Des nouvelles de Diyarbakir : Entretien avec Dünya

Dünya, une camarade de Diyarbakır, a bien voulu répondre par mail à quelques-unes de nos questions en cette fin de mois de décembre 2016. Alors que l’État turc veut réduire au silence toute critique et désir de liberté, voici ce qu’elle nous raconte de sa vie là-bas. Cela donne un rapide aperçu de l’ambiance en ce moment dans la capitale du Kurdistan…

Un dessin de Zehra Dogan

Salut ! Comment vas-tu ?

Bonjour ! Je vais bien, mais j’ai dû un peu m’éloigner de tout ce que j’ai vécu dernièrement, et je suis partie à Istanbul. J’essaie de vivre la sérénité que vous vivez en France malgré toutes les choses inévitables que l’on peut vivre ici au Kurdistan. Il faut vraiment que je me décide à chercher du travail à Amed (Diyarbakır). Ou alors je vais à Istanbul pour y travailler. Mais je n’ai toujours pas décidé. J’aime vraiment Amed. Mais comme il y a beaucoup de moments difficiles à Amed ces derniers temps, je crois que je vais pouvoir vivre nulle part, car je ne me sens bien nulle part. La douleur du Kurdistan est là dans mon cœur, elle me suit partout.

Que faisais-tu comme travail ? Et qu’imagines-tu faire aujourd’hui ?

J’ai été à l’université d’Istanbul où j’ai étudié la langue turque et la littérature. J’ai fait pas mal de boulots dans ma vie, dans la presse et dans le textile notamment. Et ces 2 dernières années à Amed, j’ai eu un poste à la municipalité de Sur [le quartier historique d’Amed]. Mais en décembre 2015 on a tou.te.s été viré.e.s. Les premier.e.s employé.e.s de mairies au Kurdistan à avoir été désigné.e.s et viré.e.s par l’administration turque sont celles et ceux de la municipalité de Sur. Et tout particulièrement celles qui travaillaient sur la question des droits des femmes. Les femmes de la municipalité n’ont pas seulement été licenciées, mais un bon nombre d’entre-elles ont été mises en garde à vue. Et nous qui ne nous sommes pas faites embarquer, nous avons organisé des manifestations de soutien pour dénoncer ces agissements. La plupart des femmes qui se sont trouvées sans emplois ont leurs maris en prison et se retrouvent sans ressources. En bref, nous sommes toutes sans travail. L’État a constaté que des femmes étaient responsables de différentes organisations : il y a vu un danger et n’a pas toléré cela…

A quoi est dû ce changement de politique de la part de l’État ?

Il y a plusieurs raisons. Ce dont je viens de parler en est une. Et une autre est le fait que beaucoup de municipalités [tenues par le HDP] ont déclaré leur autonomie [à l’automne 2015]. Celle de Sur aussi, et l’État a commencé à y faire la guerre. Pendant les 113 jours de résistance [des habitant.e.s et des groupes d’autodéfense de Sur au siège des forces spéciales], l’administration turque a commencé à prendre des mesures antidémocratiques. Ensuite, à partir de juillet 2016 a été déclaré l’état d’urgence. La démocratie a été mise de côté et les municipalités des villes du Kurdistan ont été mises sous tutelle de l’État par la force. [53 municipalités au jour d’aujourd’hui, début 2017.] En fait, les personnes élues par le peuple on été remplacées par des tuteurs ou des préfets choisis par l’État.

Dans quelle situation se trouvent les prisonnier.e.s ? As-tu des nouvelles ?

Depuis la déclaration de l’état d’urgence, les gens sont placés en garde à vue ou incarcérés sans procès et pour n’importe quelle raison. On est passé dans une période où la démocratie est littéralement piétinée. Dans les prisons il n’y a plus de place. Je le sais d’une amie qui a été incarcérée sans jugement. Dans des cellules de 20 places, l’administration entasse jusqu’à 45 personnes. Il y a pour cette raison de gros problème d’hygiène. L’amie qui est en prison travaillait à la municipalité et était responsable d’un syndicat. C’est pour cela qu’elle a été arrêtée. Sa sœur a été arrêtée pour les mêmes raisons et attend également un jugement. Elles sont séparées de leurs enfants et ça me rend vraiment triste. Les conditions de détentions sont très mauvaises : outre les problèmes d’hygiène, de nombreuses maladies traînent, il n’y a pas de chauffage, et le courrier est très mal distribué… Et depuis la mise en place de l’état d’urgence plus personne ne peut rendre visite aux camarades détenu.e.s mis à part des membres de leurs familles.

Le quartier de Sur est dans quel état ? Que s’y passe-t-il actuellement ? Est-ce que tout le quartier a été détruit ? Les travaux ont-ils commencé ? Quelle est la situation de celles et ceux qui habitaient là-bas ?

