Merhaba Hevalno mensuel n°7 – septembre 2016

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Après une pause au mois d’août, voici un gros numéro de Merhaba Hevalno. On y trouve deux gros dossiers bien fournis, l’un sur le coup d’état en Turquie, et l’autre sur l’invasion turque au Rojava.

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  • Édito
  • Dossier : L’armée turque envahit le Rojava ! (Comprendre les batailles de Hasaké et Manbij / Jarabalus : l’incursion de l’armée turque en Syrie est synonyme de guerre perpétuelle contre les Kurdes / Entretien avec Faysal Sariyildiz / Appel de l’Union des Jeunes Femmes du Rojava et de l’Union de la Jeunesse du Rojava)
  • Interview de Hassan Sharafi, secrétaire général adjoint du PDKI
  • Dossier : « Du putsch militaire raté au putsch civil » (Introduction et chronologie des premiers jours du coup d’état / De l’État à la Horde / L’AKP, l’armée et le mouvement Gülen : l’anatomie du coup d’état échoué en Turquie / Communiqué du KNK : le coup d’état échoué en Turquie et l’agenda anti-Kurde d’Erdogan / Les putschistes… c’est l’AKP !)
  • Communiqué du CDKF quant à la fermeture du journal Özgür Gündem
  • Campagne internationale de solidarité avec Öcalan
  • Des Alpes au Kurdistan ! Vive la solidarité internationale !
  • Agenda
  • Carte et glossaire

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(Pour imprimer en mode « livret », choisissez du papier A3 pour faire tenir 2 pages sur chaque face.)

 

Extrait :

Ces deux derniers mois ont connu deux événements majeurs qui ont marqué profondément la situation en Turquie et plus généralement au Proche-Orient. Il s’agit de la tentative de coup d’état en Turquie, puis de l’invasion du Rojava (Kurdistan au nord de la Syrie) par l’armée turque. En Turquie, où la guerre contre les Kurdes dure maintenant plus d’un an, c’est la guerre civile qui se profile. Quant à la Syrie, ce nouvel acteur -le régime du président turc Erdoğan- envenime encore plus la situation, en prenant encore une fois la défense de l’État Islamique contre les Kurdes […]

N’ayant pas pu publier de brochure en août, nous avons essayé ce mois-ci de faire un résumé -quoique assez long !- de ces événements récents, ce qui n’a pas été une tâche très simple étant donné la complexité de la situation. Nous tenons à continuer de diffuser des informations, déclarations et analyses, en ayant toujours l’espoir que cela puisse contribuer à une mobilisation plus conséquente ici en France et à créer des ponts de solidarité. Mi-septembre, c’est la « rentrée » des luttes, en particulier contre la loi « Travaille ! » et la potentielle opération d’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Nous nous interrogeons sur la place qu’on pourrait créer au sein de ces luttes franco-centrées mais néanmoins puissantes, pour faire du lien avec d’autres luttes qui remettent profondément en question le fonctionnement même de la société, telles que les dynamiques révolutionnaires en cours au Bakur et au Rojava. Que peut-on apprendre et partager ? Quel soutien peut-on apporter ? Comment tisser des liens forts de solidarité qui aillent dans les deux sens ? Ce sont ces questions, entre autres, qui nous motivent toujours à persévérer dans l’édition de cette revue. Nous espérons que celles et ceux qui s’intéressent aux luttes en cours au Kurdistan y trouvent leurs propres questions, quelques réponses, et un peu de motivation à la diffuser.

[Entretien] Nous allons intensifier les activités de la guérilla

7979224130_56bc809052_bUn entretien avec la coprésidente du Groupe des communautés du Kurdistan (KCK), Bese Hozat, évoquant la politique génocidaire de l’État turc à l’encontre des Kurdes, la résistance de la guérilla et le rôle de l’Europe

Au cours de ces derniers mois, nous avons assisté à des attaques massives de l’État turc contre le mouvement kurde. Le gouvernement turc a rendu parfaitement claire son intention de poursuivre les opérations militaires et de refuser les pourparlers avec le PKK. Quelle est la stratégie d’Ankara ?

L’État turc met en œuvre une politique génocidaire dirigée contre les Kurdes. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui a commencé en septembre 2014, lorsque le gouvernement a proposé un nouveau plan pour écraser la résistance kurde. Un mois plus tard, le Conseil de sécurité nationale a déclaré la guerre totale. Depuis lors, le nouveau plan du gouvernement a été mis en œuvre étape par étape.

L’une des conséquences a été la violation systématique des droits démocratiques. Une immense vague d’arrestations a frappé les villes kurdes. Plusieurs bases de la guérilla ont été attaquées. Une fois les pourparlers avec les dirigeants du PKK abandonnés, les attaques se sont encore intensifiées. À Diyarbakir, une bombe a explosé au cours d’un événement célébrant Newroz, le Nouvel An kurde. Le 24 juillet 2015, d’intensives frappes aériennes ont eu lieu, et en octobre 2015 un attentat à Ankara a causé la mort de 103 personnes et en a blessé bien plus.

La politique génocidaire de l’État turc contre les Kurdes n’a rien de nouveau. Elle remonte à des centaines d’années. Un dialogue s’est parfois instauré avec le PKK, mais l’État turc ne s’est jamais montré enclin à résoudre le conflit de façon politique, car cela reviendrait à reconnaître les droits du peuple kurde.

Toutes les avancées en direction d’une solution politique qui étaient proposées par la Turquie ne cherchaient qu’à pacifier le mouvement kurde. Le but à long terme était toujours d’éliminer la résistance kurde, le PKK, et les valeurs que véhicule le combat des Kurdes. Même le soi-disant processus de paix s’est finalement révélé être une tentative de destruction. Ankara voulait briser la volonté des Kurdes de combattre et de résister. Alors que le processus de paix était en cours, le gouvernement du Parti pour la justice et le développement (AKP) se préparait à étendre son pouvoir et à contrôler complètement l’État.

L’AKP a utilisé le processus de paix dans son propre intérêt. Alors que ses représentants s’asseyaient à la table des pourparlers, le gouvernement se préparait à la guerre. De nouveaux commissariats et des cantonnements militaires ont été construits en nombre et le système des gardes de village a été réformé. Des routes ont été construites pour un usage exclusivement militaire.

Durant cette période, le peuple kurde s’est engagé à grands pas vers un système démocratique autonome. Au Rojava, une révolution du peuple a mis en place une administration organisée au niveau cantonal. Sous la direction des Unités de défense du peuple (YPG) et des Forces démocratiques syriennes (FDS), une immense bataille a été menée contre l’état islamique. Tout cela a déstabilisé l’AKP. L’état islamique était leur allié stratégique, avec lequel ils partageaient les mêmes fondements idéologiques. Pendant ce temps, les succès du Rojava ont fortement motivé les Kurdes du Kurdistan du Nord, avec pour corolaire un regain des luttes pour la liberté et la démocratie.

Afin de mettre à bas les réussites du mouvement kurde et d’affaiblir le PKK, l’État turc a décidé d’avoir recours à la guerre totale et au génocide et a commencé à mettre en œuvre ces décisions sur le terrain.

