Des nouvelles de Diyarbakir : Entretien avec Dünya

Dünya, une camarade de Diyarbakır, a bien voulu répondre par mail à quelques-unes de nos questions en cette fin de mois de décembre 2016. Alors que l’État turc veut réduire au silence toute critique et désir de liberté, voici ce qu’elle nous raconte de sa vie là-bas. Cela donne un rapide aperçu de l’ambiance en ce moment dans la capitale du Kurdistan…

Un dessin de Zehra Dogan

Salut ! Comment vas-tu ?

Bonjour ! Je vais bien, mais j’ai dû un peu m’éloigner de tout ce que j’ai vécu dernièrement, et je suis partie à Istanbul. J’essaie de vivre la sérénité que vous vivez en France malgré toutes les choses inévitables que l’on peut vivre ici au Kurdistan. Il faut vraiment que je me décide à chercher du travail à Amed (Diyarbakır). Ou alors je vais à Istanbul pour y travailler. Mais je n’ai toujours pas décidé. J’aime vraiment Amed. Mais comme il y a beaucoup de moments difficiles à Amed ces derniers temps, je crois que je vais pouvoir vivre nulle part, car je ne me sens bien nulle part. La douleur du Kurdistan est là dans mon cœur, elle me suit partout.

Que faisais-tu comme travail ? Et qu’imagines-tu faire aujourd’hui ?

J’ai été à l’université d’Istanbul où j’ai étudié la langue turque et la littérature. J’ai fait pas mal de boulots dans ma vie, dans la presse et dans le textile notamment. Et ces 2 dernières années à Amed, j’ai eu un poste à la municipalité de Sur [le quartier historique d’Amed]. Mais en décembre 2015 on a tou.te.s été viré.e.s. Les premier.e.s employé.e.s de mairies au Kurdistan à avoir été désigné.e.s et viré.e.s par l’administration turque sont celles et ceux de la municipalité de Sur. Et tout particulièrement celles qui travaillaient sur la question des droits des femmes. Les femmes de la municipalité n’ont pas seulement été licenciées, mais un bon nombre d’entre-elles ont été mises en garde à vue. Et nous qui ne nous sommes pas faites embarquer, nous avons organisé des manifestations de soutien pour dénoncer ces agissements. La plupart des femmes qui se sont trouvées sans emplois ont leurs maris en prison et se retrouvent sans ressources. En bref, nous sommes toutes sans travail. L’État a constaté que des femmes étaient responsables de différentes organisations : il y a vu un danger et n’a pas toléré cela…

A quoi est dû ce changement de politique de la part de l’État ?

Il y a plusieurs raisons. Ce dont je viens de parler en est une. Et une autre est le fait que beaucoup de municipalités [tenues par le HDP] ont déclaré leur autonomie [à l’automne 2015]. Celle de Sur aussi, et l’État a commencé à y faire la guerre. Pendant les 113 jours de résistance [des habitant.e.s et des groupes d’autodéfense de Sur au siège des forces spéciales], l’administration turque a commencé à prendre des mesures antidémocratiques. Ensuite, à partir de juillet 2016 a été déclaré l’état d’urgence. La démocratie a été mise de côté et les municipalités des villes du Kurdistan ont été mises sous tutelle de l’État par la force. [53 municipalités au jour d’aujourd’hui, début 2017.] En fait, les personnes élues par le peuple on été remplacées par des tuteurs ou des préfets choisis par l’État.

Dans quelle situation se trouvent les prisonnier.e.s ? As-tu des nouvelles ?