Après le siège des forces spéciales et l’attaque militaire, Sur n’a pas réussi à s’en remettre. Malheureusement ce qui s’est vécu dans les années 1990 est à nouveau là ! Les habitant.e.s qui ont été forcé.e.s de quitter Sur sont parti.e.s. Et celles et ceux qui sont resté.e.s, l’ont fait soit parce qu’ils n’avaient pas d’autres endroits où aller, soit par attachement sentimental à leur quartier et à leurs racines. Beaucoup de gens se retrouvent exproprier, ils se font prendre leurs terrains et leurs maisons. Et ce que l’État propose en échange n’a strictement aucune valeur en comparaison. L’État les force à vendre et accélère ainsi la colonisation de Sur. Les travaux ont déjà commencé et les projets urbanistiques sont prêts. 5 quartiers sont toujours sous couvre-feu et sont en train d’être finis d’être rasés alors que un nombre important d’habitations restaient intactes. La destruction faite par les tanks a laissé place à celle faite par les bulldozers. Maintenant il n’y a plus de quartiers, plus de maisons. Cela fait 6 mois qu’ils préparent leur projet de colonisation. Il leur faudra 6 mois de plus pour construire leurs immeubles. Et quand les habitant.e.s pourront revenir dans leur quartier, ils ne verront que ces nouveaux immeubles en béton et ne pourront pas récupérer les maisons qu’ils avaient avant. Ce que l’État a voulu prendre, c’est leurs biens et leur histoire. Et bientôt, il voudra leur revendre ces nouveaux appartements, à crédit pour les attacher pendant 20 ans.

Dans quelle mesure la police et l’armée sont-elles omniprésentes à Amed ? Est-ce qu’elles sont toujours là malgré la levée des couvre-feux ? La population continue-t-elle à manifester ?

Malgré le retrait des couvre-feux, il y a une grande présence des forces spéciales dans toute la ville. Comme je disais plus haut, à Sur, il y a eu une rude guerre qui a laissé des traces malheureusement indélébiles. Et comme je dis depuis le début de l’entretien, depuis la tentative de coup d’état des güleniste, la police arrête qui elle veut comme ça dans la rue. Si tu te regroupes à 15 ou 20 personnes tu peux être arrêté et prendre un mois de prison. On est plus aussi libre qu’avant lorsque nous faisions nos manifestations. On ne peut plus faire de prises de paroles ni de manifs ni rien. Le pays est en train d’être dirigé de manière monarchique.

L’État veut, semble-t-il, faire exister un vrai black-out médiatique en Turquie, et plus encore au Kurdistan. La population arrive-t-elle quand même à s’informer ?

L’État a très bien su mettre en place – et il l’a fait bien consciemment – ce black-out médiatique. En coupant ou en censurant tous les médias – radios, tv, presse… Du coup, la population essaye de s’informer comme elle peut, notamment par twitter par exemple. Mais les réseaux sociaux commencent à être attaqués également et les gens de plus en plus poursuivis. Et à Amed, l’État prend le luxe de ralentir le débit d’internet ou de le fermer carrément, pour, ainsi, couper tous les moyens que les gens ont pour communiquer. Et ce que le pouvoir veut absolument cacher c’est les guerres de factions en son sein.

Mais bien-sûr que les médias alternatifs trouvent des moyens et des canaux de diffusion, même si cela est difficile. Le mouvement des femmes a commencé à se redonner des moyens de diffusion, et d’autres suivent. Il y a une vraie attention des gens à l’information, et même une ébauche d’un minuscule chemin vers l’info devient un espoir pour nous tou.te.s. Les médias ne s’arrêtent pas et continuent d’exister…

Cizre, Şırnak, Nusaybin… Dans quelle situation sont les villes qui ont subies les sièges des forces spéciales ? Comment font les habitant.e.s pour survivre ?

Toutes ces villes ont été complètement détruites. Il n’en reste plus rien. Malheureusement les gens vivent en ce moment dans des tentes, et les forces spéciales attaquent même ces campements de fortune. Ces gens-là n’ont pas de solutions. Les aides, il y en avaient mais l’État a fermé par décret toutes les associations qui s’en occupaient. Ces aides ont donc diminué. La situation est très critique en ce moment. On a beau amené de l’aide – du matériel et de l’argent –, ça n’est pas suffisant…

Est-ce qu’une partie des habitant.e.s du Kurdistan de Turquie émigrent ? Où vont-ils : en Turquie, en Europe ?

