Panorama historique des luttes au Kurdistan

yazilama1370Texte repris de Merhaba Hevalno n°1.

Quand on parle des Kurdes on fait référence à une culture ancestrale implantée depuis plus de 5000 ans en Mésopotamie (au sein de ce qu’on appelle maintenant le « Proche Orient »). Ce territoire montagneux donne naissance aux fleuves du Tigre et de l’Euphrate, ce qui aura permis la sédentarisation des tribus semi-nomades à travers l’agriculture ; on considère d’ailleurs ce territoire comme le berceau des civilisations.
Néanmoins, les Kurdes ne constituent pas un peuple unifié, mais plutôt une société composée de multiples tribus qui parlent plusieurs langues (dont quatre principales de nos jours) et qui se sont trouvées séparées depuis le XVIIème siècle entre l’empire ottoman et l’empire perse. C’est au XXème siècle, après la 1ère Guerre Mondiale, que les États occidentaux gagnants (notamment la France, le Royaume-Uni et l’Italie) ont  démantelé le perdant – l’empire ottoman – en plein de morceaux et les ont soumis à leur contrôle. C’est ainsi que les zones de population kurde se sont retrouvées traversées par de nouvelles frontières, divisées entre quatre des États nouvellement créés : la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran.
Ce nouveau modèle pour la région, l’État-Nation, va reproduire ce qui avait eu lieu en Europe des siècles auparavant, à savoir, l’imposition par la force d’une seule identité nationale, niant toute existence de cultures très variées. En Turquie, l’État a été créé par le mouvement nationaliste des « Jeunes Turcs » qui avait utilisé des hommes de toutes les autres cultures (notamment, les Kurdes) comme chair à canon dans sa guerre d’indépendance jusqu’à décrocher en 1923 la République de Turquie. Ceci sous la direction de Mustafa Kemal, qui prendra le nom d’Atatürk (le « père des Turcs »). C’est à partir de là que des tribus kurdes vont se soulever, dirigées par des chefs militaires ou religieux. Chaque soulèvement sera écrasé dans le sang ; le plus tristement célèbre étant celui de 1937 à Dersim, qui finira avec la moitié de la population de la région de Dersim déportée vers les villes de l’ouest ou exterminée (environ 40000 personnes). Il s’agit du premier
génocide kurde.
Toute spécificité culturelle étant interdite et réprimée, les Kurdes (ainsi que les Arménien.ne.s, les Lazes, les Assyrien. ne.s et toutes les autres cultures) seront emprisonné.e.s, exécuté.e.s ou porté.e.s disparu.e.s pour avoir parlé leur langue en public, chanté ou dansé sur leur musique traditionnelle, et ce, jusque dans les années 2000. C’est pourquoi aujourd’hui la résistance kurde est indissociable de sa langue, sa musique et sa danse. La politique de la République de Turquie continue jusqu’à aujourd’hui de considérer les Kurdes comme une sous-culture turque arriérée, qui n’a comme choix que « l’assimilation » ; en gros, se plier à la
« turquicité » ou mourir. La répression brutale et la militarisation de tout le territoire Kurde (du sud-est du pays) aura contraint des millions de Kurdes à la déportation vers des villes de l’ouest de la Turquie et vers l’Europe. En ce moment, la population Kurde (estimée à plus de 40 millions) est répartie environ selon ces chiffres : 25 millions en Turquie, 8 en Iran, 5 en Irak, 4 en Syrie, et 2 en Europe occidentale (dont 1,5 en
Allemagne, et 250000 en France).

Ce n’est qu’à partir des années 1970 que des mouvements de libération nationale kurdes apparaissent en Turquie (inspirés notamment par les mouvements en Amérique latine), en particulier le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) créé en 1978 par des étudiants marxiste-léninistes qui voulaient voir évoluer la société tribale kurde en une société révolutionnaire et indépendante de la souveraineté turque. Après le coup d’État de 1980, le régime militaire va se déchaîner sur tous les militant.e.s de gauche, en emprisonnant et exécutant une bonne partie. Le PKK décide alors de prendre les armes et lance le 15 août son premier
soulèvement. Constitué en comités régionaux qui font du porte à porte et qui essayent d’attirer un maximum de familles, le PKK devient assez vite le principal acteur de la lutte kurde.

Les années 1980-1990 seront marquées par la guerre entre d’un côté l’armée turque et de l’autre les combattant.e.s du PKK et les civil.e.s habitant les villes et villages kurdes. Environ 4000 villages sont brûlés,
à nouveau 3 millions de réfugié.e.s quittent leur terre, 30.000 civil.e.s sont tué.e.s, et des milliers de militant.e.s et intellectuel.le.s, etc., emprisonné.e.s (beaucoup sont toujours derrière les barreaux). Ces décennies sanglantes auront gravé la mémoire des Kurdes et auront laissé orpheline toute une génération
de jeunes qui ont perdu leur père ou un.e autre proche, et qui se battent actuellement contre la police et  l’armée depuis cet été. Mais c’est aussi de cette période que le PKK tire sa réputation de « stalinien » ; il est vrai que, comme toute force armée dans une guerre, le PKK n’est pas tout blanc et a commis des violences douteuses, y compris à l’intérieur du mouvement. Néanmoins, une grande partie de la population kurde de Turquie reconnaît au PKK, et à son leader Abdullah Öcalan, leur courage et leur détermination qui auront
réussi à créer un véritable rapport de force capable de faire valoir certains de leurs droits de base (par exemple, depuis les années 2000 la langue kurde et le mot — « kurde » — ne sont plus interdits).

Quelque chose d’impressionnant pour un mouvement politique de masse c’est l’autocritique qui a été portée
d’abord par le leader « Apo » (« tonton ») enfermé sur l’île-prison d’Imrali depuis 1999. Cette réflexion sur le PKK et les autres luttes de libération nationale a mené le PKK à adopter une toute autre philosophie et tactique politiques, nommée le « confédéralisme démocratique ». En résumé, cette théorie part du constat que l’État est le résultat d’une évolution sociale et politique basée sur la domination par quelques humains sur le reste des humains et sur les écosystèmes, puisant ses racines dans le système de domination patriarcal (né au néolithique avec la figure du chasseur/guerrier). La conclusion étant que si l’on veut libérer une  communauté (ou autrement dit, instaurer une véritable « démocratie »), cela ne peut en aucun cas passer par  la revendication d’un État et cela ne peut avoir lieu sans la révolution des femmes. Le « confédéralisme démocratique » prône, comme son nom l’indique, une organisation confédérale de communes locales, coordonnées entre elles à plusieurs échelles. Il s’agit en fait d’une adaptation du « municipalisme libertaire » de Murray Bookchin (fondateur de « l’écologie sociale »).

Il serait sûrement naïf de croire que tout un mouvement, et en particulier une organisation armée, aient pu entièrement changer de fond politique, mais cette approche est tout de même prônée par l’ensemble du  mouvement de lutte kurde en Turquie, et expérimentée dans une certaine mesure dans le Kurdistan de  Turquie (Bakûr) et en une plus grande mesure dans le Kurdistan de Syrie (Rojava) depuis sa prise d’autonomie face au régime de Bachar al-Assad en 2012. Dans la partie irakienne (Başûr), la réalité est bien différente. La tribu des Barzani est au pouvoir depuis bien longtemps et a négocié sa demi-indépendance avec  le régime de Bagdad instauré par les États-Unis, devenant ainsi un allié des pays occidentaux et de l’OTAN (dont la Turquie), ce qui va de pair avec le développement capitaliste, notamment de sa capitale, Erbil. Les opposant.e.s (dont le PÇDK proche du PKK) sont peu nombreux.ses et bien réprimé.e.s.