Depuis la déclaration de l’état d’urgence, les gens sont placés en garde à vue ou incarcérés sans procès et pour n’importe quelle raison. On est passé dans une période où la démocratie est littéralement piétinée. Dans les prisons il n’y a plus de place. Je le sais d’une amie qui a été incarcérée sans jugement. Dans des cellules de 20 places, l’administration entasse jusqu’à 45 personnes. Il y a pour cette raison de gros problème d’hygiène. L’amie qui est en prison travaillait à la municipalité et était responsable d’un syndicat. C’est pour cela qu’elle a été arrêtée. Sa sœur a été arrêtée pour les mêmes raisons et attend également un jugement. Elles sont séparées de leurs enfants et ça me rend vraiment triste. Les conditions de détentions sont très mauvaises : outre les problèmes d’hygiène, de nombreuses maladies traînent, il n’y a pas de chauffage, et le courrier est très mal distribué… Et depuis la mise en place de l’état d’urgence plus personne ne peut rendre visite aux camarades détenu.e.s mis à part des membres de leurs familles.

Le quartier de Sur est dans quel état ? Que s’y passe-t-il actuellement ? Est-ce que tout le quartier a été détruit ? Les travaux ont-ils commencé ? Quelle est la situation de celles et ceux qui habitaient là-bas ?

Après le siège des forces spéciales et l’attaque militaire, Sur n’a pas réussi à s’en remettre. Malheureusement ce qui s’est vécu dans les années 1990 est à nouveau là ! Les habitant.e.s qui ont été forcé.e.s de quitter Sur sont parti.e.s. Et celles et ceux qui sont resté.e.s, l’ont fait soit parce qu’ils n’avaient pas d’autres endroits où aller, soit par attachement sentimental à leur quartier et à leurs racines. Beaucoup de gens se retrouvent exproprier, ils se font prendre leurs terrains et leurs maisons. Et ce que l’État propose en échange n’a strictement aucune valeur en comparaison. L’État les force à vendre et accélère ainsi la colonisation de Sur. Les travaux ont déjà commencé et les projets urbanistiques sont prêts. 5 quartiers sont toujours sous couvre-feu et sont en train d’être finis d’être rasés alors que un nombre important d’habitations restaient intactes. La destruction faite par les tanks a laissé place à celle faite par les bulldozers. Maintenant il n’y a plus de quartiers, plus de maisons. Cela fait 6 mois qu’ils préparent leur projet de colonisation. Il leur faudra 6 mois de plus pour construire leurs immeubles. Et quand les habitant.e.s pourront revenir dans leur quartier, ils ne verront que ces nouveaux immeubles en béton et ne pourront pas récupérer les maisons qu’ils avaient avant. Ce que l’État a voulu prendre, c’est leurs biens et leur histoire. Et bientôt, il voudra leur revendre ces nouveaux appartements, à crédit pour les attacher pendant 20 ans.

Dans quelle mesure la police et l’armée sont-elles omniprésentes à Amed ? Est-ce qu’elles sont toujours là malgré la levée des couvre-feux ? La population continue-t-elle à manifester ?

Malgré le retrait des couvre-feux, il y a une grande présence des forces spéciales dans toute la ville. Comme je disais plus haut, à Sur, il y a eu une rude guerre qui a laissé des traces malheureusement indélébiles. Et comme je dis depuis le début de l’entretien, depuis la tentative de coup d’état des güleniste, la police arrête qui elle veut comme ça dans la rue. Si tu te regroupes à 15 ou 20 personnes tu peux être arrêté et prendre un mois de prison. On est plus aussi libre qu’avant lorsque nous faisions nos manifestations. On ne peut plus faire de prises de paroles ni de manifs ni rien. Le pays est en train d’être dirigé de manière monarchique.

L’État veut, semble-t-il, faire exister un vrai black-out médiatique en Turquie, et plus encore au Kurdistan. La population arrive-t-elle quand même à s’informer ?

L’État a très bien su mettre en place – et il l’a fait bien consciemment – ce black-out médiatique. En coupant ou en censurant tous les médias – radios, tv, presse… Du coup, la population essaye de s’informer comme elle peut, notamment par twitter par exemple. Mais les réseaux sociaux commencent à être attaqués également et les gens de plus en plus poursuivis. Et à Amed, l’État prend le luxe de ralentir le débit d’internet ou de le fermer carrément, pour, ainsi, couper tous les moyens que les gens ont pour communiquer. Et ce que le pouvoir veut absolument cacher c’est les guerres de factions en son sein.