Oui, quand c’est la dernière solution, les gens s’en vont. Quand ils sont virés de leur travail et de leur maison, ils sont malheureusement poussés à partir. Ceux qui ont quelques possibilités vont à l’ouest de la Turquie, et ceux qui en ont encore un peu plus essaye de gagner l’Europe. Amed avait accueilli, ces dernières années, beaucoup de gens de Kobanê et de Shengal. Mais d’après ce que l’on sait, eux aussi s’en vont. Il y a une baisse et des changements anormaux dans la population de Amed. Maintenant la Turquie n’est plus du tout un endroit sûr pour y migrer car tout le monde sait que c’est la guerre ici, dans le sud-est…

Où en est le mouvement des femmes en ce moment ? On a vu qu’il y a eu au mois de décembre 2016 une grosse mobilisation des femmes contre le projet de loi légalisant le viol en Turquie. Y a-t-il eu des manifestations au Kurdistan ?

Le mouvement des femmes du Congrès des femmes (KJA) a changé de nom et désormais s’appelle Tewgera Jina Azadi (TJA). Bien-sûr que les travaux continuent, mais depuis l’arrestation et la détention de Ayla Akat [membre du BDP à Batman] les travaux ont ralenti. Le projet de loi sur le viol a rassemblé des milliers de femmes. Et la tentative du gouvernement de passer en force cette loi s’est retrouvé face à la conscience des femmes qui ont senti un grand danger venir. Mais le danger en Turquie est là à tout moment. C’est pas parce que cette loi a été ajournée aujourd’hui que le danger est passé. Tant qu’on aura pas régler les choses à la racine, l’État continuera de soumettre les femmes à ses lois. Il prétend que c’est pour protéger les femmes, mais en réalité c’est pour les rendre plus vulnérables, pour les mettre en danger, et l’objectif étant d’augmenter les violences et agressions sexuelles à leur égard. Est-ce que cette mobilisation a eu lieu au Kurdistan ? Bien-sûr qu’elle a eu lieu ! Mais elle n’a pas trop été visibilisée, car ici, avant même de se faire violer, on se fait tuer directement… Ça fait 2 ans que nous vivons une forte attaque militaire menée par l’État oppresseur et totalitaire, et ça nous laisse peu de temps à mettre ailleurs. On est vraiment dans une période où la démocratie est vraiment bafouée. On se cramponne comme on peut au peu de droits humains qu’il nous reste. On s’oppose pas simplement à la loi contre le viol, on lutte chaque jour contre toutes les violations des droits humains…

Beaucoup d’écoles ont-elles fermé à Amed ? Comment vont les enfants ? Comment réagissent-ils à la situation actuelle ?

Malheureusement, dans les secteurs où la guerre à frapper et où il y a eu des combats, les programmes d’éducation ont beaucoup ralenti. Et certains enfants n’ont même plus accès aux écoles : certaines écoles ayant fermé, les enfants ont été renvoyés vers d’autres écoles qui sont bien trop loin pour qu’ils puissent s’y rendre. Du coup, beaucoup d’enfants sont troublés et sont atteints psychologiquement, et le système éducatif est « cassé » depuis une année. Beaucoup de professeurs ont été virés car ils appartenaient aux syndicats de l’éducation. Ça aussi a son effet sur les écoles. Il y a un système éducatif, mais les enfants n’y ont plus accès. Les enfants de Sur sont dans une période de rémission traumatique ; ils sont suivis par différentes associations populaires qui s’occupent d’eux. En ce moment, si on regarde à l’échelle de la Turquie, le système éducatif est vraiment mis à mal. Et à Amed, c’est deux fois pire.

A ton avis comment la situation générale va-t-elle évoluer ?

La situation ne va pas s’arranger facilement, tant que l’État ne change pas son regard et son attitude avec les Kurdes. Je pense même que la situation risque de s’aggraver…

Merhaba Hevalno mensuel n°10 – décembre 2016

sirnak en ruineDécembre. L’hiver s’installe, doucement, implacablement. Malheureusement, ce mois-ci encore, le flot de mauvaises nouvelles poursuit son cours, et le froid signifie aussi un durcissement des conditions de vie pour celles et ceux qui continuent de résister. […]

En Turquie, les arrestations de membres du HDP et du DBP se poursuivent, les conditions d’isolement des leaders emprisonné.e.s le mois dernier se durcissent, les discours haineux et misogynes du pouvoir sont de plus en plus assumés, tandis que les habitant.e.s des villes détruites par l’armée les mois passés, reconnaissent à peine leurs maisons. Nous publions ce mois-ci le témoignage de l’un d’entre eux.

Au Rojhilat, les nouvelles, éparses, ne sont pas meilleures, et rapportent que les disparitions de civil.e.s kurdes en pleine rue continuent.

Difficile de garder espoir, et pourtant… Les Kurdes nous montrent à chaque instant que même au plus profond de la nuit, la résistance et la rage révolutionnaire sont encore possibles, et qu’au milieu des bombes et de la répression, l’amour de la liberté soulève des montagnes. C’est ce qui ressort de manière très sensible des textes de Dilar Dirik, dont nous publions (encore !) deux écrits ce mois-ci, l’un sur la guerre d’Erdoğan envers les femmes qui résistent, et l’autre qui est un compte-rendu de voyage au Rojava. […]

Certes, c’est l’hiver, certes, tout va mal, mais les graines sont là, elles ont même déjà germé, et qui peut dire ce que le printemps fera éclore ?