C’est certainement en Iran que la situation est la pire. La dictature de Rohani réprime toute pratique déviant de la loi imposée par le régime. Prison, torture, exécutions et lapidations. Les quelques combattant.e.s survivant.e.s du PJAK (parti proche du PKK dans le Kurdistan d’Iran, Rojhelat) se sont réfugié.e.s il y a longtemps dans les montagnes de Başûr, et la plupart des autres résistant.e.s ont dû s’exiler à l’étranger.

C’est pourquoi lorsqu’on s’intéresse au mouvement révolutionnaire kurde, on fini par focaliser son attention sur le Bakûr et le Rojava, même si le confédéralisme porté là-bas a la prétention de s’étendre à l’entièreté du Kurdistan ainsi que du Moyen-Orient.

Entretien autour du TAK

iste-tak-gercegiVoici la traduction rapide d’un entretien paru sur le site Nerinaazad et réalisé par un membre du TAK, « Teyrê Bazên Azadiya Kurdistan » (« Faucons de la liberté au Kurdistan »), groupe qui a revendiqué l’action d’Ankara [28 militaires turcs tués dans le centre politique de la capitale]. Traduction de Kedistan.fr.

Voilà la réalité du TAK !

L’interlocuteur commence en disant : « L’explosion d’Ankara est non seulement enregistrée dans l’histoire comme l’attaque la plus rapidement élucidée, mais elle mérite aussi d’entrer dans les records du Guiness. L’identité de l’assaillant a été précisée à une vitesse étonnante et annoncé pendant que la censure sur l’événement était encore en cours, même la photo d’identité a été publiée. L’Etat et le gouvernement qui voulaient utiliser un tel événement à leur avantage, ont voulu en tirer profit , en publiant la photo d’un réfugié. »

Je voulais en savoir plus sur le TAK qui avait revendiqué l’attaque au mortier de l’aéroport Sabiha Göçen. Nous avons engagé un travail d’équipe, pour trouver des réponses à des questions telles que, qui sont-ils, combien sont-ils, quels sont leur objectifs, à qui obéissent-ils ? Malgré les deux rendez-vous que nous avons obtenu avec deux personnes faisant partie des dirigeants du TAK, les rencontres n’ont pas pu avoir lieue.

A la fin, nous avons réussi à obtenir un entretien avec une personne qui connait très bien l’organisation TAK. Cette rencontre, que nous avons pu réaliser après l’explosion d’Ankara, a apporté des réponses à des questions qui nous préoccupaient. La phrase en préambule appartient donc à cette personne.


Il répond à notre question « De qui est composé le TAK ? » en disant : « Un groupe composé des personnes qui sortent du PKK, qui ont séparé leur chemin du PKK. »

En quelque sorte, c’est une formulation d’un « Real PKK », comme « Real IRA » ou « Real ETA ».

Alors, à qui le TAK obéit-il ?

Ils n’ont aucun lien avec le PKK. Ils voient le PKK comme le représentant du mouvement de libération kurde, mais ils n’ont aucun lien. Ils acceptent Öcalan comme leur leader, mais ils peuvent écouter seul Öcalan, comme leader spirituel.

Quels sont les différences entre eux et le PKK ?

Le TAK dit que l’Etat n’apporterait pas la solution dans ces conditions. Le PKK continue le combat dans son registre. Il ne porte pas la guerre dans les villes turques, il ne veut pas faire des actions radicales. Ils disent qu’il faut parler avec l’Etat, en utilisant le langage qu’il utilise, et aller vers lui avec ses propres méthodes.

Comme l’explosion d’Ankara ?

Oui. L’Etat à mis en mille morceaux d’abord 32 jeunes à Suruç [NDLR : le vrai chiffre est 33] ensuite, 102 participants à la manifestation pour la Paix à Ankara. Maintenant dans des endroits comme Cizre, Sur, Nusaybin, Kerboran, Silvan, Idil, il bloque les Kurdes dans des sous-sols et les brûle vivants avec des [armes] chimiques. Le TAK s’est donné le devoir de répondre à tout cela et c’est ce qu’il fait.

Le TAK se considère-t-il comme l’ange protecteur des Kurdes ?

Le TAK se considère comme de l’eau qui éteint les braises qu’on a mis sur le coeur des Kurdes.

Revenons alors à l’explosion d’Ankara. Est-ce une réponse à ce que les forces de l’Etat ont fait dans les villes que vous venez de précisez ?

Le soir du 17 février 2016 à 18h30, une action de « fedai » [celui qui se sacrifie], de vengeance contre le convoi de l’armée a été réalisée dans la rue Merasim. Des dizaines de militaires turcs ont été tués. Ce genre d’action est réalisé par des combattants qui font partie de la « brigade des immortels » que le TAK a mis en place en interne.

Les membres de cette « brigade des immortels » sont-ils des combattants kamikazes ?

Toute la composition du TAK possède la qualité et la conviction pour faire ce type d’actions. Une des plus grandes différences d’avec le PKK, est le fait que tous ses membres sont prêts à réaliser ce genre d’actions. Les membres du PKK peuvent également réaliser ce genre d’actions sans aucun doute, avec volonté et conviction, mais le PKK n’adopte pas cette méthode.

Pourquoi ?

Le PKK est à la fois, la force politique et la force militaire du peuple kurde. C’est une force qui respecte les règles de la guerre, qui cherche des voies pour la paix, qui souhaite que cette guerre se termine grâce à une solution politique et qui se soumet au Droit International. Sans aucun doute, le PKK a grand pouvoir et force, des milliers de guérillas pour faire ce type d’actions, mais le PKK est une organisation qui a des relations internationales, et qui calcule les pertes et profits de chaque action qu’il fait. Le TAK n’a pas ce genre de soucis et de responsabilité.

Le fait de réaliser une action importante au coeur d’Ankara a-t-il un sens ?

Bien sûr. Même si c’est un endroit où on peut faire difficilement des actions. Le TAK a passé le message, aucun endroit n’est sécurisé pour vous, nous possédons les forces militantes et les équipements pour faire des actions, où nous voulons, quand nous voulons.

Est-ce donc, la raison pour avoir réalisé une explosion, au milieu des sièges des institutions d’Etat et de l’Etat Major ?

L’action a été réalisée par le militant de TAK nommé Zınar Raperin (Abdülbaki Sönmez), avec l’explosion d’un véhicule chargé d’explosifs. Au moment où c’était voulu et de la façon dont c’était voulu. Bien sur, le choix des lieux comme zone d’action n’est pas un hasard. La raison de ce choix de lieu qui est l’endroit le plus protégé et difficile, est la vengeance des civils blessés, sans défense, brutalement massacrés dans les sous-sol de Cizre. La zone où se trouvent ceux qui ont donné l’ordre de brûler ces personnes a été choisie intentionnellement. Certains réagissent contre cette action, et disent qu’il y avait du personnel civil dans ces véhicules. Ceci n’est pas vrai. Toutes les personnes qui travaillent dans ces endroits, même si certaines sont en civil, travaillent dans le centre mère de l’armée turque. Le fait que des enfants soient morts ou blessés est bien sûr triste, mais les responsables de cela sont ceux qui ont sonné l’ordre de brûler les kurdes blessés. Erdoğan et AKP qui ne reconnaissent aucune règle de guerre, qui dévastent les villes, doivent savoir que ce feu les brûlera eux mêmes.