Mais bien-sûr que les médias alternatifs trouvent des moyens et des canaux de diffusion, même si cela est difficile. Le mouvement des femmes a commencé à se redonner des moyens de diffusion, et d’autres suivent. Il y a une vraie attention des gens à l’information, et même une ébauche d’un minuscule chemin vers l’info devient un espoir pour nous tou.te.s. Les médias ne s’arrêtent pas et continuent d’exister…

Cizre, Şırnak, Nusaybin… Dans quelle situation sont les villes qui ont subies les sièges des forces spéciales ? Comment font les habitant.e.s pour survivre ?

Toutes ces villes ont été complètement détruites. Il n’en reste plus rien. Malheureusement les gens vivent en ce moment dans des tentes, et les forces spéciales attaquent même ces campements de fortune. Ces gens-là n’ont pas de solutions. Les aides, il y en avaient mais l’État a fermé par décret toutes les associations qui s’en occupaient. Ces aides ont donc diminué. La situation est très critique en ce moment. On a beau amené de l’aide – du matériel et de l’argent –, ça n’est pas suffisant…

Est-ce qu’une partie des habitant.e.s du Kurdistan de Turquie émigrent ? Où vont-ils : en Turquie, en Europe ?

Oui, quand c’est la dernière solution, les gens s’en vont. Quand ils sont virés de leur travail et de leur maison, ils sont malheureusement poussés à partir. Ceux qui ont quelques possibilités vont à l’ouest de la Turquie, et ceux qui en ont encore un peu plus essaye de gagner l’Europe. Amed avait accueilli, ces dernières années, beaucoup de gens de Kobanê et de Shengal. Mais d’après ce que l’on sait, eux aussi s’en vont. Il y a une baisse et des changements anormaux dans la population de Amed. Maintenant la Turquie n’est plus du tout un endroit sûr pour y migrer car tout le monde sait que c’est la guerre ici, dans le sud-est…

Où en est le mouvement des femmes en ce moment ? On a vu qu’il y a eu au mois de décembre 2016 une grosse mobilisation des femmes contre le projet de loi légalisant le viol en Turquie. Y a-t-il eu des manifestations au Kurdistan ?

Le mouvement des femmes du Congrès des femmes (KJA) a changé de nom et désormais s’appelle Tewgera Jina Azadi (TJA). Bien-sûr que les travaux continuent, mais depuis l’arrestation et la détention de Ayla Akat [membre du BDP à Batman] les travaux ont ralenti. Le projet de loi sur le viol a rassemblé des milliers de femmes. Et la tentative du gouvernement de passer en force cette loi s’est retrouvé face à la conscience des femmes qui ont senti un grand danger venir. Mais le danger en Turquie est là à tout moment. C’est pas parce que cette loi a été ajournée aujourd’hui que le danger est passé. Tant qu’on aura pas régler les choses à la racine, l’État continuera de soumettre les femmes à ses lois. Il prétend que c’est pour protéger les femmes, mais en réalité c’est pour les rendre plus vulnérables, pour les mettre en danger, et l’objectif étant d’augmenter les violences et agressions sexuelles à leur égard. Est-ce que cette mobilisation a eu lieu au Kurdistan ? Bien-sûr qu’elle a eu lieu ! Mais elle n’a pas trop été visibilisée, car ici, avant même de se faire violer, on se fait tuer directement… Ça fait 2 ans que nous vivons une forte attaque militaire menée par l’État oppresseur et totalitaire, et ça nous laisse peu de temps à mettre ailleurs. On est vraiment dans une période où la démocratie est vraiment bafouée. On se cramponne comme on peut au peu de droits humains qu’il nous reste. On s’oppose pas simplement à la loi contre le viol, on lutte chaque jour contre toutes les violations des droits humains…

Beaucoup d’écoles ont-elles fermé à Amed ? Comment vont les enfants ? Comment réagissent-ils à la situation actuelle ?