Depuis que l’État a commencé ses attaques, nous avons pu assister à l’émergence de différentes formes de résistance, y compris parmi les jeunes kurdes des grandes villes. Les activités de la guérilla ont également augmenté. Est-ce que les unités de la guérilla sont pleinement impliquées dans la lutte ?

Dans les villes, les Kurdes se sont dressés face à la politique génocidaire de l’État, et ils l’ont fait de manière autonome. Dans la mesure où les mouvements de la guérilla sont limités durant l’hiver, elle n’a pas été très impliquée. La résistance a plutôt pris la forme d’un soulèvement du peuple, mené par des jeunes qui ont organisé l’autodéfense. Maintenant, avec l’arrivée du printemps, les conditions sont plus favorables aux actions de la guérilla.

Il n’est donc pas surprenant que les activités de la guérilla se soient accrues. À partir de maintenant, les conditions seront de plus en plus favorables. Cela signifie que les activités des zones rurales et urbaines se développeront encore plus. Le soulèvement populaire ira également en s’intensifiant. Nous avons décidé de radicaliser la lutte, tout autant au Kurdistan du Nord qu’en Turquie.

Est-ce que les actions de la guérilla et des YPS dans les villes sont coordonnées, ou est-ce que les YPS agissent de façon indépendante ?

Les YPS sont organisées par des jeunes locaux comme des groupes d’autodéfense. Leur façon de s’organiser est très importante : les YPS sont formées par le peuple via la jeune génération. Nous leur apportons notre soutien absolu. Les Kurdes sont victimes d’une politique génocidaire. Il y a des massacres. À Cizre, 400 personnes ont été assassinées, brûlées vives. À Sur, une centaine d’autres ont connu le même sort.

À de nombreux autres endroits au Kurdistan, par exemple à Hezex et Nuzaybin, ainsi qu’à Kerboran, Sirnak et Hakkari, des massacres ont également eu lieu. Nous avons assisté à des attaques, des arrestations et des tortures sur l’intégralité du territoire du Kurdistan. Même les cadavres sont déshonorés. L’AKP et l’État turc sont responsables de ces atrocités, qui sont à la fois des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Dans ces circonstances, rien ne peut être davantage justifié que l’autodéfense du peuple. Nous soutenons donc la résistance de nos compatriotes et la lutte de la jeunesse de tout notre cœur. Mais nous ne coordonnons pas leur résistance. Ils agissent de façon indépendante. Ils disposent de structures autonomes et ils prennent leurs propres décisions.

Après des massacres comme celui de Cizre, des unités de la guérilla se sont rendues dans les villes pour venir en aide aux YPS. Nous leur avons fourni une aide matérielle et pratique. Mais les YPS demeurent indépendants. Lorsque le peuple est confronté au massacre et au génocide, lorsqu’il souffre de l’oppression fasciste, il doit utiliser tous les moyens en son pouvoir pour se défendre. C’est un droit légitime, naturel et universel.

Nous ne devons pas non plus oublier la lutte des forces démocratiques en Turquie. Les politiques fascistes ne visent pas que les Kurdes, mais aussi tous les démocrates de Turquie, tous les groupes dont les identités, les cultures et les religions sont différentes.

Quelques jours auparavant, vous avez mentionné la possibilité d’une coalition électorale entre le parti laïc et social-démocrate Parti républicain du peuple (CHP), le parti progressiste prokurde Parti démocratique des peuples (HDP) et des organisations plus petites. Une telle coalition est-elle réellement envisageable, étant donnée la politique du CHP ? Après tout, le parti a récemment apporté son soutien au mouvement pour la levée de l’immunité des parlementaires membres du HDP.

La tendance social-démocrate, de gauche, n’est pas hégémonique au sein du CHP. Au point où nous en sommes, cette tendance ne peut pas décider de la politique du CHP. La branche laïque et nationaliste demeure plus puissante. La mauvaise décision prise par le CHP au sujet de l’immunité des parlementaires du HDP en est la conséquence. En prenant cette décision, ils se sont rangés du côté de l’AKP. Mais il existe des tensions au sein du parti. Nous faisons confiance à la branche de gauche, sociale-démocrate, et nous rejetons en même temps clairement la ligne politique actuelle du parti.

L’AKP a érigé un bloc fasciste. La politique actuelle du gouvernement turc n’est pas la responsabilité exclusive de l’AKP. Il y a une alliance de forces fascistes et nationalistes qui englobent l’AKP, le Parti d’action nationaliste (MHP) et des nationalistes laïcs. Nous devons former une vaste coalition au Kurdistan et en Turquie pour nous opposer à cette alliance.

Si une telle coalition démocratique permet qu’une lutte de la société civile pour la démocratie se développe, l’alliance fasciste s’écroulera. C’est pour cela que nous considérons que la coalition des forces démocratiques est essentielle et que nous mettons tout en œuvre pour la réaliser.

Les conditions d’une lutte parlementaire et civile en Turquie ne semblent pas prometteuses : il n’y a pas de liberté de la presse, pas de liberté de rassemblement et les pouvoirs du Parlement sont sans cesse entravés. Quand les gens manifestent pacifiquement et sans arme dans des lieux comme Diyarbakir, ils risquent de se faire tirer dessus et d’être tués. Comment un espace permettant une résistance parlementaire et civile peut-il émerger dans de telles circonstances ?

La résistance civile n’a sa chance que si nous refusons de nous soumettre à l’AKP. Nous devons rejeter la politique du parti sans aucun compromis. Il n’y a pas d’autre moyen. L’AKP veut empêcher l’intégralité de la société d’exercer le moindre pouvoir. Mais quiconque se rend a perdu.

Réciproquement, quiconque résiste gagnera. La seule façon de battre l’AKP et de créer un espace pour une politique démocratique et civile revient à introduire une lutte permanente à tous les niveaux de la vie : sur le champ de bataille, au sein de la société civile, dans les assemblées politiques, les médias, les universités, les arts – partout.

La lutte pour la démocratie et la liberté est le seul antidote contre le fascisme. Nous menons cette lutte avec succès. Si les Kurdes ne résistaient pas face à la politique fasciste de la Turquie et si le HDP et les forces démocratiques en Turquie ne résistaient pas non plus, le pays se trouverait dans une terrible situation. Ce serait comme l’Afghanistan, le Pakistan, la Syrie ou l’Irak, des pays bien connus pour leur manque de démocratie et qui sont déchirés par des guerres civiles.

Le président Erdoğan veut réintroduire le sultanat ottoman en Turquie. Il veut remettre au goût du jour la tradition ottomane et il se voit lui-même comme un sultan. C’est pour cela qu’il a imposé un changement de régime au pays en le faisant passer sous le label du « système présidentiel ». Ce qu’il essaye de mettre en place, c’est un sultanat dictatorial, fasciste et totalitaire exigeant une obéissance totale. Une lutte engagée contre tout cela est inévitable. Erdoğan et l’AKP sont des ennemis de la démocratie.

En reprenant le principe de confédéralisme démocratique proposé par Abdullah Öcalan, le KCK soutient un concept politique qui est significativement différent des ambitions néo-ottomanes d’Erdoğan et des tourmentes que traverse actuellement le Moyen-Orient. À quoi ressemblerait un Moyen-Orient basé sur le principe de confédéralisme démocratique ?