Télécharger le ficher pdf

SOMMAIRE :

  • Édito
  • [Bakûr, Turquie] Şırnak, à la recherche d’une humanité détruite
  • [Rojava, Syrie] Le Rojava : oser imaginer [partie 2]
  • [Başûr, Irak] Pour les Kurdes d’Irak, la question de l’indépendance n’est plus d’actualité
  • [Başûr, Irak] Le Shengal deviendra-t-il une nouvelle base du PKK ?
  • [Rojhilat, Iran] KODAR : Créer un front démocratique est une nécessité historique
  • [Rojhilat, Iran] En Iran, la lutte kurde dans l’ombre
  • [Turquie] L’abus sur les mineur.e.s légalisé par mariage ?
  • [Turquie] La guerre d’Erdoğan contre les femmes
  • [Turquie] Messages de lutte pour le 25 novembre
  • [Europe] Attaques contre les intérêts turcs en Europe
  • Glossaire & agenda

Télécharger le ficher pdf

Téléchargez le pdf, imprimez et photocopiez-le et diffusez-le autour de vous, partout ! (Pour imprimer en mode « livret », choisissez du papier A3 pour faire tenir 2 pages sur chaque face.)

Le poème « Yeryüzü aşkın yüzü oluncaya dek » de Adnan YÜCEL.

 

https://vimeo.com/156379682

Jusqu’à ce que la face de la Terre soit la face de l’amour !

La vie était sans amour et fracassée
dans la noblesse d’un engagement je t’ai trouvée
je t’ai aimée dans la beauté d’un combat.
il n’est pas fini, il continue ce combat
et il continuera
jusqu’à ce que la face de la Terre soit la face de l’amour !
tous les maîtres de la Vie avaient dit «amour »
aimer une beauté avec amour
et être capable de se battre pour cette beauté.
voici sur ton visage des fleurs d’amande
dans tes cheveux la terre qui sourit et le printemps.
es-tu la lutte dans laquelle je t’ai aimée
serais-tu la beauté même de ce combat.
dans la noblesse d’un engagement je t’ai trouvée
je t’ai aimée dans la beauté d’un combat.
ils ont coupé mille fois nos pousses fraiches
ils les ont cassées mille fois.
voici, nous sommes encore en fleurs, nous sommes en fruits
ils ont noyé mille fois le temps dans la peur
ils ont tué mille fois
voici, nous sommes encore en naissance, nous sommes en joie
il n’est pas fini, il continue ce combat
et il continuera
jusqu’à ce que la face de la Terre soit la face de l’amour !
depuis les premières rivières que nous avons traversées
nos pieds sont les pieds de l’eau
nos mains sont mains de roche et de terre.
nous nous multipliions lors des matins assoiffés de pluie
nous nous mettions debouts avec cérémonie sur vos tours
nous chantions des chansons d’une seule musique
d’une seule voix, d’un seul coeur
c’était nous qui peignions de violet les montagnes
notre jeunesse n’était pas encore autant pillée
ni la tristesse des morts au crépuscule
ni la joie des naissances dans l’aube
ô nature, qui crée des fossoyeurs d’une main
et de l’autre dépêche des sage-femmes
notre appel est pour toi seule
nous vivons comme nous le pouvons ta beauté
il n’est pas fini,il continue ce combat
et il continuera
jusqu’à ce que la face de la Terre soit la face de l’amour !
les palais, les règnes s’effondrent
le sang se tait un jour
la persécution se termine.
les violettes éclosent sur nous
les lilas rient
ne resteront aujourd’hui d’avenir
que ceux qui vont à demain
et ceux qui résistent pour les lendemains
les poèmes sont murs pour éclore
les sentiments sont murs pour pleuvoir
et le cœur
est sur les cimes inaccessibles des images
ô ceux qui disent que tout est fini
ceux qui se nourrissent de la résignation à la table des peurs.
ni les fleurs dans les prairies
ni les colères grandissantes dans les villes
n’ont encore dit adieu.
il n’est pas fini, il continue ce combat
et il continuera
jusqu’à ce que la face de la Terre soit la face de l’amour !

Entretien avec une camarade partie au Rojava

Merhaba Hevalno s’est entretenu vers décembre 2015 avec une personne (européenne) qui nous avait contacté.es depuis le Rojava. Voici l’entretien enfin publié presque un an plus tard.

victory-sunset

Tu habites au Rojava depuis un an en tant que volontaire. Tu peux nous dire ce qui t’as poussée à t’y rendre ?

