Sous le paradigme kurde

CQFDDossier spécial Kurdistan dans le dernier numéro du journal de critique sociale CQFD. Nous reproduisons ici le texte principal intitulé « Sous le paradigme kurde« …
Les Kurdes ont toujours été pris en étau entre les différentes puissances régionales – ottomane, perse et arabe – et les intérêts occidentaux. Écartelés entre plusieurs entités nationales lors du partage du Moyen-Orient par la France et la Grande-Bretagne (accords secrets de Sykes-Picot) après la Première Guerre mondiale et la non-ratification du traité de Sèvres par la jeune Turquie en 1920, ils ont été à la fois assignés à choisir un camp et soupçonnés de traîtrise par les nouveaux États-nations qui leur imposaient leur joug. Ils furent les laissés-pour-compte des luttes anticoloniales. L’historien du Moyen-Orient Maxime Rodinson donnait l’explication de cet oubli, voire de ce mépris : «C’est simplement que les Kurdes ont eu le tort ou le malheur d’avoir à revendiquer leur indépendance de décision à l’encontre (entre autres) de deux nations qui, elles-mêmes, revendiquaient des droits analogues et étaient, de ce fait, soutenues par la gauche mondiale. D’abord, dans le passé récent, contre une Turquie nationaliste que les puissances impérialistes d’Occident voulaient asservir et que l’évolution de sa politique intérieure n’avait pas encore rendue antipathique à cette gauche. Ensuite et surtout, contre les Arabes d’Irak (et de Syrie), alors que le peuple arabe dans son ensemble apparaissait comme une victime de choix des mêmes impérialistes et le chef de file de la lutte contre eux. Les Kurdes, en quelque sorte, seraient donc les opprimés des opprimés. » (1) Cependant, ce qui se joue aujourd’hui au Rojava syrien et au Kurdistan nord (« Bakur », côté turc) ressemble moins à une lutte nationale qu’à une révolution sur des bases d’auto-organisation qui dépasse largement la simple carte identitaire kurde. Accompagnant une petite délégation, et grâce à un excellent traducteur, CQFD s’est rendu dans le sud-est du territoire turc à la rencontre d’une société kurde intensément politisée… et à la recherche de sentiments communs.

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25 000 flics pour empêcher le 1er mai à Istanbul : cela n’a pas suffit !

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Le climat social et politique est toujours tendu en Turquie. Mais ce 1er mai 2015 s’annonçait chaud chaud. Des élections législatives à risques pour le président dictateur Erdogan et son parti islamo-conservateur l’AKP. Une batterie de lois sécuritaires, le Paketi, qui vient d’être adopter et que d’aucuns qualifient de « fascistes ». Un mouvement kurde dynamique et qui commence à imposer sa vision du monde au-delà du strict Kurdistan… Autant d’ingrédients pour cette fête des travailleurs millésime 2015.

1er mai interdit et état de siège

« L’AKP bouscule les tabous et célèbre de nouveau la fête des travailleurs. Toutes les places de la Turquie seront ouvertes le 1er mai. » affirmait le 30 avril, le Premier ministre, Ahmet Davutoglu. Ce n’était là que pure rhétorique démocrate à destination des médias et de l’Occident. Ce 1er mai est interdit par l’État comme les années précédentes. A Istanbul, la préfecture a décidé de bloquer la place Taksim – symbole de la lutte du parc Gezi en 2013 mais surtout du 1er mai 1977 où 33 manifestants ont été tués par la police. De bloquer également le centre de la partie « européenne » d’Istanbul, les quartiers de Beşiktaş, Şişli, Kurtuluş, Mecidiyeköy, Okmeydanı, Dolmabahçe, Kabataş, Karaköy, ainsi que les deux ponts permettant de traverser le Bosphore et d’atteindre le côté dit « asiatique ». 7 kilomètres de barrières anti-émeutes selon les médias ! Les transports en communs sont coupés sur toute la zone de 6h du matin à 20h : plus aucun métro ni vapur – ces bateaux qui assurent la navette entre les deux rives du Bosphore – ni bus municipaux. Ces derniers servent à déplacer les troupes de keufs… Ces derniers sont 25000 à saturer les rues du centre de la ville, armés de tout leur arsenal – flash-balls, lacrymogènes, matraques – et aidés de 70 toma, les canons à eaux turcs et de 3 hélicoptères. Pour eux, il s’agit que rien ne se passe. Que personne ne sorte dans la rue. Qu’aucune revendication sociale et qu’aucun slogan contestataire ne puissent se faire entendre. Pour eux, la chasse est ouverte…

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[Diyarbakir] Manif de femmes contre la police

IMG_4508_petitAujourd’hui, lundi 20 avril, manifestation anti-flics et  anti-répression au centre-ville d’Amed (nom kurde de la ville de Diyarbakir).