Le concept de confédéralisme démocratique n’est pas étranger au Moyen-Orient. Ceux qui connaissent l’histoire de la région savent qu’il ne s’agit pas d’une utopie et qu’il correspond aux traditions locales. Durant des milliers d’années, ou même des dizaines de milliers si vous prenez la période présumérienne, les habitants du Moyen-Orient ont vécu de façon très communale.

Même après l’apparition de l’État dans la période post-sumérienne, des peuples, des classes sociales et des groupes sociaux différents ont vécu ensemble librement et paisiblement. Ils étaient organisés en confédérations tribales. Dans certaines zones, ces systèmes perdurent encore. La structure sociale du Kurdistan fait partie de cette tradition.

En 1937-1938, par exemple, il existait un système tribal confédéré dans la région de Dersim au Kurdistan, qui comprenait, outre Dersim que nous connaissons aujourd’hui, Erzincan et des parties de Sivas et d’Elazig. Le système comprenait des conseils et se basait sur un code moral. Nous parlons vraiment d’une vision politique qui n’est absolument pas étrangère à la région et à ses habitants.

Au niveau ethnique comme religieux, le Moyen-Orient est un mélange coloré d’identités multiples. Des communautés culturelles variées coexistent. Elles ont vécu ensemble durant des milliers d’années. La notion d’un système démocratique et confédéré se base sur cette histoire et y est étroitement connectée. Le bouleversement actuel que connaît le Moyen-Orient n’a commencé que récemment, en particulier avec l’émergence des États-nations au 20e siècle.

Le système de l’État-nation est nationaliste et raciste. Il renie toutes les identités à l’exception d’une seule, et souhaite les détruire.

En Turquie, un état fortement nationaliste a été établi, rejetant toutes les identités à l’exception de l’identité turque. Cela ne concerne pas seulement les Kurdes et les Chrétiens mais aussi les Arméniens, les Assyriens, les Grecs, les Lazes, les Adyguéens et les Géorgiens. L’identité turque a été mise au centre de tout, et un système tout entier de déni et de destruction a été construit autour. La politique génocidaire à l’encontre des Kurdes, qui s’est poursuivie durant 90 ans, en a été l’une des conséquences.

Nous assistons à des développements similaires dans d’autres pays de la région : la création de l’État-nation syrien a eu pour conséquence l’oppression de toutes les identités à l’exception de l’identité arabe. Dans l’État-nation irakien, toutes les communautés non arabes ont été massacrées – une fois de plus, surtout les Kurdes. Ce à quoi nous avons assisté dans des lieux comme Alep ou Halabja, ou pendant la campagne de l’Anfal, étaient les effets directs de la tragédie de l’État-nation. La même chose a eu lieu en Iran : lorsque l’État-nation persan a été établi, l’existence des Kurdes, des Baloutches, des Arabes et de nombreux autres groupes de différentes confessions ont été reniés.

Notre vision démocratique et confédérée est le résultat de l’examen critique du système d’État-nation. Nous pensons que le système d’État-nation détruit les peuples, leur culture, leur histoire et leur géographie. Nous pensons que le système démocratique confédéré est la meilleure alternative.

Nous croyons également que le système démocratique confédéré correspond à l’histoire et à la culture de notre région. C’est pour cela qu’une réelle possibilité de le réaliser existe ; qu’il ne s’agit pas d’une utopie. Ou disons, d’une utopie qui ne puisse pas être réalisée. Il s’agit d’une utopie qui peut prendre vie, prendre forme. Le système démocratique confédéré du Rojava le prouve. Au Rojava, les Kurdes, les Turcs, les Arabes, les Turkmènes, les Assyriens, les Arméniens, même les Adyguéens et les Tchétchènes vivent ensemble dans un système libre et démocratique qu’ils gouvernent eux-mêmes. Ils conservent leurs identités, leurs cultures et leurs langues respectives. Il n’y a pas de problème.

Le PKK, la Turquie et les autres pays du Moyen-Orient ne sont pas les seuls acteurs dans la région. Que pouvez-vous dire du rôle joué par les États-Unis, la Russie et l’Union européenne, en particulier l’Allemagne ?

Aucune de ces puissances n’adopte de position claire à l’encontre des Kurdes. Aucune n’exige de solution démocratique. Elles ont une politique différente dans chaque pays et dans chaque partie du Kurdistan. Leurs politiques dépendent de leurs propres intérêts. C’est ce qu’elles ont toutes en commun : elles approchent la question kurde de façon pragmatique, d’une façon qui est dictée par leur propre intérêt. C’est vrai de la Russie, des États-Unis et des pays européens.

Mais leurs méthodes sont différentes. Les États-Unis, par exemple, tolèrent et même encouragent la politique génocidaire de l’AKP à l’encontre des Kurdes, surtout depuis qu’ils ont signé un accord concernant la base aérienne d’Incirlik.

C’est la même chose pour les pays européens, en particulier l’Allemagne. Sous l’égide d’Angela Merkel, l’Allemagne a activement soutenu l’AKP et continue de le faire. Les Kurdes sont très remontés contre la politique de Merkel. Erdoğan peut continuer à mener sa campagne génocidaire contre les Kurdes uniquement parce qu’elle est encouragée par l’Europe, surtout l’Allemagne, et par les États-Unis.

L’Allemagne a joué un rôle important en permettant à l’AKP de recevoir 29,5 % des votes aux élections de novembre 2015. Merkel s’est rendue en Turquie en octobre et a été reçue par Erdoğan au palais blanc, juste avant les élections. L’AKP et à Erdoğan ont largement bénéficié de cette visite. Elle a aussi attiré l’attention à l’internationale. La visite de Merkel a été fortement critiquée par le public européen et par la société civile européenne. Mais Merkel n’a pas modifié sa politique. L’Allemagne a été aux petits soins avec le président  Erdoğan et le Premier ministre Davutoğlu, ce qui les a confortés dans la poursuite de leur politique génocidaire.

Bien sûr, il s’agit d’une situation désagréable. Les centaines de milliers de Kurdes qui habitent l’Allemagne sont eux aussi touchés de façon négative. En tout, il y a 40 millions de Kurdes, sans droits ni autodétermination. Vingt millions de Kurdes vivent en Turquie, où leur langue et leur culture sont interdites. C’est une situation terrible.

Et pourtant les politiques du gouvernement turc sont soutenues par les puissances européennes, même si cela entre en contradiction avec les valeurs démocratiques supposées de l’Europe. L’Union européenne et les gouvernements européens clament haut et fort qu’ils sont attachés aux valeurs démocratiques. Mais quand il s’agit de la question kurde, ces valeurs n’ont plus d’importance à leurs yeux.

Ce pour quoi les Kurdes se battent, et ce qu’ils demandent à la Turquie et au reste du monde n’est rien d’autre que le respect des droits humains. Ces droits sont universels et l’Europe est censée les respecter. Alors pourquoi l’Europe ferme-t-elle les yeux devant ce qui a lieu au Moyen-Orient ? Pourquoi n’écoute-t-elle pas ? L’Europe doit changer son approche de la question kurde. La première étape, qui est aussi la plus importante, est de rayer le PKK des listes des organisations terroristes.