Malheureusement, dans les secteurs où la guerre à frapper et où il y a eu des combats, les programmes d’éducation ont beaucoup ralenti. Et certains enfants n’ont même plus accès aux écoles : certaines écoles ayant fermé, les enfants ont été renvoyés vers d’autres écoles qui sont bien trop loin pour qu’ils puissent s’y rendre. Du coup, beaucoup d’enfants sont troublés et sont atteints psychologiquement, et le système éducatif est « cassé » depuis une année. Beaucoup de professeurs ont été virés car ils appartenaient aux syndicats de l’éducation. Ça aussi a son effet sur les écoles. Il y a un système éducatif, mais les enfants n’y ont plus accès. Les enfants de Sur sont dans une période de rémission traumatique ; ils sont suivis par différentes associations populaires qui s’occupent d’eux. En ce moment, si on regarde à l’échelle de la Turquie, le système éducatif est vraiment mis à mal. Et à Amed, c’est deux fois pire.

A ton avis comment la situation générale va-t-elle évoluer ?

La situation ne va pas s’arranger facilement, tant que l’État ne change pas son regard et son attitude avec les Kurdes. Je pense même que la situation risque de s’aggraver…

Merhaba Hevalno mensuel n°9 – novembre 2016

sebahat-tuncel-arrestAvec un peu de retard, nous tenons quand même à marquer le premier anniversaire de ce projet informatif qu’est le Merhaba Hevalno (“Salut camarades !”). Le 1er octobre 2015, nous avions lancé le tout premier numéro de notre revue de presse, à l’époque hebdomadaire, sur l’actualité du Kurdistan, en réaction à la guerre à nouveau déclenchée par l’État turc contre le Kurdistan Nord. Une petite équipe s’était alors formée pour relayer le plus d’informations possible sur l’évolution de la guerre, mais également sur la résistance du mouvement de libération kurde. Après 12 numéros, soit 3 mois, l’aventure éditoriale a pris une autre tournure : un mensuel, nourri de textes d’analyse, en plus de brèves pour suivre l’actualité. Nous en sommes aujourd’hui au 9ème numéro, avec de plus en plus de lectrices et de lecteurs.

Comme nous sommes un peu oldschool, nous croyons encore à la diffusion papier de cette revue, mais nous n’avons pas les moyens de l’assurer de notre côté, nous comptons donc sur vous pour la photocopier et la diffuser autour de vous. Il y a un an, nous espérions naïvement que ce projet de revue de presse ne durerait que le temps que la tension redescende, mais la situation n’a fait que s’aggraver, surtout à cause du mégalomaniaque Erdoğan, qui s’est lancé dans une « croisade » anti-Kurdes, créant les bases d’une véritable guerre civile en Turquie, et reversant de l’essence sur le feu du Moyen Orient, dans l’espoir de devenir le Sultan de la région entière. Ce mois-ci nous nous focalisons sur deux gros dossiers qui illustrent l’escalade de la guerre. En Turquie, c’est l’arrestation des leaders kurdes, et plus spécifiquement des député.e.s qui étaient un peu les seul.e.s à ne pas encore être tombé.e.s dans les filets de la répression. C’est sans doute la dernière étape dans l’illégalisation des partis DBP et HDP. Pendant ce temps en Irak, c’est la fameuse « opération Mossoul » qui a finalement été lancée par un mélange inédit de forces militaires. Mossoul étant la capitale de l’État Islamique, sa reprise prend une signification politique primordiale. Depuis des mois, les dirigeants des puissances régionales et mondiales se servent de cette perspective de « libération » pour leur propagande anti-terroriste.