Pour une action de cette envergure, ne fallait-il pas faire des reconnaissances, des renseignements ?

Bien sûr. Comme je disais, le TAK est une structure complètement professionnelle. Il est composé de personnes courageuses qui ont déjà eu une vie de guérilla, et beaucoup d’expérience antérieure dans le PKK. Des travaux de renseignements, jusqu’à la précision des temps des feux de route, la vitesse de circulation des véhicules de transport, tout était calculé. Désormais, l’Etat turc, ne devrait plus prendre les kurdes à l’armée [service militaire obligatoire]. Tu vas tuer les familles, les brûler dans des sous-sols et tu vas me faire faire le service militaire… Il ne faut pas entrer dans les détails ici. On dit que le véhicule utilisé pour l’explosion a fait des milliers de kilomètres. Ils disent, pour ce véhicule d’occasion, que les milliers de kilomètres ont été faits par les membres du TAK. Ils ont transformé l’événement en une comédie. S’ils insistent à prétendre que l’action a été réalisée par le YPG [la thèse avancée aussitôt par le gouvernement], tous les détails de l’événement seront mis à jour. Même les enregistrements de caméra des reconnaissances seront publiés sur les réseaux sociaux.

Abdülbaki Sönmez qui a fait l’action, était-il un des dirigeants ?

Non. Il n’était pas un dirigeant mais une personne aimée et respectée dans le TAK. Il est né en 1989, à Gürpınar, commune de Van. Entre 2005 et 2011 il a fait partie du PKK, ensuite en 2011 il a quitté le PKK avec d’autres camarades et a rejoint les rangs du TAK.

Quelle est la raison de sa rupture ?

Il a quitté le PKK, parce qu’il pensait que celui ci ne portait pas la guerre vers les villes de la Turquie et qu’il ne répondait pas, en usant le même langage que l’Etat.

L’Etat dit que l’attaque d’Ankara a été commise par le YPG

l’Etat turc ne supporte pas le Kurdistan de Rojava. Le PYD tend toujours la main vers la Turquie. Il a dit de nombreuses fois à la Turquie, nous ne sommes pas contre vous politiquement, nous n’avons pas de problème avec vous. Est-il possible que le YPG et le PYD qui disent ceci, viennent faire une action au centre d’Ankara, la capitale de la Turquie ? Dans les dernières semaines, la Turquie bombarde les zones du YPG. Pourquoi un membre du PYD, de YPG ferait une action de ce genre, dans une période où la Turquie cherche des prétextes ? L’accusation de la Turquie, le PYD, est la continuité de la politique qu’elle mène depuis un mois, une guerre psychologique. Elle veut appuyer les thèmes qu’elle a avancé jusqu’aujourd’hui, et les prétextes d’attaques qu’elle mènerait contre le PYD. C’est une pièce de l’opération psychologique par laquelle elle veut mettre les Etats-Unis et l’Europe en face du YPG. Pourquoi le YPG ferait une action, alors que nous existons. Les positions du YPG sont bombardés depuis une semaine. Il [l’Etat, ou Erdogan] essaye de prétexter cela [l’attaque] mais c’est idiot, dans le désespoir, ils se ridiculisent. Le TAK a fait cette action et il l’a revendiquée. Il a déclaré l’identité de son militant qui l’a fait. Que vont-t-il dire au monde, maintenant, nous attendons pour voir.

L’action de l’aéroport de Sabiha Gökçen a été aussi revendiquée par le TAK. Quel était la raison.

L’attaque au mortier effectué à l’aéroport de Sabiha Gökçen le 23 décembre 2015, a été revendiquée par le TAK, Teyrê Bazên Azadiya Kurdistan.
Cette action, a été faite pour répondre aux attaques fascistes qui ont transformé les villes kurdes en ruines. Des dégâts ont été effectués à l’aéroport et 5 avions ont été lourdement endommagés. Les médias alliés à l’AKP ont transformé consciemment les résultats de l’action afin de montrer au monde que leur espace aérien était sécurisé. Cette attaque au mortier a été également le début d’une nouvelle période d’actions. Il était le premier message pour dire que la dictature fasciste de l’AKP qui ne respecte aucune règle morale, et leur collaborateurs, ne pourront pas vivre tranquillement dans leur propre villes.

Quel est l’objectif du TAK, que veut-il ?

Le TAK n’a pas jugé que les efforts infiniment dévoués et les initiatives de résolutions du problème kurde avec des méthodes pacifiques et démocratiques, que le leader Öcalan a menées, avaient aboutis. Les politiques de destruction, et de négation, de l’Etat, et son approche niant le problème [kurde] perdurent. La méthode de l’Etat, pour traiter le problème kurde, « imposer une reddition » et sa conception « le meilleur Kurde est le Kurde mort » perdurent. Le TAK, s’intéresse seulement à des ouvertures tournées vers l’arrêt des politiques de destruction et de négation envers le peuple kurde, ainsi que la prise comme interlocuteur du leader et sa mise en liberté. Il [le TAK] trouve que le combat que le KCK mène en prenant en compte les équilibres politiques, est insuffisant et le critique. Il invite le KCK à un combat plus actif.

Le PKK fait aussi des actions en continu…

Le TAK est une organisation née des conditions laissées au peuple kurde et son leader.
Des guérillas qui ont fait partie du PKK, et qui ont lutté contre l’Etat pendant une période, mais [ensuite] ont quitté l’organisation, ont construit le TAK, car ils trouvaient faibles, les méthodes du KCK, avec leur nom de l’époque, HPG et Hongra-Gel. Dans la lutte menée contre l’Etat turc, en prenant en compte les équilibres politiques, son approche et ses efforts de résolution [du KCK] n’ont pas abouti à la réconciliation mais à l’oppression et la destruction.

C’est à dire que le TAK, ne prend d’ordre de nulle part ?

Le TAK en tant qu’organisation, n’est lié à personne. En tant que structure il est une force « fedai ». Il a la volonté et la force pour réaliser toutes sortes d’actions. Pour cela, il possède la formation et l’équipement technique nécessaire. Le TAK est un mouvement de cadres, et non un mouvement colossal populaire comme l’est le PKK. Il se concentre sur ce type d’actions et les réalise. Le PKK et actif et combat dans toutes les parties du Kurdistan. Le TAK n’a pas ces soucis. Il n’a pas de calcul, son seul objectif, c’est d’atteindre l’ennemi. Le TAK ne se soucie pas de qui dira quoi. S’il verse de l’eau sur le coeur du peuple kurde, cela lui suffit.

Les actions du TAK iront jusqu’où ? Y a-t-il une période définie ?

Tant que le terrorisme d’Etat ne cesse pas, les cibles prioritaires du TAK sont la bureaucratie militaire, l’économie et le tourisme.

Partout en Turquie les bombes exploseront, il y aura des attentats, et des sabotages, des incendies seront réalisés partout. Aucune règle ne sera respectée. Quand ils [les membres du TAK] se dirigent vers leur cibles, ils avancent avec le sentiment de vengeance. Il se focalisent sur la cible et détruisent. C’est peut être la première fois que l’Etat turc est face à une telle organisation.