Cela mènerait également à la démocratisation de la Turquie. Si le PKK était retiré de la liste des organisations terroristes par l’Union européenne et les gouvernements européens, la Turquie se verrait forcée à résoudre la question kurde. Tant que le PKK est inscrit sur les listes d’organisations terroristes, la Turquie ne peut ni devenir une démocratie ni être stable.

Il n’y aura pas de stabilité au Moyen-Orient sans résolution de la question kurde. Apporter une solution démocratique à la question kurde permettrait d’apporter la démocratie et la paix pour la Turquie et pour l’ensemble de la région. L’Europe serait stabilisée à son tour, car c’est la déstabilisation du Moyen-Orient qui provoque la déstabilisation de l’Europe.

La problématique des réfugiés permet à la Turquie de faire du chantage, en prenant l’Europe complètement en otage. L’Europe doit savoir que la situation des réfugiés ne peut pas être résolue par le soutien de la politique génocidaire de la Turquie, mais par un processus de démocratisation en Turquie et par une solution démocratique de la question kurde.

C’est la raison pour laquelle l’Europe doit forcer l’AKP à travailler à une solution démocratique de la question kurde et à démocratiser la Turquie. La suppression du PKK des listes d’organisations terroristes est une avancée drastique dans cette direction. Si les pays européens et les États-Unis étaient clairs par rapport à ça, s’ils changeaient leur approche de la question kurde et si le PKK était supprimé des listes d’organisations terroristes, la situation des réfugiés ainsi que les problèmes posés par l’état islamique seraient également résolus.

Quel genre de soutien attendez-vous de la part des forces de gauche, révolutionnaires et démocratiques en Europe ?

Le soutien le plus important serait de forcer les gouvernements européens à mettre fin à leur collaboration avec l’AKP. L’AKP et sa politique doivent être critiqués et défiés à tous les niveaux. Sans alliés internationaux, l’AKP ne pourrait jamais mener à bien ses campagnes génocidaires contre les Kurdes, comme c’est le cas maintenant.

L’AKP dépend du soutien international. Les forces de gauche, socialistes et démocratiques d’Europe doivent essayer de mettre fin à ce soutien. Voilà ce que nous attendons des peuples européens. Ils ne doivent pas rester muets face à une politique qui remet en cause les valeurs dont l’Union européenne est censée se revendiquer. Les peuples européens doivent élever leurs voix et s’y opposer. Et les forces de gauche, socialistes et démocratiques devraient lancer une campagne spécifique pour que le PKK soit retiré des listes des organisations terroristes.

Interview : Peter Schaber et LowerClass.

Traduction : Pisîka Sor (@pierasim) – Version allemande.

Repris de Inforojava.

L’État turc mène une contre-révolution au Bakûr

P1040522Témoignages d’une délégation de femmes parties au Kurdistan, 1ère partie.

Malgré la guerre au Kurdistan nord – Bakûr en kurde -, le mouvement des Femmes Libres continue à se battre au quotidien pour porter les voix des femmes et se situer à la tête du mouvement de libération kurde. La journée mondiale de la femme est célébrée en masse au Kurdistan et porte toujours l’esprit de lutte de ses débuts. Une petite délégation de femmes de plusieurs origines est partie de France cette année pour rejoindre les femmes du Bakûr dans leurs célébrations du 8 mars. Nous nous sommes rendues à Amed (Diyarbakır en Turc) – ville que l’on peut considérer comme la capitale du Bakûr – puis dans le Sud à la frontière avec la Syrie : Cizre, Mardin et deux villes de sa province, Kızıltepe et Nusaybin. À travers cet article, nous avons voulu rendre hommage à ce mouvement de femmes en retransmettant une partie de leurs paroles que nous avons recueillies. Le second objectif de ce texte est de rendre compte de la situation de guerre totale – dont nous avons été témoins – déclarée par l’État turc contre la population kurde et son mouvement de libération.

L’État turc mène une contre-révolution au Bakûr

La nouvelle guerre déclarée aux Kurdes par l’État turc s’inscrit dans la continuité de ce qu’il a toujours fait depuis sa création, d’abord entre les mains des kémalistes (Atatürk -le père des Turcs- et ses successeurs) et maintenant avec l’AKP en tête. Les années 1980-90 auront marqué l’histoire des mouvements révolutionnaires en Turquie, et en particulier du mouvement de libération kurde. Pendant cette période, la répression a été brutale : des centaines d’opposant.e.s (militant.e.s, journalistes, écrivain.e.s) ont été exécuté.e.s, et celles.eux emprisonné.e.s ont connu les pires tortures. Dans les montagnes du Kurdistan, près de 5000 villages ont été brûlés, forçant la population à la déportation vers les villes (environ 2 millions de personnes déplacées). Les négociations de paix des dernières années, impulsées par le leader kurde, Abdullah Öcalan, avaient donné de l’espoir à toute une génération orpheline, qui maintenant se retrouve à nouveau sous le feu des bombes.

Le mouvement de libération kurde qui a grandi autour du PKK a pris de l’ampleur et un écho international avec la victoire de Kobanê. En effet, le printemps arabe en Syrie a abouti à une guerre civile sur tout le territoire, à l’exception de la région nord principalement kurde, le Rojava, qui a su prendre son émancipation. On parle de révolution du Rojava en référence à ce processus auto-gestionnaire promu par le PYD, parti proche du PKK en Syrie.

Erdoğan et son gouvernement AKP n’ont pas supporté voir grandir un tel mouvement de l’autre côté de la frontière et ont pris conscience que l’organisation politique qui était en train de se mettre en place sur son territoire, à travers les municipalités du BDP (parti majoritaire dans la plupart des villes kurdes) devenaient une menace pour l’État. En effet, le projet politique qui est en train de s’instaurer dans le Kurdistan Nord (en Turquie) et dans le Kurdistan Ouest (en Syrie) réside en une délocalisation du pouvoir centriste de l’État vers les municipalités qui coordonnent les assemblées de quartiers et de villages et qui favorisent la solidarité entre celles-ci. C’est ce qui est appelé par le mouvement kurde l’autonomie démocratique (inspiré du municipalisme libertaire de Murray Bookchin). Ce projet politique prône donc l’auto-organisation du bas vers le haut (coordonnée par les structures confédérales), mais aussi l’égalité des genres porté par le mouvement des Femmes Libres, ainsi qu’une économie écologique et coopérative.

Ce projet révolutionnaire ne peut que faire peur aux États, vu qu’il est diamétralement opposé à leurs intérêts, et c’est bien pour cela que l’État turc – extrêmement nationaliste – a de nouveau déclaré la guerre aux Kurdes. Il s’agit donc d’une contre-révolution, dirigée vers les populations kurdes qui sont en train de prendre leur autonomie de fait.

Début de génocide, sous coup d’État civil

Depuis l’été 2015, la guerre déclarée contre les Kurdes n’a fait qu’escalader en intensité, faisant entrevoir un génocide. Les mesures d’exception décrétées pour les Zones de Sécurité Spéciale (qui englobent une bonne partie du territoire kurde) permettent de passer au-delà de tout contrôle social, politique ou juridique sur les massacres ordonnés par le gouvernement. Le premier ministre turc a fait passer une directive aux commandants de la police et de l’armée qui en gros revient à leur promettre l’impunité face aux massacres commis sur la population (désignée comme « terroristes »).