C’est à partir de maintenant que va se jouer ce qui reste la question centrale, mais pas du tout résolue, à savoir : qui va succéder à l’État Islamique ? Comment va se répartir le pouvoir entre les différentes forces militaires qui participent à sa chute ?… Cette bataille est sans doute un moment charnière dans la géopolitique mondiale, certains analystes parlent même de « 3ème guerre mondiale » tellement les enjeux qui s’y jouent sont d’échelle planétaire.

Mais tous ces combats militaires et ces sublimes démonstrations du pouvoir patriarcal ne nous font pas oublier que ce sont les gens qui, à la base, en sont les premières victimes (touchées par l’exil, la prison, les armes chimiques, la mort), mais qui continuent aussi de se battre pour développer leur révolution, en particulier au Rojava. Un très beau texte de Dilar Dirik, cette chercheuse kurde dont on ne se lasse pas de relayer les articles, nous emporte dans la (re)découverte de cette révolution au nord de la Syrie. Ce texte étant très long, nous avons choisi de traduire ce mois-ci la première moitié ; la suite, très prochainement… Puis Kedistan – dont nous reproduisons également plein de textes – nous fait partager un témoignage d’une personne intersexe et son expérience en tant qu’enfant intersexe au Bakur. Notre intention n’est clairement pas de montrer comment les discriminations de genre sont abominables là-bas loin de chez nous ; au contraire, ce texte nous rappelle comment l’intersexualité est toujours un sujet tabou en France (à tel point que des mutilations sont pratiquées à la naissance pour tenter de cacher son existence).

Nous clôturons encore une fois cette revue avec l’amère sensation de ne pas contribuer assez à faire connaître la réalité du Kurdistan et les enjeux politiques qui s’y jouent en ce moment, et de ne pas faire partie d’un véritable élan qui crie haut et fort sa solidarité. Le mouvement kurde ne cesse de lancer des appels à la solidarité, souvent tournés vers les politicien.nes, qui ont plus de chance de faire changer les choses, certes, mais tous les gestes de solidarité sont les bienvenus. Le mouvement des femmes appelle régulièrement les femmes du monde entier à se montrer solidaires. Nous vous rappelons qu’une campagne est lancée sur le site de Kedistan pour envoyer des cartes postales aux prisonnières kurdes en Turquie.

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SOMMAIRE

  • Edito p. 2
  • Détruire le mouvement kurde
  • Anéantir le peuple kurde et ses représentants p. 3
  • Lettres de Demirtaş p. 4
  • Être une erreur kurdo-turque p. 5
  • « Je détruirai les prisons avec mon stylo et mon pinceau » p. 8
  • Être un enfant intersexe en Turquie. p. 10
  • Le Rojava : oser imaginer [partie 1] p. 11
  • La Bataille de Mossoul
  • La question kurde et l’opération de Mossoul p. 14
  • Mossoul, clé de l’avenir d’un irak unifié p. 16
  • Entretien avec Bese Hozak, co-présidente du KCK p. 19
  • Libération de Mossoul ? p. 21
  • Dans votre « monde » et le nôtre p. 22
  • Glossaire & agenda p. 24
  • Solidarité avec les prisonnières p. 24

* * *

Nous voudrions, en publiant ce bulletin Merhaba Hevalno, mettre en mots et en acte notre solidarité avec les mouvements de résistance au Kurdistan.

Ce bulletin mensuel autour de l’actualité du Kurdistan est notamment rédigé depuis la ZAD de NDDL, mais pas seulement ! Un certain nombre de camarades de Toulouse, Marseille, Angers, Lyon et d’ailleurs y participent…

Pour nous contacter : actukurdistan[at]riseup.net

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JİNHA, DİHA et 13 médias fermés. Résistance et soutien !

jinha-agence-fermetureLe gouvernement turc a fermé par décrets n°675 et 676 promulgués le 29 octobre 2016, dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis la tentative de coup d’état du 15 juillet, 2 agences d’information, JİNHA et DİHA. En tout, 10 journaux et 3 magazines ont été fermés.