Je voulais voir si c’était une vraie révolution. La première fois que j’ai entendu parler de la cause kurde c’était pendant la résistance de Kobanê. À l’époque ça ne m’intéressait pas plus que ça, je pensais que c’était juste une guerre de plus et je ne me sentais pas vraiment concernée. Puis un pote m’a emmenée à une petite conférence à Londres qui s’intitulait Rojava ou la démocratie confédérale. David Graeberg et Zaher Baher y décrivaient ce peuple qui malgré l’encerclement et les attaques des fascistes de tous horizons, résistait et réussissait même à mettre en pratique des idéaux libertaires. Collectivisation des terres, création de leur propres institutions, décisions par assemblées locales, coopératives, etc.

Ce qui m’a le plus choquée c’était d’apprendre qu’ils pratiquent le système d’assemblée non pas à 30 ou 40 personnes, comme j’avais eu l’habitude de voir par chez nous, mais actuellement à la taille d’un pays de 3 millions de personnes. Comment ce système, dont j’ai déjà cru voir les limites à un niveau local, peut fonctionner à une telle échelle ? Et sans perdre de sa cohérence ?

L’autre chose c’était qu’ils disaient que les gens de Rojava poussaient chacun.e à être politisé.es. Non pas en prenant parti pour un parti politique, mais en participant au développement de leur localité et en se cultivant pour se former leur propre opinion. Cette info me faisait déjà tracer une perspective entre leurs ambitions et celle de nos politiciens et citoyens.

Bref, je me suis mise à chercher plus d’info. Internet, centres culturels kurdes, meetings, mais rien à faire, personne n’avait la moindre idée de ce qui se passait vraiment ici. ISIS, le front, la guerre, le sang, oui, ça j’ai vu, mais il n’y avait rien sur les mouvements sociaux, même le nom de Rojava ne sortait pas souvent. Même Graeberg, en fait, il avait eu un tour guidé du [parti] PYD pendant 10 jours et il était revenu fissa fissa dans son appart à Londres. Il avait fait un très bon travail de présentation, mais c’était sûrement pas un travail d’anthropologue. J’étais vexée, comment ça ce faisait qu’il y avait quelque chose d’aussi énorme, et que personne ne sache rien à ce sujet ? Ça ne semblait pas non plus affoler mes camarades anarchistes, ce qui m’exaspérait encore plus. Et puis je me suis demandée ce qu’on avait réalisé en tant que mouvement ces dernières années… sans trouver de réponse précise.

Rojava tel que je l’avais compris remettait en question non seulement la société dans laquelle on vit mais aussi notre implication dans celle-ci ou plutôt notre implication pour les idées qu’on défend. Je ne pouvais plus juste garder cette idée de révolution dans un coin de ma tête comme si c’était une belle photo des Caraïbes qu’on accrocherait au mur en pensant qu’on irait peut-être bien un jour mais sans jamais rien faire pour, de peur d’être désillusionnée par la réalité. Non, cette fois je voulais creuser plus loin, voir de mes propres yeux ce qui marche ou pas. Et puis si cette révolution était légitime, je pourrais apprendre et exporter ces savoirs.

Alors lorsqu’un ami est parti j’ai aussi décidé de prendre mon sac.

Je me souviens, 3 jours avant qu’il parte, nous avions vu la vidéo du pilote jordanien brûlé vivant par ISIS, et ça m’avait vraiment fait froid dans le dos. Même si j’avais pesé ma décision maintes et maintes fois, j’ai tout de même passé quelques nuits blanches avant de partir. Mais comme dirait l’autre, mieux vaut mourir debout, que vivre à genoux !

Quelles sont tes activités là-bas ?

Je réalise des vidéos sur la société civile dans Rojava que je publie sur Rojavaplan.com. Je passe l’essentiel de mon temps à apprendre le Kurmanji [langue kurde parlée au Rojava et au Bakur], à parler avec les gens, et à chercher à comprendre comment toutes les institutions et autres organismes s’organisent. J’ai rencontré majoritairement des Kurdes mais aussi des personnes de chacune des ethnies existantes au Jaziré : Assyrien.nes, Arménien.nes et Arabes.

Y a-t-il beaucoup de volontaires étranger.es ? Comment est-il possible de contribuer en tant qu’étranger.e (c’est-à-dire ne partageant ni culture ni langue communes) à la construction du mouvement populaire ?

Dans le YPG/J il y a pas mal d’étranger.e.s venant de toutes parts. Parmi eux, il y a peut être une dizaine de Français. Mais en ce qui concerne la société civile, il y a très peu de monde, et encore moins du monde qui reste sur du long terme. Il y a à peu près une dizaine d’Allemands, et à peine une poignée de gens du reste de l’Europe. Depuis un an que je suis ici, je n’ai pas vu un seul Français travailler dans la société civile. Ça me fait me poser beaucoup de questions sur nos mouvements et en particulier les mouvements anarchistes. Est-on trop blasé.es ? Est-ce une question d’ego ? Ou un manque d’empathie ? Peu importe ce que c’est, à la fin il n’y a pas d’excuse au laisser-aller général.

