Merhaba Hevalno mensuel n°4 – mai 2016

12647402_1647537328829041_6028603301150045679_nVoici le quatrième numéro de « Merhaba Hevalno mensuel », une revue de presse dans laquelle nous publions chaque mois des textes à la fois d’actualité et d’analyse sur les mouvements de résistance en cours au Kurdistan.

 

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On en est au quatrième numéro, et on essaie toujours de recueillir et traduire des textes divers qui, on l’espère, permettent de comprendre la réalité complexe du mouvement révolutionnaire kurde. On trouve important de diffuser du discours direct, parce qu’on ne veut pas parler à la place des gens. Et des textes critiques, parce qu’on veut entretenir une solidarité non pas aveugle mais critique.

Comme on le disait dans le premier numéro « Nous espérons que cette publication puisse donner, si petit qu’il soit, un souffle à l’élan de solidarité avec les mouvements kurdes, et que les mots puissent renforcer et nourrir nos luttes à nous tout-e-s, là-bas comme ici ». Et ce mois-ci on est heureuses de pouvoir relayer tout un tas d’actions qui ont eu lieu en Europe, de toutes formes, qui nous donnent espoir que ça bouge ici!

Ce dernier mois, l’État turc a continué sa guerre contre le mouvement kurde (couvre-feux, destructions, emprisonnements, etc.) et s’est muni pour cela d’un nouvel arsenal juridique qu’on tente d’expliquer en plusieurs articles : déchéance de nationalité et confiscation des biens des personnes considérées « terroristes », levée de l’impunité pour les députés des partis pro-Kurdes, etc.. Par ailleurs, fin avril-début mai correspond à l’anniversaire des deux génocides perpétrés en Turquie, contre les Arménien.ne.s. puis contre les Alévi.e.s vivant à Dersim. Et n’oubliez pas de lire les brèves pour voir comment la résistance continue, ainsi que l’article sur les journalistes de JINHA, l’agence de presse de femmes, riche source d’informations.

En ce qui concerne le Rojava, on nous pose toujours beaucoup de questions sur les alliances stratégiques du mouvement kurde. On a donc choisi ce mois-ci de vous parler des affrontements qu’il y a eu à Qamichlo, contre l’État syrien non pas contre Daech et au cœur du Rojava non pas à sa frontière, pour donner des clés de compréhension de la relation complexe entre le Rojava et Bachar Al-Assad. On reviendra aussi sur la déclaration d’autonomie qui a été faite mi-mars, ou plutôt, sur les réactions qu’elle a suscité pour mieux saisir les alliés du projet fédéral et ses ennemis.

Ce mois-ci on a un peu fait l’impasse sur l’Irak, mais on a eu des nouvelles du Rojhelat (Iran) où les combattant-e-s ont annoncé une reprise du conflit armé. On essaie dans un article de donner quelques éléments de contexte et d’expliquer pourquoi cette annonce. On essaiera de faire plus prochainement.

Regardez l’agenda ! Envoyez-nous des infos, des commentaires, des rendez-vous que vous organisez, des récits de manifs, de voyage.

Et bonne lecture!

Au sommaire :

  • Edito & agenda
  • Entretien avec Duran Kalkan (haut commandant du PKK)
  • Entretien avec Selahattin Demirtaş (co-président du HDP)
  • Arsenal juridique antiterroriste
  • Entretiens avec Jinha, l’agende de presse de femmes
  • L’état turc mène une contre-révolution au Bakûr
  • Réactions face à la création d’un système fédéral au Rojava
  • Affrontements à Qamishlo avec les troupes du régime syrien
  • Luttes et répression au Rojhilat
  • Journée internationale contre les accords entre l’UE et l’Etat fasciste turc
  • Glossaire et plus…

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Extrait de l’entretien avec une journaliste de JINHA :