Selon le « Rapport d’observation des médias » de Bianet, concernant la période juillet, août, septembre, 107 journalistes, 10 distributeurs/trices ont été misEs en prison. 78 correspondants on été arrêtés, et dans le cadre de l’état d’urgence 775 cartes de presse et 49 passeports ont été supprimés. Près de 2500 journalistes et employéEs des médias fermés, ont tous perdu leur travail.

logos-agences-jinha-diha-fermesDİHA et JİNHA sont des agences que Kedistan, entre autres,  suit régulièrement et qui constituent de précieuses sources d’information. Leurs équipes sont régulièrement poursuivies, mises en garde à vue… Zera Dögan, actuellement en prison en attente de jugement, en est l’exemple vivant.

JİNHA, Jin Haber Ajansı (littéralement, “Agence d’Information Femme”) fondée le 8 mars 2012, a effectivement la particularité d’être la première agence d’information au monde dont toutes les contributrices sont des femmes.

L’agence a diffusé après la décision de fermeture un communiqué par lequel elle déclare sa détermination à continuer son travail et souligne encore une fois l’importance de sa ligne éditoriale.

JİNHA a commencé sa vie avec l’ambition légitime de “changer le langage des médias”. Elle a réussi non seulement à se faire une place, mais à s’imposer avec toutes ses contributrices, du journalisme de terrain, à l’édition, du technique au plus simple employé. JINHA se qualifie de “l’alternative à l’alternative”, et travaille sans concession sur ses principes, malgré les difficultés par rapport à son prisme et langage.

Les correspondantes de JİNHA suivent les événements aussi bien en Turquie qu’en Syrie, en Irak. L’agence tient une place importante pour avoir été la première à informer sur le fait que la Révolution qui se déroule à Rojava est un processus basé sur la femme. Les journalistes de l’agence sont souvent des cibles particulières aussi bien pour leur posture politique, que leur identité de femme.

En quelques exemples, Vildan Atmaca, correspondante de Van s’est fait arrêter pour “avoir publié la photo d’Arîn Mirkan”, une combattante YPJ de Kobanê. Après la libération de Vildan, cela a été le tour de Rojda Oğuz, toujours à Van. Beritan Canözer a été mise en garde-à-vue et mise en prison pour “être trop enthousiaste”. Et ce ne sont que des noms parmi d’autres. Parallèlement au travail de journalisme, une lutte en continu perdure pour défendre les collègues pour qu’elles puissent retrouver leur liberté et leur travail.

A Sinjar les correspondantes de JİNHA avaient suivi les batailles en prenant des risques. A Diyarbakır, dans le quartier Sur, Şehriban Aslan, a été blessée à la tête par une capsule de lacrymo lancée par la police. Suite à une congestion cérébrale elle est restée durant des mois en soins intensifs…
A Cizre, sous couvre-feu, les journalistes de JİNHA ont fait du “journalisme de Paix” en plein guerre, dans le coeur des quartiers sous le feu des mitrailleuses et canons. Zehra Doğan correspondante de Nusaybin, est actuellement en prison à Mardin en attendant sa première audience le 9 novembre. Vous pourrez trouver sur Kedistan, une campagne de cartes postales de soutien à Zehra et à ses amies, actuellement en cours.

JİNHA prend comme principe le fait que la perception du monde des femmes, doit être prise comme base pour un monde meilleur, en  informant dans une perspective féministe. De fait elle devient la voix des femmes, de celles dont les corps sans vie sont exposés dans les rues, celles qui subissent des tortures dans les prisons, celles qui s’auto-défendent, celles qui ne désemplissent pas les rues, celles qui luttent pour la nature en criant « C’est qui l’Etat? »… JİNHA est la voix de celles qui oeuvrent pour les luttes syndicalistes, les femmes et enfants qui subissent des agressions sexuelles, des femmes victimes de violences masculines, et aussi de celles qui s’en défendent, mais des LGBTI massacréEs, agresséEs, qui luttent pour leur fierté…

« JİNHA ne peut pas être muselée » dit le communiqué « Nous continuerons à écrire, sans nous soucier de ce que les hommes diront ».