Combien de militants possède le TAK ?

Chaque jour qui passe leur nombre augmente. Il y a des participation en provenance du HPG et d’autres horizons. Ils visent à élargir leur rangs. Le TAK est la force de défense et d’attaque du peuple kurde. Il est la preuve même du fait que le peuple kurde n’est pas seul.

Le TAK se compare-t-il avec l’ETA ou l’IRA ?

Non. On peut comparer ces organisations, peut être avec le PKK. Le groupe qui se nomme le TAK et qui a déclaré son existence en 2004, s’était fait connaitre avec les explosions à Çeşme et Kuşadası. le TAK est un mouvement de « fedai » organisés par petits groupes. Le représentant du peuple kurde est le PKK et Öcalan. Le TAK est le renvoi vers l’endroit d’où viennent les violences faites au peuple kurde, avec le même langage. Le TAK, comme j’ai dit précédemment, est l’eau qui éteint les braises mises en feu dans le coeur du peuple kurde.

Alors, le TAK se voit comme la force de frappe des Kurdes ?

L’Etat a mis en place contre le peuple kurde, des organisations telles que JITEM [Service de renseignements et antiterrorisme de la gendarmerie], PÖH [Police spéciale d’intervention], TIT [Brigade de vengeance turque]. Si la Turquie a le TIT et le JITEM, les kurdes ont le TAK. Si toutes les actions sont le droit de ces unités afin qu’ils atteignent leurs objectifs, c’est autant le droit du TAK. Les nouveaux membres du TAK sont constitués plutôt de jeunes. Ils sont tous formé par le cadre dirigeant. Tous les militants sont entraînes dans des villes, et élaborent des stratégies d’actions. Chaque « fedai » a des tâches et des compétences spécifiques. Certains reçoivent une formation professionnelle sur des attentats, d’autres sur les explosifs et mécanismes. Le TAK qui a des membres dans plusieurs villes du Kurdistan, privilégie en priorité les villes turques. Ils sont positionnés plus intensément dans des villes comme İzmir, İstanbul, Antalya, Aydın, Mersin, Adana.

Si le KCK fait un appel au TAK, pour dire arrêtez ces actions, le TAK le suivra-t-il ?

Non. Il y a eu ce type d’appel. Par exemple après l’action de Taksim, il a fait un appel, et une critique, mais le TAK n’a pas suivi et ne suivra pas. Le TAK ne veut pas que le PKK pose les armes, mais dans le cas où il le ferait, le TAK continuera ses activités et actions. Le TAK restera comme une force active jusqu’à la résolution du problème kurde. Le TAK critique de temps à autre le PKK. 

Après la revendication d’une attaque à Taksim par le TAK, un dirigent de PKK à qui on avait demandé « qui sont-ils ? » avait répondu ceci :

« Le fait que certains membres du TAK soit nos anciens membres est vrai. Mais il critiquaient nos politiques. Ils nous considéraient trop doux et passifs. Ils exprimaient qu’ils étaient pour l’escalade de la lutte armée. Ensuite ils ont séparé leur chemins. Mais ils acceptent, eux aussi, Öcalan comme leader. Après l’arrestation d’Öcalan, nous avons eu des problèmes et ennuis en interne. Certains camarades disaient « Le leader a cessé le feu, mais l’Etat, non seulement n’a rien compris, mais en plus a élaboré des complots contre lui ». Certains camarades critiques se sont regroupés. Ces équipes se sont rapidement polarisées et en se détachant de nous, ont construit leur propre organisation. »

TAK, est-il d’accord avec cette version ?

Oui, le TAK dit la même chose. le TAK critique le PKK de temps en temps, et le PKK le TAK.

La thèse qui dit le le TAK est la branche urbaine du PKK, est-elle vraie ?

Absolument pas. C’est du fait que plusieurs membres du TAK sont venus en se détachant du PKK qu’on fait ce genre d’interprétations. Il n’y a aucune relation entre les deux. Le TAK est lié seulement à Öcalan et lui est fidèle.

Le TAK n’affaiblit pas la force de négociation du PKK ? Si l’Etat leur dit « Même si on se met d’accord avec vous, qu’allons faire des organisations sans contrôle comme le TAK ? »

Le TAK dit que l’Etat ne se mettra pas à parler solutions dans ces conditions. Mais si le côté turc fait des pas fiables pour la résolution, il n’y aura plus de problème. Par conséquent il n’y aura plus d’actions. Mais tant que la politique de massacres de l’Etat contre le peuple kurde perdure, le TAK leur donnera la réponse nécessaire. Il est possible d’affirmer ceci : désormais le TAK fera des actions, plus importantes et plus bruyantes.

1er numéro de « Merhaba Hevalno mensuel » – des nouvelles du Kurdistan

barricade SurVoici le premier numéro de « Merhaba Hevalno mensuel », une revue de presse dans laquelle nous publierons chaque mois des textes à la fois d’actualité et d’analyse sur les mouvements de résistance en cours au Kurdistan.

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Bien que les luttes du peuple Kurde commencent à apparaître, de manière très limitée, dans les médias classiques français, cela ne signifie pas pour autant que ces luttes soient quelque chose de nouveau. Il n’est pas question d’un groupuscule armé faisant son apparition soudaine sur la scène politique du Moyen-Orient, mais bien d’un vaste mouvement populaire révolutionnaire qui a su combiner les luttes armées, politiques et sociales, tenant une position très importante, et souvent ignorée, dans les conflits de la région. Nous voudrions, en publiant ce bulletin, mettre en mot et en acte notre solidarité avec les mouvements de résistance au Kurdistan. Malgré la complexité de la situation là-bas (des dizaines de partis politiques, d’organisations, de groupes armées, etc.), sans parler du fait que la région nommée « Kurdistan » soit actuellement divisée entre quatre pays, nous tenterons de rendre les articles aussi accessibles que possible, en prenant bien en compte le fait que, de loin et de nos points de vue (majoritairement) occidentaux, nous sommes très loin d’avoir une compréhension globale de la situation.
Nous pensons à toutes celles et ceux qui, dans leurs montagnes, dans leurs quartiers, à la campagne ou en ville, résistent et se battent pour que le peuple kurde, ainsi que ses luttes et sa résistance, ne se fassent ni enterrer par les États et groupes fascistes du Moyen-Orient, ni récupérer par les puissances coloniales occidentales, dont bien sûr notre chère France fait partie.
Nous saluons aussi toutes celles et ceux qui se mobilisent déjà en Europe pour que cette révolution continue à faire écho ici, et pour qu’elle ne tombe pas dans l’oubli ni dans la déchetterie de l’ignorance générale créée par les médias classiques. Nous espérons, enfin, que cette publication puisse donner, si petit qu’il soit, un souffle à l’élan de solidarité avec les mouvements kurdes, et que les mots puissent renforcer et nourrir nos luttes à nous tout-e-s, là-bas comme ici.

