourdes sont utilisées et on peut voir la ville en lumière sous les rafales de balles. Dans les quartiers de Nur (rue de Botaş et Girê Evinê), de Cudi (les hauteurs de Cafer Sadık et la rue Yafes Mahallesi), les alentours de Yeniköy et de Serbanê Cirf, les tanks et les véhicules des forces de police se sont installées, et les attaques dans ces quartiers continuent sans arrêt. Des attaques avec des armes lourdes ont été également perpétrées sur la maison où les habitants se recueillent pour les défunts (Cudi Taziye Evi). Suite à la coupure d’électricité, les habitants font des feux pour essayer de voir dans la pénombre, et pour se réchauffer. Malgré les attaques à répétition les habitants continuent de lutter.

 

La lutte a brisé le blocus à Silopi

Au matin à Silopi, les militaires ont voulu rentrer dans la ville avec leurs tanks. Les habitants ont empêché les véhicules de rentrer, les militaires ont dû faire marche arrière. Le mouvement a continué dans les quartiers de Başak et de Barbaros près du quartier Alihems où les militaires ont occupé la zone avec leurs véhicules et leurs tanks, et d’où ils ont perpétrés des attaques dans la ville. Mais les manifestants là aussi se sont mis devant les tanks, là encore les militaires ont dû faire demi-tour. Les terrains qui étaient occupés par les véhicules blindés des policiers et les tanks des militaires, ont été repris par les habitants. Suite à cela, les habitants ont décidé de faire une vigie pour parer à toute attaque des militaires. Mais ces derniers tournent pour tenter de se frayer un chemin.

 

Et dans les environs de Silopi, couvre-feu annoncé

Le couvre-feu a commencé à 23h. Aucune autorisation n’a été actée par le préfet, mais l’annonce de l’interdiction de sortir dans les rues est faite par les hauts-parleurs de la mosquée. Dans les quartiers, tout le monde n’a pas entendu l’annonce, et plusieurs religieux se sont même fait menacer par les policiers depuis leur véhicules blindés. Et ceux qui n’ont pas prêté attention à leurs menaces se sont fait attaqués par des bombes lacrymogènes.

 

A Nusaybin contre les attaques, l’autodéfense !

Le couvre-feu et les attaques s’intensifient à Nusaybin dans les quartiers de Dicle, Fırat, Yenişehir et Abdulkadirpaşa, mais dans les quartiers de Zeynel Abidin et Kışla les habitants gardent à tour de rôle les barricades pour défendre leurs quartiers des attaques. La police a tourné avec ses véhicules blindés dans la rue d’Önder qui relie les deux autres quartiers. Elle a attaqué les habitants avec un grand nombre de bombes lacrymogènes et de tir à balles réelles. Suite aux attaques de la police, les habitants se sont defendus en repondant avec des jets de pierres. La police a dû se replier.

 

Nusaybin : Une personne a été assassinée et un enfant blessé

Dans les quartiers de Selahattin Eyubi et Yeni Turan reliés par la rue de Sakarya, la police a fait feu sur un groupe d’enfants. Dans un quartier où le couvre-feu n’était pas annoncé, la police est rentré avec leurs véhicules blindés et ont mitraillés dans tous les sens. Un homme rentrant de son travail s’est fait tué, et un jeune de 12 ans a été blessé à la jambe. Les deux personnes ont été transporté à l’hôpital de Nusaybin. L’homme qui a été blessé au ventre a succombé à ses blessures. Le jeune est hors de danger. L’hôpital a été bloqué par la police suite à ces incidents.

 

A Diyarbakır, une personne a gravement été blessée.

Contre l’état de siège à Sur, et les attaques de l’Etat sur le peuple, les habitants de Dıyarbakir ont protesté malgré la répression, toute la journee dans plusieurs quartiers de la ville. La lutte a continué la nuit dans le quartier de Bağlar. Dans la rue de Gürsel, les forces spéciales ont tiré à balles réelles sur la population, et un homme de 27 ans, Muhammet Aktagan, a été gravement blessé. Il a été transporté à l’hôpital le plus proche par les habitants du quartiers. La vie du jeune homme serait en danger.
Les jeunes Şerdil Cengiz et Şiyar Salman ont aussi été abattus par les forces spéciales lundi 14 décembre dans la rue de Kaynartepe. Un grand nombre de véhicules blindés de police et des Ford Rangers banalisés avaient déjà en effet bloqué le chemin aux jeunes manifestants dans le parc de Koşuyolu… Les forces spéciales s’immiscent dans les ruelles, jettent des bombes lacrymogènes dans tous les sens, et tirent des coups de feu sur les habitants : les gens se sont réunis dans la rue de Nukhet Coşkun pour protester contre cette facon de bloquer et de tuer…

3 brèves autour des couvre-feux et des opérations des forces spéciales..

silopi1traduit depuis Sendika et DIHA

Le 15 décembre à Diyarbakır

Plus de 10 000 personnes ont participé aux funérailles de Şerdıl Cengiz et de Şiyar Selman, deux jeunes abattu par la police le 14 décembre à Diyarbakır. Ils ont été enterré au cimetière de Yeniköy.
Tout les habitants de la ville ont accueilli les jeunes assassinés avec des slogans. «  Şehid namirin » (« nos morts sont immortels »), « Le PKK est le peuple, le peuple est là ! », des sifflets et des applaudissements. La cérémonie de deuil s’est fait au parc de Koşuyolu, et les députés du HDP, Çağlar Demirel et Selma Irmak, étaient aussi dans le cortège. Après la prière, MEYA-DER [l’association des parents et proches de personnes tuées par la police] a déclaré « Ces jeunes ont été assassinés aujourd’hui à Koşuyolu par les mêmes qui ont assassinés leurs grand-pères, leurs pères, leurs grands frères. Maintenant ça suffit. Vous assassinez nos enfants avec le même état d’esprit que Daech. Nous refusons cette situation. Retirez votre sale politique et vos sales mains des terres du Kurdistan. »