Aux cris des slogans « Jin jihan azadi » (« Vive les femmes libres ! ») et « Tecavüzcü polis defol kurdistandan » (« Police, violeurs, dégagez du Kurdistan »), un certain nombre de femmes se sont retrouvées pour manifester leur colère. Le cortège est bien encadré par les Panzers et leurs collègues, les flics en civil. La cause directe qui regroupe ces 250 à 300 manifestantes, c’est la disparition à Siirt de deux jeunes filles mineures le 17 avril pendant plus de 48 heures. Un témoin de l’enlèvement donnera l’alerte. Elles seront retrouvées plus tard chez des policiers. L’affaire fait scandale auprès des habitants, mais le commissariat de Siirt minimisera les faits et osera même ajouter : « les jeunes filles ont souhaité passer du bon temps avec nos agents,  y a rien de mal à ça. »  De son côté, le tribunal local tentera d’étouffer l’affaire et les agressions que les deux mineures ont subi.

Mais au delà de ce cas précis, les femmes et les familles sont en colère contre l’Etat turc drivé par l’AKP, le parti du président Erdogan. Ce dernier a passé en force un paquet de lois sécuritaires ces dernières semaines : police encore davantage protégée, permission de tuer les manifestants, possibilité de détenir des personnes en garde à vue pendant plus de 48 heure sans que les proches ne soient avertis ni de la durée ni du lieu de la GAV, etc.

Police dégage !

Mission « sous-vêtements pour Kobanê »

hdp-rojava-siniri-icin-meclis-arastirmasi-istedi5233d2d2448f8cfcba96Votre mission, si vous l’acceptez : emporter, depuis la France, une valise contenant une paire de chaussures et des sous-vêtements pur coton pour les camarades combattantes de Kobanê. Appelez au numéro de téléphone qu’on vous a donné lorsque vous serez sur place.

Allez, ok, c’est une mission pour nous !

Zone à Suruç

Nous nous approchons de la destination, nous voilà à Suruç, petite bourgade située sur le territoire turc à 10 kilomètres au nord de la frontière avec la Syrie, à 13 kilomètres de Kobanê. Les habitants de Suruç ont recueillis depuis l’été 2014 les dizaines et dizaines de milliers d’habitants de Kobanê « déplacés » à cause de l’offensive de l’Etat Islamique sur la ville. Mais depuis 3 mois, Kobanê ayant héroïquement été libérée par les YPG et YPJ – forces combattantes kurdes du Rojava, masculines et féminines –, les « déplacés » regagnent leurs habitations ou plutôt ce qu’il en reste.

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Manif à Kulp contre les projets de barrages

IMG_4202Un convoi de plusieurs minibus de l’Assemblée Ecologiste d’Amed (Diyarbakir) est parti le 27 mars pour aller manifester contre la construction de plusieurs barrages et centrales hydro-électriques dans la région de Kulp. Il s’agissait de participer à une journée de mobilisation sur la problématique de l’eau et des  barrages imposés par l’État turc et des entreprises privées (notamment HES, un équivalent de Vinci en Turquie) : 5 manifestations ont eu lieu simultanément au Kurdistan « turc ».

Une centaine de manifestants seulement, dû au fait qu’il y avait plusieurs manifestations ce jour-là, et que les habitants de Kulp sont aussi un peu flippés depuis l’an dernier où les militaires ont assassiné six des leurs qui luttaient pacifiquement contre l’implantation de plusieurs nouvelles casernes autour de chez eux.  Ils y avaient de quoi être sur ses gardes : près d’une centaine de militaires et de flics, avec leurs tanks et canons à eaux, ont mis la pression sur la manif. Et nous ont empêché de suivre notre programme qui était de camper tous ensemble une nuit au niveau du chantier. Une assemblée a eu lieu à la fin du parcours. Et tout le monde a dit, que ce n’est que partie remise…

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