Au bout de plusieurs mois de perquisitions et d’arrestations massives, les médias kurdes ont commencé à parler de « génocide politique ». En effet, plusieurs milliers de militant.e.s et élu.e.s ont été arrêtés, et souvent gardé.e.s en prison préventive (illes peuvent attendre des années avant d’être jugé.e.s). Les porte-paroles du BDP ont été les premiers.ères à être ciblé.e.s ; une bonne partie des co-maires des 103 municipalités du BDP ont été incarcéré.e.s. Une femme du BDP nous a fait remarquer que malgré que le gouvernement ne reconnaisse pas l’existence de la co-présidence, quand il s’agit de réprimer, il s’en prend bien aux deux co-représentant.e.s.

À cela s’ajoutent les procès aux journalistes et avocat.e.s qui osent raconter ce qu’il se passe. D’après le rapport du KJA de février 2016, l’accès internet à plus de 90 portails et sites d’information a été bloqué par le gouvernement, et 23 sites internet traitant principalement la « question kurde » ont été fermés. De même, les personnes étrangères qui pourraient être témoins sont expulsées et parfois interdites de revenir en Turquie pendant 5 ans.

Notre délégation a finalement pu se rendre partout où c’était prévu, mais nous avons été fouillées et interrogées à de nombreux check-point sur les routes et lors des manifestations pour la journée mondiale des femmes, à Mardin, Kızıltepe (où le rassemblement était entouré de flics et de snipers positionnés sur le toit, puis la sonorisation a été coupée) et à Diyarbakır. Pendant toute la semaine précédant le 8 mars, des manifestations étaient prévues dans plusieurs villes du Kurdistan, la plupart ont été interdites ou alors boycottées par les multiples contrôles postés à différents endroits de la ville où les policiers répandaient la rumeur d’une alerte à la bombe. Cette terreur semée par le gouvernement tente de faire peur aux femmes et de les démobiliser.

Les bombardements des positions des guérillas dans les montagnes (dans le Kurdistan en Turquie et en Irak), ainsi que des cimetières des combattant.e.s (qui ont été quasiment tous ciblés) ne cessent depuis le mois d’août 2015. Les jours que nous avons passé à Diyarbakir, nous avons vu (et surtout entendu!) les avions de chasse décoller et survoler la ville en passant la barrière du son en direction du sud-est. En quelques heures, nous en avons compté une quinzaine. Mais sans doute le plus grave c’est le massacre de plus de 700 personnes dans les villes kurdes, y compris de très nombreux bébés, enfants et personnes âgées.

Programme de gentrification brutale : exemple de Cizre

Au delà de ces tueries, le gouvernement entreprend de raser les villes kurdes rebelles (qui ont déclaré leur autonomie) et remplacer leur population (par des populations favorables au gouvernement AKP). Le gouvernement a mis en place un programme pour « éliminer de la carte les villes terroristes », puis est occupé depuis 8 mois à passer le rouleau-compresseur sur toutes les villes kurdes qui ont déclaré leur autonomie face à l’État. Mises sous « couvre-feu » 24h/24, ces villes et ces quartiers sont assiégés (impossible d’y accéder ou d’en ressortir), coupées de toute communication, privée d’eau et d’électricité. Ce sont des centaines de milliers de personnes qui se retrouvent en état de siège et attaquées par les forces de police et de l’armée. Et ce, durant des semaines, ou des mois, allant jusqu’à 100 jours à Sûr (centre-ville historique de Amed) ; comme on nous l’a dit plusieurs fois « la résistance de Sûr a été encore plus longue que celle de la Commune de Paris qui a duré deux mois ». Depuis décembre, l’État attaquait trois villes simultanément : Cizre, Sûr et Silopi. Après plus de 3 mois, l’État a déclaré « l’opération finie », ce qui n’implique que l’arrêt de l’artillerie lourde, mais l’occupation policière et militaire et le harcèlement quotidien perdure.

Le programme de l’État est clair : vider ces villes kurdes, détruire les quartiers en résistance, reconstruire des barres d’immeuble à leur place, et faire venir une population non-kurde ou en tous cas favorable au gouvernement. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les pelleteuses font leur travail dans les quartiers en ruines de Sûr et Cizre : elles détruisent les seuls bâtiments qui sont restés debout et enlèvent des tas de gravats pour niveler le sol et faire place aux nouveaux bâtiments. En effet, la quasi-totalité des parcelles des quartiers dévastés de Sûr ainsi que de 8 autres districts viennent d’être expropriées par une procédure d’urgence qui empêche tout recours, et vont être cédées au TOKI, l’organisme privé mais allié de l’État qui fait de la spéculation immobilière et qui construit des quartiers entiers de barres d’immeubles.

Notre délégation n’a pas pu accéder aux quartiers assiégés de Sûr car le siège était encore en place. Mais nous avons entendu des bombes lancées sur le quartier, nous avons vu les hélicoptères survoler quasi en permanence ces quartiers, et entendu les récits de proches d’habitant.e.s de Sûr. Pendant notre séjour à Amed, deux histoires de Sûr faisaient le tour des réseaux sociaux. L’une concernait des jeunes hommes arrêtés à Sûr, ayant été torturés par la police, puis déshabillés et pris en photo (nous ignorons leur sort). Puis celle d’une vieille dame de 80 ans, blessée, qui avait appelé maintes fois les secours, toujours bloqués par la police ; elle a fini par être évacuée portée par son mari et des proches ; ils ont tous été incarcérés, sauf elle qui est finalement décédée en arrivant à l’hôpital.

Nous avons pu nous rendre à Cizre, au 3ème jour d’ouverture de la ville (levée partielle du couvre-feu). Arrivées au 4ème et dernier check-point à l’entrée de la ville, après de nombreuses fouilles et contrôles de nos passeports, nous y sommes restées bloquées pendant plus de 3 heures, la police ne voulant pas nous laisser passer, « qu’est-ce que vous faites là ? C’est la guerre ici, ce n’est pas un endroit pour faire du tourisme ! »… Cet officier nous admet donc que c’est la « guerre », ce qu’ils s’efforcent de nier généralement. Au final, par un coup de chance (un fonctionnaire des affaires étrangères passait par là et a donné son feu vert, après avoir examiné nos passeports une énième fois), nous réussissons à accéder à Cizre.