JINHA est la voix des femmes !

Sur les réseaux sociaux, des soutiens pleuvent !

Feminizm Derneği : « Nous soutenons JİNHA qui déclare qu’elle va continuer à écrire. #JinhaYalnızDeğildir (JİNHA n’est pas seule) »

İstanbul Feminist Kolektif : « JİNHA était nous. »

Erktolia : « La première agence de femme au monde JİNHA a été fermée. #JİNHAsusturulamaz (JİNHA ne peut pas être muselée) #KadınlarınSesiSusturulamaz (La voix des femmes ne peut pas être empêchée) ».

Filmmor  (Festival de film de femmes) : « Virginia Woolf en 1929. JİNHA 2016. Depuis 100 ans, nous écrivons ‘sans nous soucier de ce que les hommes peuvent dire’ ! Si vous pensez que c’est possible de ‘fermer’, d’anéantir cela… »

Kadınların Kurtuluşu  :« JİNHA qui écrit ‘sans se soucier de ce que les hommes peuvent dire’ continuera à écrire grâce à la lutte de nous, les femmes. ‘Nous étions, nous sommes, nous serons ! »

Mor Çetele : « Une décision de décret a fermé JİNHA, une des voix des femmes. Vous n’allez pas pouvoir faire taire la voix des femmes ! »

Feminist Gündem : « #JİNHAnePeutPasEtreMuselée, car JİNHA fait résonner la voix de la rue, la voix des femmes. »

Filiz Kerestecioğlu (Juriste, féministe, députée HDP) : « JİNHA est la voix des femmes. Notre agence où travaillent les journalistes les plus jeunes et les plus talentueuses est unique au monde. Nous ne taisons jamais ! »

Pervin Buldan (Députée HDP, Vice-Président du Parlement) : « JİNHA ne se taira jamais. Les femmes résisteront s’approprieront JİNHA. #JİNHAsusturulamaz (JİNHA ne peut pas être muselée) »

Liste complète des médias fermés : Dicle Haber Ajansı (DİHA), Jin Haber Ajansı (JİNHA), Özgür Gündem Gazetesi (İstanbul), Azadiya Welat Gazetesi (Diyarbakır), Yüksekova Haber Gazetesi (Hakkari), Batman Çağdaş Gazetesi (Batman), Cizre Postası Gazetesi (Şırnak), İdil Haber Gazetesi (Şırnak), Güney Expres Gazetesi (Şırnak), Prestij Haber Gazetesi (Van), Urfanatik Gazetesi (Urfa), Kızıltepe’nin Sesi Gazetesi (Mardin), Tîroj Dergisi (İstanbul), Evrensel Kültür Dergisi (İstanbul), Özgürlük Dünyası Dergisi (İstanbul).

Repris de Kedistan.net.

Merhaba Hevalno mensuel n°8 – octobre 2016

pkk-kaempferinBulletin mensuel d’actualités autour du Kurdistan. Octobre 2016.

Après le gros dossier sur l’(après)-coup d’état en Turquie dans le dernier numéro de Merhaba Hevalno, ce 8ème numéro est dédié en long et en large aux réfugié.es et aux politiques répressives envers différentes communautés traitées comme “minorités” indésirables, les Syrien.nes, les Kurdes et les Alévi.es.