 

Ce bulletin mensuel autour de l’actualité du Kurdistan est notamment rédigé depuis la ZAD de NDDL,mais pas seulement ! Un certain nombre de camarades de Toulouse, Marseille et d’ailleurs y participent…
Pour nous contacter : actukurdistan@riseup.net

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Sommaire :

  • Massacres à cizre
  • Panorama historique des luttes au Kurdistan
  • Guerre et paix
  • Les YPS-Jin aux femmes du monde
  • Un volontaire français dans les YPG
  • Appel du collectif Solidarité Femmes Kobanê suite aux attentats du 13 nov.
  • Sakine, Leyla et Fidan
  • Brèves du Bakur, du Rojava, d’Irak et d’Iran, de Turquie et d’Europe
  • Carte, glossaire, agenda

Interview d’un volontaire français dans les YPG

15030075851_5592b39c11_bLa situation ne fait qu’empirer dans le Bakur [Kurdistan nord dans l’Etat turc], avec des niveaux de répression qui s’apparentent à une nouvelle guerre civile. Comment les gens et les militants (dans le Rojava, mais aussi ailleurs dans le Kurdistan) voient-ils cette guerre qui s’annonce et s’amplifie au nord ? (Cet interview a été réalisé avant les dernières exécutions de Kurdes en Turquie et l’attentat d’Istanbul)

Il est difficile de vous dire comment les gens voient cette guerre dans le Kurdistan nord, dans la mesure où je me trouve au Rojava. La guerre civile au Bakûr, qui a déjà commencé, est omniprésente ici. Cela est dû, dans une large mesure, à la présence importante de militants du Bakûr au Rojava. S’il est sans doute abusif, comme le font parfois certains médias, de présenter le PYD et les YPG comme la « branche syrienne du PKK », il est clair que les militants du PKK ont joué le rôle principal dans la formation des YPG. Aujourd’hui encore, la grande majorité des cadres des YPG sont issus du PKK, même si le gros de leurs troupes a été recruté localement. Cela ne procède nullement d’une volonté d’hégémonie ou d’un mépris du PKK envers les « locaux », mais plutôt de la longue expérience de combat des premiers. Il est par ailleurs difficile de vous donner des proportions, même approximatives, car de nombreux militants du PKK cachent, à tout le moins aux occidentaux présents sur place, leur appartenance passée ou présente à cette organisation, toujours considérée comme « terroriste » en Europe, pour des raisons diplomatiques.

On comprend donc aisément que la guerre entre les YPG et l’Etat islamique soit perçue, par les combattants YPG du Bakûr et du Rojava, comme le théâtre local d’un conflit général plus large, en tout cas comme indissociable de la répression de l’Etat turc contre les militants kurdes. L’analyse faite par les chaînes de télévision pro-kurdes prisées des combattants (proches du PKK comme Mednuçe ou du PYD comme Ronahî TV) tranche radicalement, à cet égard, avec le traitement des médias occidentaux qui prennent soin de dissocier ces deux conflits.

On peut certes questionner, objectivement, l’unité du Kurdistan et des conflits en cours dans les différents tronçons, qui répondent plus à des dynamiques « nationales » différentes qu’à une « question kurde » unique. La carte, la représentation d’un Kurdistan un et indivisible dont le partage ne serait que momentané, un accident de l’histoire sont sans doute une construction identitaire, un élément central du discours national des différentes organisations kurdes ; il n’en demeure pas moins que l’arrivée massive de militants du PKK « turc » en Syrie et l’intervention de l’Etat turc dans ce pays ont objectivement imbriqué les deux conflits dans une même problématique.

La réaction d’Erdoğan est en partie liée à la situation en Syrie, notamment celle de ses divers protégés et proxies (ISIS, al-Nosra, Ahrar al-Sham…). Or aujourd’hui, ceux-ci perdent du terrain ainsi que ceux de l’Arabie saoudite (situés eux surtout dans le sud du pays). Les prochaines batailles des SDF (Forces démocratiques de Syrie, dont les YPG/J forment la principale force), en direction de Mabij et Jarabulus (ouest de l’Euphrate) et dans la région d’Azaz (nord d’Alep), sont des « lignes rouges » pour le régime turc, qui ne cesse de le réaffirmer, surtout qu’il y a (surtout dans la zone d’Azaz) en face des SDF des unités spécifiquement turkmènes, entièrement armées et financées (et encadrées) par des Turcs liés à l’appareil d’État, aux mouvances AKP et MHP (Loups gris, cercles ottomanistes, etc.) La Turquie prendrait-elle le risque de défendre militairement ses « lignes rouges » et donc de pénétrer sur le sol syrien alors que la Russie veille et qu’en l’état actuel des choses, Poutine n’hésitera pas à frapper ? Mais, vu sa rhétorique actuelle, Erdoğan peut-il renoncer à combattre les ‟terroristes” kurdes au sud de sa frontière qui engrangent les victoires sur le terrain ? Dans quelle mesure, sa guerre contre les Kurdes de Turquie n’est-elle pas le prix qu’il fait payer au mouvement kurde dans son ensemble pour la relative mais réelle réussite de la lutte menée par les Kurdes au Rojava (qu’Erdoğan interprète comme une menace, le début d’une défaire ou une défaite à venir) ?

En l’état, il est improbable que la Turquie intervienne directement en Syrie. Cet avis est partagé par la plupart des combattants ici. La Turquie n’était pas intervenu militairement contre les YPG (à l’exception de quelques tirs à la frontière) afin de ne pas froisser son allié américain, on imagine mal qu’elle le fasse aujourd’hui, quand l’entrée en scène de la Russie vient compliquer un peu plus le conflit syrien. Sans doute faut-il interpréter en ce sens la récente attaque contre le barrage de Tishrin et la percée vers Manbij, qui montrent que les YPG ne craignent plus une intervention armée turque directe et franchissent allègrement les « lignes rouges » fixées par Erdoğan. Sans doute l’Etat turc se limitera-t-il à soutenir financièrement et militairement tel ou tel acteur du conflit syrien, comme par le passé, mais on imagine mal que ceux-ci puissent jouer à l’avenir un rôle décisif face au régime et aux YPG, les deux bêtes noires de la Turquie.

En ce qui concerne l’intervention de la Russie en Syrie, il est intéressant de noter qu’elle a été perçue de façon très positive par les combattants que j’ai côtoyés, ce pour plusieurs raisons. D’abord, les frappes russes donnent du fil à retordre aux djihadistes, l’ennemi commun, ce qui est du pain béni pour les YPG. Ensuite, le soutien diplomatique et surtout militaire se limitait pour l’heure à celui des Etat occidentaux, Etats-Unis en tête, ce qui introduisait de fait une relation de subordination des YPG vis-à-vis de ce pays. Aucun contact officiel n’a, à ma connaissance, eu lieu entre la Russie et les YPG, mais la possibilité d’une entente ou d’opérations communes permet de relâcher la bride occidentale sur les YPG qui peuvent désormais, si les exigences des Etats-Unis se faisaient trop rapaces, se tourner vers un autre soutien international potentiel. L’intervention russe offre donc la possibilité aux YPG, comme me l’a résumé un combattant, de jouer sur deux impérialismes, pour le moment antagonistes, ce qui est toujours plus confortable que de dépendre des seuls caprices de la politique étrangère américaine, laquelle pêche rarement par la constance.

