La réunification des deux cantons kurdes de Kobanê et Cizîrê, l’heure approche

B8Ts7FyIYAEGGFKTexte repris du site de l’OCL et  daté du 31 mai 2015.


C’est semble-t-il maintenant une affaire de jours.

 Alors que Daesh s’est emparé de la ville oasis de Palmyre ainsi que de l’ensemble des postes frontières avec l’Irak, alors que ses frères ennemis d’Al-Qaïda (Front al-Nosra) et autres salafistes de l’‟Armée de la Conquête” (subventionnés et armés par Arabie-Emirats-Qatar-Turquie) gagnent du terrain dans le nord-ouest du pays (la totalité de la province d’Idlib est passée sous leur coupe) et menacent la région côtière de Lattaquié (de population majoritairement alaouite), alors que le régime de Bachar el-Assad n’a jamais été aussi affaibli, dans la province de Hassakah (ou Hasaké) où se trouve le grand canton kurde de Cizîrê, dans le nord-est syrien, les forces djihadistes ne cessent de reculer et de perdre du terrain devant l’offensive des YPG/YPJ.

Le principal objectif des forces kurdes et de leurs alliés est la prise de la ville de Tal Abyad (Girê Sepî en kurde), place forte et poste frontalier stratégique pour Daesh (point de passage des djihadistes vers la Turquie). Cette ville est un enjeu stratégique de premier plan également pour les forces kurdes car cette victoire permettrait non seulement de chasser Daesh de la zone, de l’affaiblir en coupant l’axe Raqqah-Turquie, mais aussi de relier et réunifier les deux cantons de Kobanê et Cizîrê en leur donnant une continuité territoriale… Ce qui donnerait automatiquement une plus grande consistance à l’entité appelée Rojava, augmenterait la capacité de résistance au quotidien des populations et renforcerait objectivement le projet d’autonomisation politique de ce territoire porté par la gauche kurde.

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Sous le paradigme kurde

CQFDDossier spécial Kurdistan dans le dernier numéro du journal de critique sociale CQFD. Nous reproduisons ici le texte principal intitulé « Sous le paradigme kurde« …
Les Kurdes ont toujours été pris en étau entre les différentes puissances régionales – ottomane, perse et arabe – et les intérêts occidentaux. Écartelés entre plusieurs entités nationales lors du partage du Moyen-Orient par la France et la Grande-Bretagne (accords secrets de Sykes-Picot) après la Première Guerre mondiale et la non-ratification du traité de Sèvres par la jeune Turquie en 1920, ils ont été à la fois assignés à choisir un camp et soupçonnés de traîtrise par les nouveaux États-nations qui leur imposaient leur joug. Ils furent les laissés-pour-compte des luttes anticoloniales. L’historien du Moyen-Orient Maxime Rodinson donnait l’explication de cet oubli, voire de ce mépris : «C’est simplement que les Kurdes ont eu le tort ou le malheur d’avoir à revendiquer leur indépendance de décision à l’encontre (entre autres) de deux nations qui, elles-mêmes, revendiquaient des droits analogues et étaient, de ce fait, soutenues par la gauche mondiale. D’abord, dans le passé récent, contre une Turquie nationaliste que les puissances impérialistes d’Occident voulaient asservir et que l’évolution de sa politique intérieure n’avait pas encore rendue antipathique à cette gauche. Ensuite et surtout, contre les Arabes d’Irak (et de Syrie), alors que le peuple arabe dans son ensemble apparaissait comme une victime de choix des mêmes impérialistes et le chef de file de la lutte contre eux. Les Kurdes, en quelque sorte, seraient donc les opprimés des opprimés. » (1) Cependant, ce qui se joue aujourd’hui au Rojava syrien et au Kurdistan nord (« Bakur », côté turc) ressemble moins à une lutte nationale qu’à une révolution sur des bases d’auto-organisation qui dépasse largement la simple carte identitaire kurde. Accompagnant une petite délégation, et grâce à un excellent traducteur, CQFD s’est rendu dans le sud-est du territoire turc à la rencontre d’une société kurde intensément politisée… et à la recherche de sentiments communs.

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2 jours à Kobanê avec les camarades des YPJ/YPG

Ligne de front à l'ouest de Sere Kaniye.

Kobanê. Contre toute attente, nous avons réussi à passer depuis la Turquie. Et à rejoindre ce petit endroit du monde où se sont concentrés et où se concentrent encore bien des enjeux, où se déroulent encore bien des guerres. Des guerres politiques : où en sera, pour les détenteurs du pouvoir, ce foutu jeu des alliances dans un mois, dans six mois, dans un an ? Des guerres économiques : qui contrôlera le business et le pétrole au Moyen-Orient ? Des guerres idéologiques : quel projet social ? Le fascisme ? La théocratie ? La démocratie capitaliste à la sauce occidentale ? Ou bien le communisme à tendance libertaire ? Autant de guerres, toujours sanglantes, traumatisantes et destructrices.

Kobanê, donc. Où pendant deux jours nous seront accueillis par une des coordinatrices des femmes combattantes kurdes, les YPJ (Yekîneyên Parastina Jinê, Unités féminines de protection du peuple), et ses camarades. Deux jours pendant lesquels elles nous feront faire, en quelque sorte une mini visite guidée et commentée de ce petit bout de territoire (de près de 2000 km2) libre des États et où tout reste à reconstruire et à imaginer.

Voici quelques notes à partir de ce que nous avons pu voir, entendre et discuter.

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