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SOMMAIRE :

* Édito 
* Après les crimes, la volonté d’un peuple debout
* Femmes de Şirnak 
* Guerre déclarée à Sur 
* Fermeture des médias et « génocide politique »
* Une camarade partie au Rojava… 
* Naissance d’une minorité kurde en Irak 
* Communiqué des femmes du Rojhilat contre le sexisme 
* Nationalisme xénophobe contre les réfugié.e.s syrien.ne.s 
* Bayramtepe, l’eldorado perdu des Kurdes syriens 
* Politique anti-alévis en Turquie 
* Mednüçe : Eutelsat contre les médias kurdes 
* Poème de Adnan Yucel 
* Carte, glossaire & agenda
* Solidarité avec les prisonnières 
* Brèves

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Merhaba Hevalno mensuel n°7 – septembre 2016

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Après une pause au mois d’août, voici un gros numéro de Merhaba Hevalno. On y trouve deux gros dossiers bien fournis, l’un sur le coup d’état en Turquie, et l’autre sur l’invasion turque au Rojava.

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  • Édito
  • Dossier : L’armée turque envahit le Rojava ! (Comprendre les batailles de Hasaké et Manbij / Jarabalus : l’incursion de l’armée turque en Syrie est synonyme de guerre perpétuelle contre les Kurdes / Entretien avec Faysal Sariyildiz / Appel de l’Union des Jeunes Femmes du Rojava et de l’Union de la Jeunesse du Rojava)
  • Interview de Hassan Sharafi, secrétaire général adjoint du PDKI
  • Dossier : « Du putsch militaire raté au putsch civil » (Introduction et chronologie des premiers jours du coup d’état / De l’État à la Horde / L’AKP, l’armée et le mouvement Gülen : l’anatomie du coup d’état échoué en Turquie / Communiqué du KNK : le coup d’état échoué en Turquie et l’agenda anti-Kurde d’Erdogan / Les putschistes… c’est l’AKP !)
  • Communiqué du CDKF quant à la fermeture du journal Özgür Gündem
  • Campagne internationale de solidarité avec Öcalan
  • Des Alpes au Kurdistan ! Vive la solidarité internationale !
  • Agenda
  • Carte et glossaire

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Extrait :

Ces deux derniers mois ont connu deux événements majeurs qui ont marqué profondément la situation en Turquie et plus généralement au Proche-Orient. Il s’agit de la tentative de coup d’état en Turquie, puis de l’invasion du Rojava (Kurdistan au nord de la Syrie) par l’armée turque. En Turquie, où la guerre contre les Kurdes dure maintenant plus d’un an, c’est la guerre civile qui se profile. Quant à la Syrie, ce nouvel acteur -le régime du président turc Erdoğan- envenime encore plus la situation, en prenant encore une fois la défense de l’État Islamique contre les Kurdes […]

N’ayant pas pu publier de brochure en août, nous avons essayé ce mois-ci de faire un résumé -quoique assez long !- de ces événements récents, ce qui n’a pas été une tâche très simple étant donné la complexité de la situation. Nous tenons à continuer de diffuser des informations, déclarations et analyses, en ayant toujours l’espoir que cela puisse contribuer à une mobilisation plus conséquente ici en France et à créer des ponts de solidarité. Mi-septembre, c’est la « rentrée » des luttes, en particulier contre la loi « Travaille ! » et la potentielle opération d’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Nous nous interrogeons sur la place qu’on pourrait créer au sein de ces luttes franco-centrées mais néanmoins puissantes, pour faire du lien avec d’autres luttes qui remettent profondément en question le fonctionnement même de la société, telles que les dynamiques révolutionnaires en cours au Bakur et au Rojava. Que peut-on apprendre et partager ? Quel soutien peut-on apporter ? Comment tisser des liens forts de solidarité qui aillent dans les deux sens ? Ce sont ces questions, entre autres, qui nous motivent toujours à persévérer dans l’édition de cette revue. Nous espérons que celles et ceux qui s’intéressent aux luttes en cours au Kurdistan y trouvent leurs propres questions, quelques réponses, et un peu de motivation à la diffuser.