Istanbul : répression sans fin…

Istanbul. Sortie du métro Aksaray. Une camarade nous a rencardé pour un rassemblement de protestation, mais faut bien avouer que nous n’avions pas bien saisi les raisons de cette manifestation. Nous pensions que c’était en solidarité avec les migrants qui se sont révoltés la veille dans le centre de rétention de Kumkapi à Istanbul. Car, en Turquie aussi, l’Etat enferme à tour de bras les personnes qui n’ont pas le bon bout de papier en poche. Surtout que l’Union Européenne, Hollande et Merkel en tête, vient de filer 3 milliards d’euros au président-dictateur turc, Tayyip Erdogan, pour s’occuper de garder les migrants sur son sol et non pas les envoyer en Europe. Tout le monde dit ici, que ce sont 3 milliards qui vont aller directement dans la poche du Sultan et pour la guerre contre les Kurdes… Une révolte éclate dans le centre de rétention du coin où les migrants incendient leurs matelas : c’est une excellente raison de se rendre à cet appel en solidarité !

kumkapi

Nous arrivons donc à Aksaray, la sortie du métro est gorgée de flics qui contrôlent les sacs et les gens. Nous parvenons à éviter les contrôles et sortons sur la grande place et assistons immédiatement à des mouvements de troupes excités. 2 toma (canons à eau) manœuvrent pendant que des keufs anti-émeute foncent masques-à-gaz sur la gueule à l’autre coin de la place. Mouvements de foule. Mais que se passe-t-il ? Peu à peu nous arrivons à identifier les flics en civil : ils sont là en masse, peut-être une centaine. Et ils n’ont rien à envier à leurs homologues baceux français, puisqu’ils sont encore plus terrifiants : super énervés et menaçants avec tout le monde et intimant sans ménagement de dégager aux badauds, ils arborent fièrement la barbe islamo-conservatrice à la mode actuellement en Turquie, sont coiffés d’une casquette noire renforcée et enfoncée sur leurs cheveux mi-longs, et un certain nombre d’entre-eux, les plus jeunes, portent un vieux cuir en petite touche finale de leur look gestapiste à la mode ketur islamiste. Rien à envier aux cow-boys de la Bac, disions-nous…

AKSARAY METRO ISTASYONU ONUNDE EYLEM YAPMAK ISTEYEN GRUBA POLIS MUDAHALE ETTI 3 KISI GOZALTINA ALINDI(FOTO SULEYMAN KAYA ISTANBUL DHA)

Nous nous rapprochons de la soixantaine de personne qui parviennent à se regrouper. Ils se mettent à scander, sous les caméras et les micros des journalistes venus assister au pugilat, des slogans en kurde, ainsi que le classique « biji serok Apo ». C’est là que nous comprenons notre méprise : nous sommes à la manif pour la libération de Abdullah « Apo » Öcalan et non au rassemblement par rapport aux migrants révoltés. La camarade nous avait effectivement parlé des deux choses. On comprend mieux la pression policière à l’œuvre… Un kurde, à la soixantaine bien tassé, n’a pas le temps de nous réexpliquer le pourquoi de cette manif, que les flics casqués se mettent à tirer à bout portant avec des fusils bien étranges : tac tac tac, et encore une autre salve, tac tac tac… Ça fait bien peur sur le coup. Avec quoi tirent-ils ? Après rapide enquête de notre part, ce ne sont sans doute pas des flash-balls, mais plutôt des fusils à air comprimé qui lancent des balles lacrymogènes… Toujours est-il que les flics chargent comme des bourrins le regroupement qui s’enfuit dans une petite rue perpendiculaire à la place… Wouah ! Ils sont pas sympathiques pour un sou les nervis du Sultan. Pourtant les courageux manifestants reviennent par une autre rue. Ils se refont chasser à nouveau, pour mieux revenir encore. Car il faut vraiment du courage pour ne pas baisser la tête et venir encore manifester ces temps-ci en Turquie et plus précisément à Istanbul…

Après quasi six mois de répression toujours croissante, les camarades et toutes celles et ceux qui ne veulent plus de la « sale guerre d’Erdogan » sont épuisés. Le président-dictateur est toujours là, fier et renforcé par sa « victoire ». Il a, en effet, « remporté » plus ou moins frauduleusement les élections législatives du 1er novembre en usant comme jamais de la stratégie de la tension. Un mois après, la terreur étatique continue de plus belle. Les arrestations politiques sont massives et quotidiennes : ces derniers jours, par exemple, plusieurs dizaines d’étudiants de l’université d’Istanbul ont été arrêtés et menés en garde-à-vue parce qu’ils clashaient régulièrement avec les membres de l’Etat Islamique présents sur le campus. On nous rapporte aussi le fait que 4 jeunes se sont fait butés par les flics lors de perquisitions la semaine dernière dans la capitale. Et la répression à l’œuvre à Istanbul n’est malheureusement que la partie émergée de l’iceberg…

AKSARAY METRO ISTASYONU ONUNDE EYLEM YAPMAK ISTEYEN GRUBA POLIS MUDAHALE ETTI 3 KISI GOZALTINA ALINDI(FOTO SULEYMAN KAYA ISTANBUL DHA)

Assez logiquement la peur, la déprime et le désespoir gagnent beaucoup de monde. Mais, comme d’habitude, rien n’est fini, rien n’est joué ! La tête ne reste jamais baissée bien longtemps. Le pouvoir et l’oppression ne peuvent pas gagner à tous les coups…

La police turque aurait-elle les mêmes pratiques que Daesh ?