Ce qui me bouffe le plus c’est que Daesh, de l’autre côté, haï par bien la moitié de la planète, réussit tout de même à attirer dans ses rangs et dès leur première année, plus de 20.000 jihadistes venus du monde entier. La réaction des gouvernements des US et d’Europe a été pitoyablement hésitante pendant plus de 4 ans et est vraiment dépassée en terme de contre-propagande. Si on regarde attentivement, on peut voir par ailleurs, que Daesh nous prouve que des groupes indépendants et bien organisés, avec une bonne propagande sont actuellement capables de challenger bien plus que personne ne l’eut imaginé avant, l’autorité centrale étatique.

En tant qu’étranger ou que Kurde à l’étranger, il y a plusieurs choses que vous pouvez faire :

– traduire des textes, des films, du kurde à une langue étrangère et vice et versa. Maintenant il y a trop peu d’info à propos de Rojava en francais. Et il y a trop peu d’infos accessibles en kurde. Commencer par traduire des wiki francais/kurde, remplir la page sur Rojava, et en langue kurde à propos des révolution(…naires) de ce monde, et de toutes les connaissances spécifiques, économie, justice, écologie, biologie, média, etc.

– les groupes de solidarité féminine devraient vraiment pointer le bout de leur nez ici. Les femmes fortes de Rojava c’est pas un mythe et c’est pas qu’au front. Développer nos connaissances et nos liens avec des groupes comme Yeketiya Star est primordial pour le développement de n’importe quel mouvement.

– aider à la construction de réseaux kurdes en Europe, pour qu’ils soient à même d’aider financièrement et médiatiquement les projets d’ici.

– soyez créatives, faites de la musique franco-kurde, mixez leur folklore au rap ou à l’électro ; faites des concerts de soutien, des soirée débats, faites des graffs avec Rojava dans vos rues, partout, faites des fringues Rojava style. Il y a des tonnes de trucs à faire si on prend le temps d’y penser.

Et bien sûr venez voir par vous-même ce qu’il en est !

Es-tu en lien avec le mouvement des femmes ? Quelles sont leurs projets actuellement ? Est-ce que des femmes non-kurdes (arabes, assyriennes, etc.) se sont rapprochées de ce mouvement ?

Oui bien sûr, le mouvement des femmes ici est très puissant et présent à tous les niveaux des institutions de Rojava. La plus grande organisation féminine civile est Yeketiya Star. Ce groupe a été récemment renommé Kongreya Star. Cette organisation peut s’apparenter à celle du TevDem, avec en son sein plusieurs branches, chacune dédiée à un champ particulier. Elle va opérer dans autant de domaines que le TevDem, tels que la justice, l’économie, la santé, l’éducation, à la différence que toutes ces institutions sont exclusivement féminines. Par exemple au niveau de la justice, le Kongreya Star s’occupe de tous les problèmes qui touchent les femmes tel que la violence conjugale ou les meurtres d’honneur. Les femmes, ainsi que la communauté toute entière, ont opté pour un système de justice restaurateur qui commence par résoudre le plus de conflits possibles, via consensus des 2 parties concernées, au niveau local. Wokfa Jin est un centre de réhabilitation au niveau de la santé. Cette organisation développe aussi un projet de village réservé aux femmes et enfants. Pour l’instant il n’existe encore que sur le papier, mais je suis vraiment excité à l’idée de le voir se mettre en place car toutes les étapes de construction seront réalisées apparemment par des femmes et si ça se fait vraiment comme ça, ça sera [peut être?] une première dans le Moyen-Orient de voir des femmes construire des maisons de A à Z, faire les liaisons électriques, la mécanique des voitures, etc., ou même travailler dans les magasins car même si elles sont présentes dans les institutions, les rues restent majoritairement masculines. Aussi je n’ai vu que 2 fois des femmes (des guérilléras des YPJ) conduire une voiture, et jamais vu de femme sur une moto. Il y a donc encore un fort contraste entre les traditions paternalistes présentes dans la société, et l’émergence de mouvements féministes qui petit à petit redonne confiance et de l’indépendance aux femmes.

Ce sont principalement les femmes kurdes qui participent dans tous les organismes de la société. Même si les femmes syriennes et arabes n’y sont pas autant présentes, elles y prennent de plus en plus part. Par exemple il y a une faction des YPJ qui est composée de femmes chrétiennes exclusivement. Plus généralement il y a Sutoro, une police chrétienne qui collabore avec les Assayish (police) pour sécuriser la ville. Les deux co-président.es du canton de Jaziré sont une femme chrétienne et un homme kurde. Il y a aussi des efforts faits pour présenter et expliquer ce système aux populations arabes des zones nouvellement libérées par les YPG. Ceci dit, la participation des femmes arabes dans quelconque organisme civil reste très faible car souvent très freinée par leurs maris, une culture différente des femmes y participant déjà, et un manque d’intérêt envers la prise en charge des problèmes et besoins en dehors de la famille.