Le co-président du DBP Ali Şimşek, a relancé l’attention sur les interdictions et couvre-feux à répétitions sur Sur, « malgré cette politique de terreur et de massacre, il ne faut pas se résigner, mais continuer la lutte ». « En ce moment une sale politique est faite au peuple kurde, la seule façon de contrer cette politique c’est la lutte du peuple kurde. On doit continuer de lutter en déclarant notre autonomie, nous n’allons pas changer d’avis. »

Le père de Cengiz : « Cela suffit, refusez de baisser la tête, et ne refusez pas d’être kurde, par peur, par intérêt, par oublie, assumez votre identité ! ». « Je m’adresse au peuple kurde. Ça suffit. Ça fait des années que vous fuyez votre identité. Arrêtez d’avoir peur. Venez, il faut qu’on soit tous ensemble. Cher Barzani je voudrais te dire : ʺça suffit d’être complice des pouvoirs sanguinaires, et d’avoir du sang kurde sur les mains.ʺ »

Après les prises de paroles, la foule s’est dirigée en direction du cimetière. Cette foule s’est agrandit au fur à mesure du parcours. Les slogans ont continué d’être scandé en kurde et en turc par la foule : «  Biji berxwedana Surê » (« Vive la lutte de Sur »), des applaudissements, des sifflets… les commerces ont baissé les rideaux pour soutenir les familles et le mouvement de lutte. Des centaines de manifestants ont rejoint le cortège, des passants, des habitants dans les quartiers, dans les rues, des personnes sur leur balcons, à leur fenêtre avec le signe de victoire.

La foule à l’arrivée au cimetière avait atteint les 100000 manifestants. Après la minute de silence, le chant de la marche kurde a été repris par tout le monde, “Çerxa Şoreşê”. Şiyar et Şerdıl ont été enterré avec des slogans criant vengeance…


Le 15 décembre à Diyarbakır

A Diyarbakır, sur la route de Silvan, une explosion a tué 2 policiers, et en a blessé 4 autres. Suite à cette attaque les ambulances et des forces de polices ont été renforcées.


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Le 15 décembre à Silvan, Cizre et Nusaybin

Des manifestations ont eu lieu contre les couvre-feux annoncés à Nusaybin, Cizre et Silopi. A Nusaybin, les forces spéciales sont en train de mener des attaques d’ampleur, mais le peuple a repris la lutte et la rue. A Cizre, la police a tué un enfant à la tête pendant les affrontements du premier soir.

A Nusaybin

En plus du couvre-feu à Nusaybin, avec l’interdiction de sortir dans les rues, les forces spéciales ont commencé leurs opérations rapidement. Dans la rue de Çağçağ, sur la place du Newroz, à l’ancien Otogar et sur la route d’İpek, des véhicules blindés et armés ont tiré dans les quartiers en lutte comme à Fırat, Abdülkadirpaşa, Dicle et Yenişehir. Le peuple répond en affirmant son autonomie et son autodéfense. Mais les militaires ont coupé l’électricité, ont continué à envoyer des bombes, des tirs de roquettes, et de mitraillettes : Ce matin, par exemple, les forces spéciales ont fait exploser une bombe sur la place près de la rue de Çağçağ.

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Le peuple de Cizre aux barricades

Quelques heures après l’annonce du couvre-feu, et de l’interdiction de sortir dans les rues, à Cizre les habitants ont mené des actions et ont manifesté. Pour bloquer les véhicules blindés de la police les habitants ont fermé les rues. Dans les quartier de Yafes, Orhan Doğan, Arîn Mîrxan ve Kobanê le peuple a construit des barricades. Et dans d’autres quartiers des tranchés ont été creusées. Les gens ont stocké beaucoup de nourriture. Des rassemblements devant les barricades ont été organisés avec des prises de paroles de la part des habitants annonçant le maintien des barricades et le fait qu’ils ne quitteront pas la ville.

Pendant la nuit, un convoi de véhicules blindés des forces spéciales de police a tourné dans les quartiers. A Yafes et à Nur, des attaques ont été mené par. Dans l’attaque de Yafes, un jeune de 15 ans a été gravement blessé par balle à la tête, sa vie est en danger.

Et dans le même temps, les forces armées de l’Etat continuent d’arriver et de s’installer dans la région de Cizre. Après avoir envoyer l’ordre aux professeurs de l’éducation nationale de quitter la région pour 3 jours de vacances, les forces spéciales se sont installées dans les écoles. Et dans les quartiers de Konak et de Yafes, les policiers s’installent dans les internats.

Contre les interdictions, des manifestations à Silopi

Quelques heures après l’annonce du couvre-feu à Silopi, les habitants sont venus faire une prise de parole devant le bâtiment du HDP pour protester. Le député HDP Ferhat Encü a déclaré : « Ces couvre-feux se font en dehors des droits, se fichant éperdument de la présence des civils. Et ces attaques violentes ne régleront rien à la situation. La population de Botan ne peut que se défendre, contre les couvre-feux, contre les interdictions de sortir dans les rues, contre cette barbarie, cette violence. Tout le monde va voir la lutte que le peuple va mener contre cette terreur d’Etat »

sources : Sendika.Org, DİHA