Nous y avons été guidées dans tout le quartier démoli par une jeune femme de la mairie. Pratiquement tous les bâtiments ont été réduits à des gravats, y compris des bâtiments de 5 étages. Des habitant.e.s du quartier nous ont fait rentrer dans les sous-sols où s’étaient réfugiées plus de 150 personnes, parmi lesquelles plusieurs étaient blessées dû à l’écroulement des bâtiments. Après plusieurs semaines pendant lesquelles les blessé.e.s mouraient petit à petit, et personne ne pouvait ressortir sans se faire abattre, l’armée a fini par mettre le feu aux sous-sols et brûlé vives les survivant.e.s. Les soldats ont ensuite sorti les cadavres, en laissant derrière eux des membres éparpillés dans les sous-sols. Des habitant.e.s ont voulu fermer l’accès aux sous-sol par respect pour les personnes assassinées, mais les flics ont à chaque fois rouvert leur accès, nous a-t-on dit « pour que tous les gens voient ça et prennent peur ». Quand nous sommes rentrées, les habitant.e.s avaient débarrassé les membres des corps meurtris qu’illes avaient retrouvés, sauf un os et une main calcinée. L’odeur de mort du deuxième sous-sol nous a empêché d’y rester plus que quelques secondes…

Les murs de la ville (y compris à l’intérieur des maisons) sont recouverts de tags racistes, de symboles nationalistes, et de menaces de viols, laissés par les forces de l’État. On nous a aussi montré le lieu où s’était réfugiée une femme qui se faisait tirer dessus par les snipers. Elle a fini par être abattue dans son refuge, puis les soldats l’ont déshabillée et ont pris des photos de son corps nu pour les montrer sur les réseaux sociaux. Ceci est une pratique courante ces derniers mois. Beaucoup de femmes que nous avons rencontrées interprètent ceci comme une tentative de faire peur aux femmes car « ils savent que les femmes sont une menace pour l’État et la mentalité patriarcale ». Les femmes portent la résistance en elles, ce sont les mères qui parlent en kurde à leurs enfants et qui transmettent leur culture. Le mouvement des femmes prend une place énorme au sein de la lutte kurde, et ceci fait peur à l’État.

L’État n’arrive pourtant pas à prendre le contrôle de ces villes

Les groupes d’autodéfense des quartiers organisés par les jeunes femmes et hommes se battent avec de simples fusils contre la deuxième armée la plus puissante de l’OTAN. Face à la détermination de ces jeunes et le soutien de tout le quartier, les forces de l’État ne réussissent pas à pénétrer dans ces quartiers en lutte. Ils bombardent depuis leurs véhicules blindés de là où ils accèdent, et parfois depuis les collines environnantes ou encore depuis les hélicoptères. L’État aura mis 3 mois à mettre à bout la résistance à Cizre et à Sûr. Les groupes d’autodéfense ont résisté jusqu’au bout, jusqu’aux dernier.ères survivant.e.s. Quant au reste de la population qui s’était réfugiée en grande partie dans les quartiers ou villes voisines, une grande partie revient en nombre chez elle. Certes, pour découvrir qu’il ne leur reste plus rien, que leur maison est sous les décombres. Mais rien ne leur fera baisser les bras. Toutes les habitantes du quartier de Cudi à Cizre que nous avons rencontrées, nous ont dit « nous ne partirons pas, on a déjà été forcées à quitter nos villages dans les années ’80-90 pour venir s’installer dans ces villes, maintenant nous ne partirons plus » ; « ils ont beau tué nos corps, ils ne tueront pas notre idéologie ».

Les réfugié.e.s reviennent chez elles dans des quartiers dévastés

Ce sont près de 400.000 personnes (chiffres au mois de mars) qui ont dû fuir les attaques de l’État et quitter leurs maisons avant qu’elles ne se fassent détruire. Nous avons rencontré une chercheuse de l’institut de recherches sociales SAMER. Selon leurs études récentes, les personnes réfugiées de ces villes attaquées, prennent souvent refuge chez des proches dans les quartiers voisins ou les villes proches, et pour la plupart reviennent une fois le siège levé. Dans les années 1980-90, deux millions de Kurdes avaient été forcé.e.s à la déportation vers les villes kurdes (qui ont vu leur population se multiplier en peu de temps) ou vers les villes de l’ouest de la Turquie, ou encore vers l’Europe. Par contre, actuellement, la plupart des gens restent au plus proche et sont déterminées à ne plus se laisser déplacer.

Face à cela, le mouvement kurde s’organise pour pouvoir reconstruire ces quartiers et permettre aux habitant.e.s de retourner là où elles habitaient. Pour l’instant, l’urgence c’est de fournir à toutes ces personnes des quartiers de Sûr et de Cizre le minimum vital. Des camps de réfugié.e.s sont en train de se mettre en place (d’abord à Silvan) pour fournir un abri et de la nourriture aux familles qui ont perdu leurs maisons et toutes leurs affaires. L’Association Solidarité Rojava qui s’était créé pour venir en aide aux réfugié.e.s de Kobanê, centre son attention en ce moment dans la récolte de fonds et l’approvisionnement en tentes et nourriture pour ces personnes qui ont tout perdu dans les villes assiégées du Bakûr. Les 2 co-responsables de l’association avec qui nous nous sommes entretenues, nous ont demandé de relayer leur appel urgent en rappelant comment l’aide venue de l’extérieur avait été précieuse après la libération de Kobanê. Illes nous ont dit que « les villes du Bakûr attaquées maintenant sont comme Kobanê. C’est là qu’il faut envoyer de l’aide. La guerre continue, d’autres villes sont attaquées et détruites par le gouvernement. L’État a dit « on va détruire le Kurdistan ». » Illes ont insisté sur le besoin urgent que l’aide soit organisée par les organisations civiles en Europe car illes savent bien que les États ne vont pas aider facilement.

L’urgence humanitaire est évidente, vu la destruction provoquée par l’État. Mais le choix qu’ont fait les habitant.e.s de ces quartiers est avant tout politique : illes ont résisté à l’assaut de l’État et, malgré avoir tout perdu, sont prêtes à revenir là d’où elles ont été chassées et sont déterminées à toujours résister, même contre les pelleteuses qui essaient de faire table rase des quartiers. Pour notre délégation, soutenir ces personnes dans ce choix c’est porter un soutien, non seulement humanitaire, mais aussi politique. C’est pourquoi nous tenons à relayer cet appel aux organisations sociales et aux militant.e.s et révolutionnaires à se solidariser avec la population de Silvan, Sûr et Cizre. Puis, comme nous le rappellent les responsables de l’association Rojava, d’autres villes sont actuellement en guerre : c’est le cas de Nusaybin, Idil, Gever, Dargeçit, Şırnak, puis ensuite ce sera le tour d’autres villes encore.

L’Europe garde le silence et finance l’État turc

Lorsque notre délégation parcourait les rues saccagées de Cizre, une femme nous interpelle : « C’est maintenant que vous venez ? Où était l’Europe pendant qu’on se faisait massacrer ? Tout le monde a pu voir les images des sous-sols. Pourquoi personne n’a rien fait ? Nos vies valent-elles aussi peu ?… » Une autre femme complète : « Les images et les vidéos des sous-sol ont tourné sur les réseaux sociaux minute par minute. On peut croire que dans les années ’90 les gens n’étaient pas au courant de ce qu’il se passait, mais maintenant tout le monde sait. »

Inutile de leur répondre que les États européens ont accepté le chantage d’Erdoğan et ont acheté leur silence en échange de la fermeture de la frontière turque avec l’Europe aux personnes réfugiées. Les médias de masse suivent au pied de la lettre les consignes des gouvernements européens et ne relayent que les attentats ou certaines ripostes contre l’armée. Les Kurdes se demandent où vont les 6 milliards d’euros versés par l’UE à l’État turc – soit disant pour accueillir les réfugiée.s. Ce qui s’entend couramment là-bas c’est que cet argent finance Daesh ainsi que la guerre contre les Kurdes.

Cette complicité mafieuse des États qui vendent leur image d’États ‘démocratiques’ est d’autant plus dangereuse lorsque l’on pense à l’alliance de l’AKP avec Daesh, et aux références qu’a fait Erdoğan au régime nazi en tant que modèle « efficace »

Repris de Merhaba Hevano n°4.