Même si il y a encore beaucoup de progrès à faire au niveau de la participation égale des ethnies, je vois qu’il y a déjà eu un développement énorme depuis 5 ans, et des efforts faits à cet encontre, donc j’ai bon espoir que la situation s’améliore à ce niveau là.

Peux-tu nous parler des communes (assemblées locales dans le quartier ou le village, desquelles émanent des commissions et des coopératives) ? Ont-elles une participation importante de la population ou restent-elles des espaces militants où seules les personnes les plus acharnées se retrouvent à porter tout le boulot d’organisation ?

Les communes (komun) sont présentes dans toutes les villes et villages du Rojava et dans le quartier Sheikh Maqsoud à Alep. Ce système n’est pas apparu de la dernière pluie, mais est plutôt le fruit des traditions familiales, tribales, et l’évolution du mouvement révolutionnaire kurde mené par Öcalan.

Il faut tout d’abord comprendre que la famille a un rôle très important dans cette société. Ici, à la différence de l’Europe, les gens ne vivent pas seul.es ou en coloc, il.les vivent dans je dirais 75 % des cas avec leur famille et autrement sur leur lieu de travail avec leurs collègues. Ici les familles sont grandes avec en moyenne 8 enfants. Donc souvent dans une maison il y a une ou 2 grand-mères, et la femme du frère ou la cousine avec leurs enfants. Car comme ça, les femmes s’entraident pour la garde des enfants. Bref, le style de vie communal a toujours été bien imprégné dans les mœurs d’ici et les réunions plus ou moins formelles où les ancien.nes ont un rôle de conseiller.es de village ou de quartier sont de longue tradition.

Le système des communes est donc plutôt une évolution démocratique qu’un système complètement nouveau. Il n’y a pas de chiffres officiels mais de ce que j’en perçois, à peu près la moitié de la population participe dans les communes et autres institutions de l’auto-administration.

Les communes ont pour but l’auto-gestion des ressources et la résolution des problèmes au niveau local. Une commune représente à peu près 400 personnes. Tout le monde peut y prendre part mais il n’y a jamais une participation de l’entière population. En moyenne sur 400 personnes, de 30 à 70 y vont régulièrement. Le lieu où ces communes se rencontrent s’appelle Komingeh (lieu de la commune). Chaque commune élit 2 co-président.es qui coordonnent le travail et les ressources selon leurs besoins. Ils représentent aussi la commune au niveau du quartier (11 communes) et rencontrent les co-président.es des autres communes toutes les semaines dans la maison du peuple ou Mala Gel.

Les personnes qui se réunissent à la Mala Gel élisent à leur tour 2 co-président.es qui les représentent au niveau de la ville et puis au niveau du canton. Au sein de chaque commune il y a plusieurs comités tel que le comité de la sécurité, de la santé, du consensus (justice), de l’écologie, de l’économie, de la municipalité etc… Ces comités se coordonnent de la même manière que la commune jusqu’au niveau du canton. Ils sont formés selon les personnes présentes, leurs intérêts, leurs connaissances et les besoins de la commune. La plupart des participants font partie d’un comité mais certaines personnes viennent aussi juste pour parler et voir ce qui se passe.

Au début de la révolution, les milices se sont formées pour sécuriser le territoire et les communes pour s’auto-gérer au niveau de l’approvisionnement en nourriture et de l’organisation des funérailles. Lorsqu’un YPG/J mourrait, il fallait rapatrier le corps, le nettoyer, avertir la famille, et organiser les funérailles. Au fur et à mesure, les gens ont formé un comité spécial pour ça qui s’appelle : Malbata Shahid (la famille des morts au combat). Aujourd’hui ce comité soutient aussi les familles des martyr.es qui ne peuvent pas subvenir seuls à leurs besoins.

Parallèlement à ce système de commune, il y a aussi Mala Jin (la maison des femmes) qui fonctionne de la même manière avec plusieurs comités et des co-présidentes qui les représentent jusqu’au niveau du canton, à la différence que ce sont des organisations exclusivement féminines.

Quelle est la situation économique (au sens premier) des gens au Rojava, alors que la guerre continue ? La production étant largement tournée à ravitailler les combattant.e.s qui défendent les territoires libérés du Rojava (et qui continuent à grignoter du terrain sur les forces islamistes), et la région étant soumise à un embargo, il semblerait que la production locale et la contrebande suffisent tout juste à fournir les besoins de base.