Notons au passage que la politique des YPG a souvent été critiquée dans les milieux révolutionnaires en France en raison du soutien des impérialistes américains. C’est oublier un peu vite qu’il s’agit d’un soutien purement conjoncturel, les YPG représentant pour les impérialistes occidentaux, en Syrie du moins, la seule force militaire organisée combattant efficacement l’Etat islamique qui est l’ennemi prioritaire du moment. De leur côté, les YPG profitent des frappes de la coalition contre les djihadistes, qui offrent un avantage militaire décisif et permettent de limiter le nombre de victimes (du côté kurde). Les frappes militaires sont d’ailleurs la décision des puissances impérialistes et il ne dépend pas des YPG de les empêcher ou de les intensifier. Auraient-ils dû se priver d’un soutien militaire à l’heure où ils luttaient pour une existence fragile ? Au lecteur d’en juger.

Pour prendre une référence bien connue des révolutionnaires, et au risque de s’éloigner du sujet, rappelons que l’état-major allemand a permis à Lénine de regagner la Russie en 1917. Des critiques similaires s’étaient alors faite entendre et le « wagon plombé » était devenu le symbole de la collusion supposée entre les intérêts du Kaiser et des bolcheviques. Sans le soutien de l’état-major allemand à Lénine en 1917, il n’y aurait toutefois pas eu de révolution d’Octobre. Tout dépend en réalité des objectifs que se fixent les YPG, s’ils envisagent le « soutien » américain comme le début d’une alliance durable et d’ouvrir le Rojava aux capitalistes occidentaux, ou s’ils ne font que profiter d’un appui militaire qu’ils savent passager par nature.

Je n’ai pas de réponse à cette interrogation et ignore les intentions des dirigeants du Rojava, mais les militants kurdes rencontrés ici ne se font, à quelques exceptions près, guère d’illusions sur le « soutien » des Etats-Unis et des Etats occidentaux. Ils savent que celui-ci est dicté par les seuls intérêts de ces pays dans la région, de même que le soutien inconditionnel américain à l’Etat turc quand celui-ci réprime les « terroristes » du PKK. La question de l’après-Daesh, c’est-à-dire quand les YPG auront perdu leur utilité aux yeux des impérialistes américains et européens, ne cesse de se poser car il est peu probable que la politique du PYD, si critiquable qu’elle soit, trouve un terrain d’entente avec les appétits occidentaux dans la région. L’accueil positif réservé, par les combattants du moins, à l’intervention russe, est révélateur de ces craintes.

Revenons à l’aspect plus « militaire » au sein des YPG. Quelle est la place des « internationaux », forment-ils des unités spécifiques ou sont-ils intégrés à d’autres ? Ce qui nous intéresse aussi c’est « l’ambiance », la façon dont les gens vivent la situation (les mêmes questions se posaient en Espagne dans les BI)… le degré d’information, le sentiment d’être utile, la situation kurde est-elle vécue dans sa totalité ou tend -elle à se restreindre à la zone concernée ?

Les volontaires internationaux viennent pour des raisons très diverses, on ne peut parler d’un groupe homogène. Les volontaires passent par un entraînement d’un mois environ composé d’une partie théorique, ou « idéologique », qui enseigne aux volontaires des rudiments d’histoire kurde, de la langue, mais aussi les principes du confédéralisme démocratique ou les théories d’Abdullah Öcalan sur l’origine des inégalités hommes/femmes. Ensuite, les volontaires sont dirigés dans différentes unités de leur choix. Ils peuvent s’y retrouver à plusieurs ou seuls, mais restent très minoritaires dans tous les cas. Si des problèmes apparaissent, ou si un volontaire se sent mal dans une unité, il lui est possible d’en changer sur simple demande (je n’ai jamais entendu parler de contrainte à ce sujet). Les volontaires étrangers (occidentaux serait d’ailleurs plus juste dans la mesure où les volontaires venus de Turquie, de loin majoritaires, ne sont pas considérés comme tels) ne jouissent d’aucun statut ou privilège particulier. Ils sont logés à la même enseigne que leurs camarades kurdes et partagent les tâches communes. Certains volontaires reprochent parfois aux YPG, ce qui n’est pas tout à fait infondé, de renâcler à les envoyer au combat ou de chercher à les protéger. Il est courant qu’un volontaire doive insister un certain temps avant d’être envoyer au front. Toutefois, l’idée selon laquelle les volontaires étrangers seraient cantonnés à des tâches inférieures (cuisine, construction, nettoyage, etc.) est fausse, comme en témoigne le nombre de tués parmi ceux-ci (et comme je l’ai constaté). Il s’agit avant tout pour les YPG d’éviter toute perte inutile ou d’envoyer au front des gens sans une formation adéquate.

La comparaison avec la guerre d’Espagne et la Brigade internationale, devenue un lieu commun à l’extrême-gauche, est infondée. Les « gauchistes » venant se battre au Rojava pour des raisons politiques sont en effet une minorité assez insignifiante (une petite dizaine au plus), même si l’on en compte plus dans le civil.

La majorité des volontaires sont d’anciens militaires de carrière venus combattre Daesh, mais ne se préoccupant pas de l’expérience politique et sociale du Rojava. Les anciens militaires sont plutôt, parmi ceux que j’ai fréquentés, indifférents sur le plan politique. Les enragés de la gâchette, les nationalistes forcenés venus tuer de l’islamiste voire du musulman existent, mais ne sont pas majoritaires chez les militaires. Je peux toutefois citer plusieurs exemples. Parmi les volontaires présents à mon entraînement se trouvait un ancien soldat américain ayant combattu en Afghanistan. Républicain convaincu, celui-ci m’a chanté les louanges de George Bush sur tous les tons et semblait enchanté par les Kurdes, très « occidentaux » à son goût, qu’ils opposaient aux Arabes fanatiques par la culture si ce n’est par les gênes. Un autre, Israélien, suintait le mépris envers les Kurdes, qu’il comparait certes aux pionniers de la colonisation juive, mais qui restaient visiblement trop « arabes » ou « islamiques » à ses yeux. Ce même volontaire m’a expliqué que les Arabes israéliens puaient et qu’il était possible, en se promenant dans Jérusalem, de savoir si l’on se trouvait dans un quartier arabe ou juif à la seule odeur. Précisons que ce volontaire se définissait comme étant « de gauche »…

Beaucoup viennent sans but précis, pour s’accomplir, vivre la grande aventure ou tout simplement pour fuir une routine insupportable. Ceux-ci ne restent généralement pas très longtemps, certains quittent le Rojava après avoir posté quelques photos en armes sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un vrai problème pour les YPG, car faire entrer un volontaire illégalement en Syrie représente des moyens logistiques et financiers non négligeables. Notons enfin la présence des « médiatiques », venus profiter de l’occasion pour se tailler une notoriété à peu de frais et imméritée. Ceux-ci sont souvent méprisés par les autres volontaires qui font le choix de l’anonymat dans leur majorité.

Il importe d’être lucide quant à l’utilité des volontaires internationaux et ne pas se faire d’illusions sur notre rôle. Les anciens militaires de carrière apportent un savoir-faire incontestable et des compétences précieuses au combat. Néanmoins, des divergences de tactique et sur les méthodes de combat apparaissent régulièrement, car les combattants des YPG sont issus d’un mouvement de guérilla. Il est arrivé fréquemment que d’anciens militaires occidentaux quittent les YPG pour cette raison et intègrent les peshmergas irakiens, calqués sur le modèle des armées occidentales, où ils sont rémunérés environ 300 dollars par mois (les YPG ne rémunèrent pas leurs volontaires). La création fin octobre d’une unité entièrement composée d’anciens militaires professionnels, par un ancien Marine américain, visait notamment à stopper le départ de ceux-ci.