Merhaba Hevalno mensuel n°5 – juin 2016

Voici le cinquième numéro de “Merhaba Hevalno mensuel”, une revue de presse dans laquelle nous publions chaque mois des textes à la fois d’actualité et d’analyse sur les mouvements de résistance en cours au Kurdistan.

Téléchargez le pdf (24p A4), imprimez et photocopiez-le et diffusez-le autour de vous, partout !

Au sommaire :

* Édito
* Le confédéralisme démocratique
* Tayyip Erdoğan, Apocalypse now
* L’Etat turc refuse le cessez-le-feu à Nusaybin
* Urbicide en cours
* Le mouvement des Femmes Libres
* Groupe d’action pour la « vengeance »
* Soutien avec les journalistes en taule
* Collaboration Rojava-USA ?
* Quel avenir commun pour les Arabes et les Kurdes en Syrie ?
* Des militant.e.s kurdes pendus en Iran
* Situation explosive à Jalawla ?
* Reconstruire Kobanê, c’est démolir le patriarcat !
* Agenda
* Carte & Glossaire

Extrait :

« GEVER :
Le couvre-feu a été levé après plus de 80 jours d’attaques. 20.000 personnes ont perdu leurs maisons. Mexsûdava, un village au centre du district qui avait été brûlé par l’armée il y a 20 ans a été brûlé encore une fois. Halit Aydin, un ancien du village déclare à l’agence de presse ANF : « Ils ont brûlé notre village auparavant, et que s’est-il passé ? En ont-ils fini avec nous ? On est revenus, plus forts qu’avant. Ils doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas résoudre le problème comme ça. On va reconstruire, comme on l’a fait auparavant, mais on a besoin de soutien. Notre liberté est plus importante que notre faim. La lutte va continuer dans ces terres. Le choix est, soit laisser tomber son identité, soit résister. Évidemment on a choisi de résister. » Certains habitant.e.s ont posé des tentes dans le jardin de leur maison détruite, en refusant la politique de déplacement. »

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(Pour imprimer en mode « livret », choisissez du papier A3 pour faire tenir 2 pages sur chaque face.)

Pour télécharger les numéros précédents, cliquez sur :
https://nevarneyok.noblogs.org/post/category/merhaba-hevalno

Entretiens avec JINHA, l’agence de presse des femmes

Voici deux interviews qui ont été menées par Corporate Watch et Vice News, au Kurdistan nord (Bakur), auprès de 3 journalistes de JINHA. Celle qui suit date de juste après les élections législatives de juin 2015, autrement dit juste avant la reprise de la guerre . La deuxième interview (voir l’encart) est plus récente (janvier 2016).

JINHA est une agence de presse entièrement composée de femmes, kurdes dans leur grande majorité. Elle subit une répression féroce de la part de l’État turc. Plusieurs de ses journalistes sont soit en prison, soit en attente d’un procès. C’est le cas de Beritan qui vient d’être condamnée à 1 an et 3 mois d’emprisonnement. Elles sont le plus souvent accusées de complicité avec une organisation terroriste (comprendre  : elles donnent des informations qui ne vont pas dans le sens du gouvernement). Par ailleurs, leur site internet a été hacké 5 fois et interdit par décision de justice. En reportage, elles subissent les attaques de la police, parfois à balles réelles.

Entretien avec Asya Tekin

Peux-tu décrire ce qu’est JİNHA ?

Asya Tekin  : JİNHA a été fondée il y a quatre ans, le 8 mars 2012, la journée internationale des femmes. Son but est de couvrir les événements qui concernent les femmes d’un point de vue de femme avec uniquement des journalistes femmes. Elle a été fondée à Amed. Depuis, un réseau de reporters s’est développé dans tout le Kurdistan – nous comptons actuellement 40 employées. Légalement, nous sommes une entreprise, mais nous travaillons à la manière d’un collectif de femmes.
C’est une agence composée majoritairement de femmes Kurdes, mais en grandissant, nous essayons d’élargir de plus en plus aux problèmes des femmes à travers le monde.
Nous avons un site internet et un service vidéo qui envoie des reportages à différentes chaînes provenant d’un peu partout dans la région. Nous envoyons également des informations à de nombreux journaux de la région.

JINHA subit-elle des discriminations du fait d’être une agence de femmes ?

AT : Nous avons de nombreuses difficultés à diffuser nos informations. Nos abonnés sont des médias de gauche ou alternatifs. Les grosses chaînes d’information ne nous commandent pas de reportages. La plupart du temps, les médias parlent des femmes de manière à faire du buzz, comme dans les magazines people, alors que nous présentons un regard de femmes sur des luttes de femmes. Les lectrices et les téléspectateurs ne sont pas habitué.e.s à cela. De ce fait, nous avons beaucoup de mal à trouver des abonné.e.s.
Nos reporters rencontrent également des difficultés lorsqu’elles sont sur le terrain. Les gens disent que les femmes ne peuvent pas faire du reportage de guerre, et ils considèrent que la caméra devrait être tenue par des hommes. Les discriminations proviennent à la fois de collègues masculins et de personnes lambda.

Pouvez-vous nous parler de la vie quotidienne et de la violence que vous subissez de la part de la police et de l’armée turques au Kurdistan ?

AT : Au quotidien, je ne me sens pas en sécurité, surtout en tant que journaliste femme. Nous nous attendons à des attaques tous les jours. Pendant la campagne électorale [pour les élections législatives de 2015], nous sommes allées dans la région de la Mer Noire. Nous avons été harcelées par la police et nous étions suivies par une voiture sans immatriculation tout le long de la route jusqu’à Malatya. Nous nous sommes plaintes à la police, en leur disant que nous savions que c’était eux, et la police a semblé en prendre note, mais n’a rien fait. Je ne me sens pas en sécurité ici.
C’est un pays où il existe une lutte importante pour la libération des femmes. Des femmes comme Deniz Firat [une correspondante kurde qui travaillait pour l’agence Firat News, tuée en 2014 par Daesh] et d’autres, qui ont été assassinées en faisant leur travail, m’inspirent et me donnent de la force.
Je me vois comme une journaliste qui travaille en état de guerre, et je considère mon activité comme étant en première ligne de cette lutte. Les attaques peuvent avoir des conséquences psychologiques, mais pas assez pour me faire abandonner.
Quand on est témoin d’autant d’injustice autour de soi, on doit le faire savoir. […] Bien sûr, les informations doivent être le plus objectives possible, mais lorsque vous voyez un État commettre autant d’injustices, vous devez en rendre compte en étant du bon côté.[…] D’un point de vue éthique et moral, en tant que personne, je me sens responsable de faire ce qui est juste. Bien sûr nous sommes des journalistes, mais je suis aussi une femme kurde, donc je me sens responsable de ce qui se passe.
Nous ne faisons pas uniquement des reportages sur les femmes qui résistent ; nous rendons compte également des femmes qui ne peuvent pas résister, qui vivent dans des conditions proches de l’esclavage. C’est notre devoir en tant que journalistes femmes. Le point de vue de notre agence est que nous sommes du côté des femmes et de leur liberté, en toutes circonstances.
De la même manière que nous donnons des information sur les femmes résistantes, nous en donnons sur les femmes qui sont victimes de violences et de discriminations ou qu’on écrase. Pour nous, c’est cela montrer les luttes de toutes les femmes, et à quoi ces luttes ressemblent vraiment.[…]

Votre travail doit avoir d’importantes conséquences psychologiques sur vous. Faites-vous quelque chose pour vous soutenir les unes les autres ?