La situation économique est vraiment instable car les peu de choses qui se produisent au sein de Rojava, sont créées en petite quantité et donc à un prix plus élevé que ceux des produits provenant du Kurdistan d’Irak ou de Damas. Donc la plupart des magasins importent au lieu d’acheter local. À cause de ça l’embargo a un effet immédiat et dramatique sur toute la région. 80 % de la population est pauvre. Ceci dit, grâce à une forte solidarité au sein des membres d’une même famille, tout le monde peut couvrir ses besoins de bases, sauf les produits spécifiques comme le lait en poudre, la viande ou les Doliprane.

Puis, la destruction de bâtiments, de quartiers, voire de villes entières (à Kobanê, seuls quelques bâtiments restent debout) ne doit pas aider à la situation du logement. On se demande si tout le monde arrive à trouver un logement…

Depuis que je suis à Rojava je n’ai vu que cinq sans-abris. J’ai vu des gens pauvres ou vivant dans des camps pour réfugié.es mais sans maison je ne crois pas en avoir rencontré.

Comment y parle-t-on de l’avenir du reste de la Syrie ?

Il.les espèrent que la Fédération [du Rojava / nord de la Syrie] leur donne plus de considération et de statut au niveau international. Il.les espèrent avoir tou.tes enfin une carte d’identité. Les Apoïstes [de Apo, surnom de Öcalan] veulent voire le système du TevDem s’appliquer à toute la Syrie.

Merhaba Hevalno mensuel n°7 – septembre 2016

574b5d14e82af657d30e3786b688af1e

Après une pause au mois d’août, voici un gros numéro de Merhaba Hevalno. On y trouve deux gros dossiers bien fournis, l’un sur le coup d’état en Turquie, et l’autre sur l’invasion turque au Rojava.

Téléchargez le PDF

  • Édito
  • Dossier : L’armée turque envahit le Rojava ! (Comprendre les batailles de Hasaké et Manbij / Jarabalus : l’incursion de l’armée turque en Syrie est synonyme de guerre perpétuelle contre les Kurdes / Entretien avec Faysal Sariyildiz / Appel de l’Union des Jeunes Femmes du Rojava et de l’Union de la Jeunesse du Rojava)
  • Interview de Hassan Sharafi, secrétaire général adjoint du PDKI
  • Dossier : « Du putsch militaire raté au putsch civil » (Introduction et chronologie des premiers jours du coup d’état / De l’État à la Horde / L’AKP, l’armée et le mouvement Gülen : l’anatomie du coup d’état échoué en Turquie / Communiqué du KNK : le coup d’état échoué en Turquie et l’agenda anti-Kurde d’Erdogan / Les putschistes… c’est l’AKP !)
  • Communiqué du CDKF quant à la fermeture du journal Özgür Gündem
  • Campagne internationale de solidarité avec Öcalan
  • Des Alpes au Kurdistan ! Vive la solidarité internationale !
  • Agenda
  • Carte et glossaire

Téléchargez le PDF, imprimez-le, photocopiez-le et diffusez-le autour de vous, partout !
(Pour imprimer en mode « livret », choisissez du papier A3 pour faire tenir 2 pages sur chaque face.)

 

Extrait :

Ces deux derniers mois ont connu deux événements majeurs qui ont marqué profondément la situation en Turquie et plus généralement au Proche-Orient. Il s’agit de la tentative de coup d’état en Turquie, puis de l’invasion du Rojava (Kurdistan au nord de la Syrie) par l’armée turque. En Turquie, où la guerre contre les Kurdes dure maintenant plus d’un an, c’est la guerre civile qui se profile. Quant à la Syrie, ce nouvel acteur -le régime du président turc Erdoğan- envenime encore plus la situation, en prenant encore une fois la défense de l’État Islamique contre les Kurdes […]

N’ayant pas pu publier de brochure en août, nous avons essayé ce mois-ci de faire un résumé -quoique assez long !- de ces événements récents, ce qui n’a pas été une tâche très simple étant donné la complexité de la situation. Nous tenons à continuer de diffuser des informations, déclarations et analyses, en ayant toujours l’espoir que cela puisse contribuer à une mobilisation plus conséquente ici en France et à créer des ponts de solidarité. Mi-septembre, c’est la « rentrée » des luttes, en particulier contre la loi « Travaille ! » et la potentielle opération d’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Nous nous interrogeons sur la place qu’on pourrait créer au sein de ces luttes franco-centrées mais néanmoins puissantes, pour faire du lien avec d’autres luttes qui remettent profondément en question le fonctionnement même de la société, telles que les dynamiques révolutionnaires en cours au Bakur et au Rojava. Que peut-on apprendre et partager ? Quel soutien peut-on apporter ? Comment tisser des liens forts de solidarité qui aillent dans les deux sens ? Ce sont ces questions, entre autres, qui nous motivent toujours à persévérer dans l’édition de cette revue. Nous espérons que celles et ceux qui s’intéressent aux luttes en cours au Kurdistan y trouvent leurs propres questions, quelques réponses, et un peu de motivation à la diffuser.