Mais l’utilité des volontaires sans formation militaire préalable (dont je suis) est des plus limitées. Nous sommes tout sauf indispensables car d’anciens combattants du PKK, ayant 15 ans de combat à leur actif, peuvent sans problème se passer de l’aide d’étudiants révolutionnaires habitués au confort parisien, même s’ils accueillent ces derniers à bras ouverts. Il faut être certain de son choix et savoir précisément pourquoi l’on vient. Ceux qui viennent se battre au Rojava par « romantisme », ou pour des raisons éthérées et abstraites (« défendre la liberté », « se battre contre la barbarie », etc.) risquent d’être déçus sur place lorsqu’ils prendront conscience de leur place et de la réalité du terrain. Le risque est surtout de ne pas tenir dans les conditions très sommaires du front (peu de sommeil, pas d’eau courante, longues périodes d’attente, pas ou très peu de contact avec l’extérieur…) si l’on vient sur un coup de tête.
Faut-il, pour autant, renoncer à venir au Rojava pour des révolutionnaires de gauche ? Certainement pas ! Je ne puis au contraire qu’encourager ceux qui le souhaitent à venir se battre ici, au Rojava, pourvu qu’ils soient conscients des difficultés qui les attendent et, surtout, qu’ils ne se fassent pas d’illusions.

La création des SDF (forces démocratiques syriennes) est la meilleure nouvelle qui pouvait arriver pour tout le nord de la Syrie (pour les Kurdes et les non-Kurdes). Mais qu’en est-il ailleurs en Syrie, dans la ville d’Alep même où la situation est très complexe, et aussi dans les autres régions du pays (Idlib, Homs, Hama, Damas….) : y a-t-il à sa connaissance des contacts et des regroupements possibles, ou en cours, similaires aux SDF (ni le régime d’Assad, ni les djihadistes), dans ces autres régions ?

La création des SDF est en effet un excellente nouvelle. Le ralliement de divers groupes combattants aux Kurdes est symptomatique de la bipolarisation en court du conflit entre le régime syrien d’une part, et les YPG de l’autre. Difficile d’imaginer ce qu’il adviendra quand ces deux seuls acteurs resteront en scène. Des pourparlers similaires sont très probablement en cours mais, n’étant pas dans le secret des dirigeants kurdes de Syrie, il m’est impossible de vous en dire plus à ce sujet.

Sans avoir été à Kobanê, comme tu l’as précisé tu as dû un peu te déplacer dans le Rojava. As-tu eu l’impression de zones où il existe une vie économique, quelques productions, quelques échanges, ou bien au contraire une vie plutôt morte du fait de la guerre et du déplacement des populations. Comment les YPG sont-ils approvisionnés ?

J’ai en effet eu l’occasion de me rendre dans plusieurs villes du Rojava. Il existe bien évidemment une vie économique : il suffit de déambuler dans les rues d’Amudê, de Dêrik ou de Qamishlo (encore partiellement aux mains du régime) pour s’en rendre compte. Difficile d’oublier que l’on se trouve dans un pays en guerre avec les check-points, les portraits omniprésents des martyrs et la présence importante d’une police militaire (« Asayisa Rojava »), mais les magasins sont relativement bien achalandés, sur la frontière du moins. On constate d’ailleurs que de nombreuses marchandises viennent de Turquie. Mais cette vie économique ne doit pas masquer les difficultés terribvles que traversent le Rojava. Les salaires y restent très bas (70 dollars par mois pour certains fonctionnaires) et le chômage endémique. Cela amène nombre de jeunes à ne voir aucun avenir dans ce pays et à se laisser séduire par le rêve d’une vie meilleure en Europe. Les campagnes de prévention organisées par plusieurs organisations politiques semblent inefficaces pour le moment. Je passe ici sur les zones de combats, désertées totalement par la population civile et en partie détruites.

La vie économique du Rojava est donc précaire et Daesh sait où frapper pour désorganiser celle-ci. Après les derniers attentats meurtriers au camion piégé, des contrôles routiers poussés ont été instaurés pour les poids lourds.

Sans être allé moi-même à Kobanê, j’ai entendu dire que la situation là-bas était très différente. D’arès les bruits qui me sont parvenus, la ville est toujours privée d’électricité et reste plongée dans le noir la nuit tombée. Les besoins les plus vitaux y sont assurés par des groupes électrogènes. La ville reste largement en ruines. La reconstruction a certes avancé mais, paraît-il, celle-ci se ferait sans véritablement de plan, de façon spontanée et désorganisée.

J’ignore où et comment les YPG s’approvisionnent, mais le ravitaillement des unités militaires, y compris sur le front, ne représente pas de problème majeur. En cas d’opérations, les repas sont préparés à l’arrière et amenés directement aux combattants, de façon plus ou moins régulière.

Tu parles d’une présence importante de militants du Bakur au Rojava. Que feront ces derniers en cas de victoire sur Daesh (ce qui n’est pas gagné !) : rester et s’intégrer au Rojava (avec par exemple la mission de servir de cadres pour redémarrer et réorganiser la zone) ou retourner chez eux ?

J’ignore ce que feront les militants venus du Bakur après la victoire sur Daesh. Il est clair que beaucoup d’entre eux retourneront là-bas, surtout si la situation militaire s’y aggrave et qu’Erdogan persiste dans sa logique de confrontation armée. Certains combattants du Bakur brûlent déjà de rentrer chez eux pour en découdre avec l’armée turque, mais restent au Rojava par sens du devoir, pour ne pas déserter un front où ils sont indispensables.

 Il a été dit récemment que les organisations kurdes (hostiles au PKK) d’Irak voulaient instaurer un enrôlement obligatoire dans l’armée. Cela est-il évoqué au Rojava parmi les unités que tu as côtoyé ? Question annexe l’information sur ce qui se passe en Irak remonte-telle à peu près vers le Rojava ?

J’ignore ce qu’il en ait pour le Kurdistan irakien. La conscription obligatoire est déjà en place au Rojava, mais j’en ignore les modalités, n’ayant pas côtoyé moi-même de conscrits. Ces derniers seraient d’ailleurs plutôt employés à l’arrière, mais je n’ai guère plus d’informations à ce sujet. Je n’ai pas entendu parler, pour le moment, de la conscription obligatoire voulue par certains Kurdes d’Irak.

Pour ce qui est de Barzani, celui-ci est très largement méprisé par les Kurdes de Syrie, surtout chez les YPG. La liste des reproches adressés à « Dollarzani » (le sobriquet donné par les YPG) est longue : corruption et népotisme endémique, soummission aux intérêts américains, proximité avec l’Etat turc (l’armée turque forme des unités de l’armée kurde d’Irak), trahison (notamment la fuite des peshmergas et l’abandon de Shengal aux djihadistes).

Le PDK essaie certes de s’implanter au Rojava, mais avec un succès des plus limités pour le moment. Notons au passage que, si le PDK n’est pas en odeur de sainteté auprès des YPG et du PYD, celui-ci est autorisé et a pignon sur rue. Il arrive de trouver, dans certains commerces, des portraits de Barzani sans que ceux-là ne soient réprimés. Pour l’anecdote, il existe un magasin dans la ville de Dêrik où l’on trouve, au milieu des écussons YPG et des drapeaux du PKK, des portes-clefs et d’autres babioles à l’effigie de Barzani ! Les affaires sont les affaires : cette anecdote démontre bien qu’il existe une demande en ce sens, que certains s’empressent de satisfaire.