AT : […] En tant que Kurdes, nous sommes habituées au trauma. Ce que nous faisons, est un engagement militant féministe, avant d’être un engagement journalistique. C’est ce qui nous fait tenir.
Nous avons reçu des menaces de la part du Hezbollah [kurde] et de Daesh mais cela ne nous pousse pas à arrêter de faire ce que nous faisons. Cela renforce notre engagement.
[NdT : Nous avons sauté les paragraphes qui racontent les attaques envers les Kurdes et les journalistes de la part de la Turquie et de Daesh]

Que pensez-vous des entreprises qui fabriquent des armes pour l’armée turque ?

AT : Je considère que c’est une erreur de dire que les entreprises sont les premières coupables. Les États renforcent leur pouvoir en utilisant ces armes. Les États en ont besoin pour pouvoir asseoir leur pouvoir répressif. Quand cela disparaîtra, ces entreprises disparaîtront également. Mais je considère que ces entreprises sont des tueuses d’enfants. Leurs patrons sont totalement complices de meurtres.

Pensez-vous que les gouvernements devraient donner des permis d’exportation d’armes à la Turquie ?

AT : Comment se fait-il que ces armes sont toujours envoyées vers le Moyen-Orient ? Comment se fait-il que le monde entier mènent ses guerres au Moyen-Orient ? Comment se fait-il qu’ici, à chaque coin de rue, on trouve un policier avec une arme à la main et qui sait comment tuer quelqu’un, et que lorsqu’on va en Europe, on ne voit d’armes nulle part ? Pourquoi devons-nous vivre sur un territoire où les armes sont omniprésentes ?
Si ces armes n’avaient pas envahi le Moyen-Orient, des groupes comme Daesh ne pourraient pas exister. Et maintenant, on en est rendu au point où les gens qui vivent ici ont besoin d’une arme pour s’auto-défendre. Une femme des YPJ [Unités de Femmes de Protection du Peuple au Rojava] a besoin d’une arme. Si vous vivez là-bas et que vous faites face à la force la plus sauvage qui existe au monde, vous êtes dans l’obligation de vous procurer l’arme qu’elles se sont procurée pour pouvoir vous défendre.
Bien sûr, le peuple kurde a la volonté profonde de résister, mais si seulement nous vivions dans un monde où nous pourrions le faire par de la désobéissance civile ou à travers des débats. Malheureusement, nous vivons au Moyen-Orient et ce n’est pas possible.
Nous voulons vivre dans un monde où nous n’aurions pas à nous procurer des armes. J’espère qu’un jour, les gens n’irons plus à la guerre. J’espère que la résistance des YPJ amènera un jour où les gens pourront vivre en paix et avoir une vie sans guerre.
Dernièrement, les femmes kurdes sont devenues un espoir pour les femmes dans le monde. Elles ont été tuées et violées. On a nié complètement leur existence, et ce sont elles qui résistent. A présent, elles sont l’espoir. Et cela nous rend heureuses d’informer sur les personnes qui font cette résistance.

Que peut-on faire depuis l’extérieur en solidarité avec le Kurdistan ?

AT : Il y a une chose que je souhaite, c’est que toutes les personnes qui sont opprimées au Moyen-Orient et qui sont forcées de vivre une vie de guerre, se relèvent ensemble et retournent à leurs vraies racines. J’aimerais voir cela aussi en-dehors du Kurdistan.
Pour finir, le terrorisme et la violence ne sont pas venues d’ici, mais de l’Occident. Les gens en Occident devraient se demander ce qu’ils doivent faire à ce sujet.

Entretien avec Sarya Gözüoğlu

Peux-tu nous dire ce que c’est que de grandir avec le militarisme turc ?

Sarya Gözüoğlu : C’est comme ça depuis que nous sommes né.e.s. Nous y sommes habitué.e.s, tous les jours nous pouvons perdre quelqu’un.e. À tel point que parfois, nous nous disons que la vie des gens normaux en Turquie doit être ennuyeuse. Nous y sommes tellement habitué.e.s que chaque jour ressemble à un film d’action. Cela ne nous semble plus bizarre. Quand nous étions enfants, ce n’était pas pareil – nous n’en étions pas conscient.e.s – mais quand nous avons quitté la maison, nous nous sommes rendu compte que c’était le mode de vie ici. J’ai toujours vécu à Amed. Bien sûr, cela a toujours été effrayant de voir la police perquisitionner des maisons, prendre les affaires des gens, les arrêter. La peur a provoqué l’engagement à agir contre elle.

Qu’est-ce qui t’a fait devenir une journaliste de JINHA ?

SG : C’était mon rêve depuis que j’étais petite. Mais sans JINHA, je n’aurais peut-être jamais eu le courage car c’est très dur pour les journalistes femmes. Un ami proche de mon oncle, qui était journaliste, a été tué. C’est ce qui m’a inspirée, car mon oncle était vraiment affecté par sa mort. Je n’ai pas étudié le journalisme ; j’ai fait des études en génie agricole, donc je n’ai pas ce bagage, mais cela a toujours été mon rêve. JINHA m’en a donné l’opportunité. J’ai pris confiance car ici il n’y a que des femmes. Certaines n’ont pas fini l’école, d’autres étaient enseignantes. Cette diversité m’a fait réaliser que moi aussi je pouvais le faire. La plupart n’avait pas d’expérience de journalisme, mais en ont acquis ici.

Est-il difficile pour les femmes ici d’être journalistes ?

SG : Bien sûr, je subis des discriminations en tant que femme journaliste. Lorsque vous sortez en tant que journaliste, vous êtes au milieu d’une armée d’hommes. 90 % des journalistes sont des hommes. Ils pensent qu’ils doivent être les meilleurs et que les femmes ne peuvent prendre de bonnes images. Lorsque nous allons à un événement difficile à filmer, les hommes disent : « c’est dommage que vous n’ayez un homme avec vous pour pouvoir filmer ». Si les journalistes ne sont pas capables de voir leurs propres collègues sans préjugés, comment peuvent-ils faire un travail objectif ?

La révolution au Rojava vous a-t-elle donné de l’espoir pour ici ?

SG  : Le Rojava ne devrait pas seulement donner de l’espoir pour le Kurdistan, il devrait en donner aussi au reste du monde. Cette révolution est née dans une région que personne ne connaît. Que cette résistance ait réussi à se faire entendre prouve bien que tout est possible. Cela montre que les gens peuvent décider de leur futur par leur propre volonté. Cela peut donner de l’espoir à de nombreuses personnes à travers le monde.

Est-ce que monter des actions contre ceux qui vendent des armes à la Turquie peut soutenir les mouvements révolutionnaires au Rojava ?

SG  : Oui évidemment. Toute action contre ceux qui vendent des armes à la Turquie est un soutien pour le Rojava car la Turquie donne de l’argent et des armes à Daesh.

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Repris de Merhaba Hevalno n°4.