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Alors que le président Erdogan vient faire sa petite tournée européenne, la terreur continue de s’abattre avec violence dans ces villes où les habitants sont en majorité kurdes. Dans les réseaux sociaux depuis hier une image tourne, un jeune kurde, Haci Lokman Birlik (beau-frère de la députée kurde Leyla Birlik), 24 ans, trainé par un blindé à même le sol à Sirnak. Choc. Impossible ! Si ! L’acte de barbarie a été filmé par les policiers et diffusé largement sur les réseaux nationalistes turcs. Dans la vidéo on entend les agents de l’Etat turc scander : « On baise ta mère petit fils de pute« , tout en continuant de le trainer dans les rues de la ville. Le corps est inerte, depuis combien temps le traine t-on ? Qu’est ce qu’ils ont dû lui infliger juste avant de l’attacher ? Avant lui déjà, un certain nombre d’autres civils ont été tués avec des actes de barbaries, et aujourd’hui ça continue encore.
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16 départements, 297 personnes en garde à vue, 1 mort

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Le premier ministre Davutoglu a programmé une opération de rafle dans 16 départements. 297 personnes ont été raflés à leurs domicile. Une personne a été tuée pendant l’opération. Cette rafle a été annoncée comme un moyen d’arrêter les membres de Daesh, du DHKP-C et du YDG-H. Mais en majorité les concernés sont des militants kurdes, ou d’extrême gauche.
Dans ces 16 départements, la police a mis 251 personnes en garde à vue, et tué une personne.
Source : Extrait article d’Imc

Sous le paradigme kurde

CQFDDossier spécial Kurdistan dans le dernier numéro du journal de critique sociale CQFD. Nous reproduisons ici le texte principal intitulé « Sous le paradigme kurde« …
Les Kurdes ont toujours été pris en étau entre les différentes puissances régionales – ottomane, perse et arabe – et les intérêts occidentaux. Écartelés entre plusieurs entités nationales lors du partage du Moyen-Orient par la France et la Grande-Bretagne (accords secrets de Sykes-Picot) après la Première Guerre mondiale et la non-ratification du traité de Sèvres par la jeune Turquie en 1920, ils ont été à la fois assignés à choisir un camp et soupçonnés de traîtrise par les nouveaux États-nations qui leur imposaient leur joug. Ils furent les laissés-pour-compte des luttes anticoloniales. L’historien du Moyen-Orient Maxime Rodinson donnait l’explication de cet oubli, voire de ce mépris : «C’est simplement que les Kurdes ont eu le tort ou le malheur d’avoir à revendiquer leur indépendance de décision à l’encontre (entre autres) de deux nations qui, elles-mêmes, revendiquaient des droits analogues et étaient, de ce fait, soutenues par la gauche mondiale. D’abord, dans le passé récent, contre une Turquie nationaliste que les puissances impérialistes d’Occident voulaient asservir et que l’évolution de sa politique intérieure n’avait pas encore rendue antipathique à cette gauche. Ensuite et surtout, contre les Arabes d’Irak (et de Syrie), alors que le peuple arabe dans son ensemble apparaissait comme une victime de choix des mêmes impérialistes et le chef de file de la lutte contre eux. Les Kurdes, en quelque sorte, seraient donc les opprimés des opprimés. » (1) Cependant, ce qui se joue aujourd’hui au Rojava syrien et au Kurdistan nord (« Bakur », côté turc) ressemble moins à une lutte nationale qu’à une révolution sur des bases d’auto-organisation qui dépasse largement la simple carte identitaire kurde. Accompagnant une petite délégation, et grâce à un excellent traducteur, CQFD s’est rendu dans le sud-est du territoire turc à la rencontre d’une société kurde intensément politisée… et à la recherche de sentiments communs.

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Les fachos s’exhibent à Istanbul avant les élections

Üsküdar, quartier tranquille sur la rive asiatique du Bosphore, un mois avant les élections législatives de juin 2015. Tous les partis sont de sortie pour racoler les électeurs… L’AKP et le président-dictateur Erdogan détournent les fonds publics pour organiser des meetings et s’étonnent que certains osent critiquer cette démarche.

Si l’AKP est régulièrement taxé de « fasciste », une myriade de petits partis s’autoproclament eux ouvertement fachos, nationalistes, racistes ou ultra-religieux : le Milliyetçi Hareket Partisi ou MHP (Parti d’action nationaliste), le Vatan Parti (Parti de la Patrie), le Saadet Partisi (Parti de la félicité, islamiste), le Bağımsız Türkiye Partisi ou BTP (Parti pour une Turquie indépendante, fasciste), le Milliet Partisi ou MP (Parti de la nation)… ou même le Cumhuriyet Halk Partisi ou CHP (Parti républicain du peuple). Tous s’affichent tranquillement et les nombreux passants ne semblent pas s’en offusquer le moins du monde… Ça fait froid dans le dos.

Pas de quartier pour les fascistes !

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