Interview OCL/courant alternatif.

Main basse sur Sur

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Traduction d’un article de Hüseyin Ali, paru dans Özgur Gündem, le 25 décembre 2015.

L’État turc est en train de mener ses attaques génocidaires au Kurdistan. En attaquant physiquement le mouvement du peuple, il veut casser sa résistance, et développer un génocide culturel. Erdoğan dit chaque jour : « un peuple, une patrie, un pays, un drapeau. » Et l’Etat dit qu’une fois qu’ils auront cassé le mouvement kurde, ils vont faire plus de commissariat, ils vont mieux éduquer les enfants, ils vont les assimiler, et si besoin les enfants seront déplacés ailleurs en Turquie. Ils disent qu’ils mettront en place un système éducatif allant contre le peuple kurde.

L’AKP, jusqu’à ce jour, a assassiné des centaines de femmes, d’enfants, de jeunes, de vieux, et d’hommes, et sans honte retourne la faute sur ceux qu’il agresse. Avec ses tanks, avec ses obus, les forces spéciales détruisent tout, mettent les villes s’en dessus dessous. Femmes ou enfants, ils tuent sans distinctions. Ils bombardent les moquées, des monuments historiques. Ils font exploser les générateurs électriques et les citernes d’eaux. Et quand le peuple lutte contre ces attaques, ils se font traités de « vandales ».

L’Etat turc ne fait que mentir pour tromper les peuples de Turquie. C’est lui qui réprime, tue, et ensuite fait comme si c’était les kurdes qui se faisaient ça à eux-mêmes. Tous les jours, les sbires tuent entre 5 et 10 personnes, et ensuite disent « le PKK a encore tué des civils ». L’Etat turc trompe son peuple. Le gouvernement AKP, en premier lieu, et surtout Erdoğan, le chef fasciste, tournent tous leurs discours de manière à duper les peuples de Turquie.

Le peuple kurde lui sait réellement ce qu’il se passe, car il le vit et le voit. En ce moment la plus grosse opération est en train de se dérouler contre Sur. L’âme d’Amed, le quartier historique de Sur, est encerclé, et leur objectif est de faire disparaître ce lieu. La raison de cette manœuvre n’est pas seulement de casser le mouvement et la résistance du peuple de Sur et d’Amed, mais d’enlever l’âme de cette ville.

C’est comme dans les années 80, quand les responsables de la prison de Diyarbakır, 5 nolu, emprisonnant des sympathisants du PKK, ont tenté d’y creuser un cimetière pour y enterrer l’espoir du peuple kurde. Et aujourd’hui en mettant s’en dessus dessous Sur, leur envie est d’enterrer l’âme d’Amed. L’âme d’Amed brille par Sur, par l’histoire de Sur, par l’architecture de Sur, par la culture de Sur, par la vie que mène les gens les uns avec les autres, l’affection mutuelle qu’ils se portent. Et aujourd’hui en détruisant l’âme d’Amed, ça sera le plus grand génocide culturel du Kurdistan.

Tous les militants, et tous les kurdes doivent le voir. Pour ces raisons, il faut créer une barricade de résistance tout autour de Sur, car la résistance de Sur ne doit pas rester seule. La lutte de Sur est la résistance de toute l’histoire kurde et l’histoire de sa liberté. C’est la résistance de Şix Sait [leader de l’insurrection en 1921 à Dersim], la résistance des bagnes, la résistance de Vedat Aydin [président du partie HEP ancêtre du BDP, assassiné par l’État], la résistance de la semaine des héros/héroïnes de 2006, la résistance de Zekiye Alkan [résistante des années 1990, femme qui s’est immolée pour le newroz quand c’était encore interdit]. En incendiant, en détruisant Sur, ils veulent arracher les racines de ces résistances. C’est pour ça que Sur est un lieu stratégique et historique. C’est une réelle résistance de défendre l’architecture et le quartier de Sur. […]

L’Etat détruit Sur car l’objectif qu’il veut atteindre n’est pas seulement la destruction de l’histoire de ce lieu, mais tout Amed. Parce qu’à partir du moment où Sur sera détruit, la seule âme qui planera, sera la culture de l’exploitation, et du capitalisme. Parce que Sur donne son âme dans chaque quartier d’Amed, et dans chacune de ces communes. L’idée est de retirer le cœur et l’âme de la résistance pour affaiblir et anéantir toute la résistance du Kurdistan.
A chaque fois qu’un obus est jeté, qu’une balle est tirée, qu’une bombe est lancée, qu’une attaque est faites à Sur… C’est tout Amed et le Kurdistan qui sont visés. Ce qui se joue aujourd’hui est d’une importance historique. La résistance de Sur doit continuer et s’accroître.

Au moment même où la résistance est forte à Sur, l’Etat annonce : « les TOKI doivent rentrer dans Sur. Sur détruit doit être remplacé par des habitats plus modernes. » Si les TOKI [grands ensembles d’habitations construits par le bétonneur TOKI] rentrent dans Sur, l’âme historique de ce lieu disparaîtra en y mettant des blocs de béton sans sens et sans âme. Et d’autres vont se faire de l’argent sur le dos de cette culture quı, exploitée, sera vouée à disparaître. C’est pour cette raison aussi, qu’il s’agit d’un génocide lorsque l’Etat brule et détruit les maisons à Sur pour y faire couler du béton,.
Le peuple kurde doit défendre, comme il défendrait son pays, chaque maison qui se trouve à Sur.
Les TOKI ne peuvent pas rentrer dans Sur ! Il n’est pas question qu’un litre de béton ne soit couler dans Sur ! Ces TOKI auront, et ont pour objectif de viser le peuple kurde et le mouvement de libération. Tout le monde, dès aujourd’hui doit s’en rendre compte. Chaque recoin explosé, détruit par l’État, doit être refait comme avant avec l’aide du peuple et de la mairie. Défendre un lieu historique c’est aussi un bout de l’autonomie que nous recherchons. C’est une défense de territoire. Les kurdes ne regardent plus leurs monuments historiques comme un simple bout de pierre. Ils savent qu’ils ont une âme, une histoire, un présent et un avenir.

Pourquoi cette résistance se fait-elle à Sur ?

Parce que ce n’est pas seulement le temps présent qui résiste, mais bien aussi les luttes passées et la mémoıre culturelle de ces luttes. Tout le monde doit le savoir. La lutte qu’il y a aujourd’hui à Sur, contre l’occupation de l’État, contre le génocide culturel, ne s’arrêtera pas là. Une fois que l’État voudra faire couler du béton dans Sur, ils feront face à une nouvelle résistance.

Le peuple kurde et les habitants d’Amed nourrissent leurs cultures depuis des milliers d’années, et ne laisseront pas assassiner leur âme. Aucune personne ne pourra venir toucher Sur impunément, comme ils ont pu le faire ailleurs. Ceux et celles qui veulent la peau de Sur, l’histoire les frappera en plein visage, sa culture les foudroiera, l’âme de sa résistance les heurteront. Et si jamais ils essayent d’y mettre la main, ils se prendront une telle gifle, qu’ils ne comprendront pas ce qui leur arrive.