 » C’est très important d’avoir JINHA ici, maintenant. Quand Kobané est sortie aux informations internationales, les gens étaient focalisés sur les combattantes des YPJ. L’angle était le suivant : « Daesh a attaqué, alors les femmes ont été forcées de prendre les armes », mais c’est faux ! Les femmes ici combattent depuis bien avant Daesh, mais cela ne convenait pas aux médias occidentaux, alors ils ont jeté notre histoire. Ils ont enlevé le contexte. C’est pourquoi il est important que nous soyons là, pour montrer la réalité. Le pouvoir est entre les mains qui se révoltent contre les structures de pouvoir à chaque fois qu’elles y sont confrontées.
Je suis dangereuse. Toutes les femmes dans ce bureau sont dangereuses. L’État veut que vous pensiez comme lui, que vous mangiez comme lui, que vous marchiez comme lui. Ils veulent que nous écrivions exactement ce qu’ils décident, mais nous ne serons jamais comme eux. Nous n’avons pas peur d’eux et quand la police ou les militaires voient des femmes sur les lignes de front qui n’ont pas peur d’eux, c’est quelque chose de terrifiant.  »

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Merhaba Hevalno mensuel n°3 – avril 2016

CULKfw3W4AAMgu0Voici le troisième numéro de « Merhaba Hevalno mensuel », une revue de presse dans laquelle nous publions chaque mois des textes à la fois d’actualité et d’analyse sur les mouvements de résistance en cours au Kurdistan.

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[…] Malgré la guerre psychologique semée par l’État turc, les célébrations du 8 mars (journée mondiale des femmes) et celles du Newroz le 21 mars (fête du printemps pour les Kurdes et d’autres peuples du Moyen-Orient) ont bien eu lieu. L’État avait interdit la plupart de ces rassemblements, ou alors avait fait courir la rumeur d’alertes à la bombe, mais dans la plupart des cas, les célébrations se sont déroulées, certes avec moins de monde que les années précédentes, mais avec autant de détermination. Le Newroz est un jour de fête et un jour de lutte ; on célèbre par les danses et le feu symbolique la lutte de libération des populations contre le pouvoir tyrannique (on vous transmet un conte du Newroz en fin de revue).

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Ce bulletin mensuel autour de l’actualité du Kurdistan est notamment rédigé depuis la ZAD de NDDL, mais pas seulement ! Un certain nombre de camarades de Toulouse, Marseille et d’ailleurs y participent…

Pour nous contacter : actukurdistan(a)riseup.net

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[Entretien] « En moi une part de chacun, un concentré de résistance »

tumblr_inline_o1j1mzSV5s1tar4x0_1280Reportage et témoignage du journaliste Osman Oğuz publié le 24 février sur PolitikArt et sur son blog, sur la résistance de Cizre. Nous en publions la traduction qu’en a fait Kedistan.


A l’époque où nous étions étudiants à l’Université de Dicle à Amed (Diyarbakir), nous étions logés ensemble avec Serxwebûn. Lors des boycotts traditionnellement très animés, des actions quasi quotidiennes du campus, on se saluait, on scandait des slogans ensemble. Ensuite, nos chemins se sont séparés, le sien, l’a amené dans le brasier. Le fait d’entendre sa voix, des années plus tard, éveille une drôle de sensation…

Serxwebûn, se trouvait dans sa ville natale Cizre, depuis le début du blocus de l’Etat et la résistance pour l’autonomie. Il a été témoin de la barbarie et d’une grande résistance qui se déroulaient dans les rues où il est né et a grandi. Les résistants lui ont demandé, comme testament, « parle de nous », alors il continue à en parler…

Bien que les paroles soient insuffisantes, nous avons discuté avec Serxwebûn, comme on a pu, de ce qui se passe à Cizre, de la violence d’Etat, de la résistance, et de l’identité de ceux qui sont morts. Il y a tellement de choses importantes à dire, que privilégier certaines d’entre elles serait injuste. Alors, pour bien faire, prêtez l’oreille aux propos de Serxwebûn, qui a été témoin de tout, du début à la fin, et choisissez vous-mêmes les priorités.

(Vous savez que ceux dont le vrai ennemi est « la vérité », voient comme sort les pires persécutions, de plus dans une enveloppe judiciaire. Oui, son nom n’est pas Serxwebûn*. Mais ces terres ne s’appellent pas la Turquie non plus, alors on est quittes…)

[*Serxwebûn est donc un alias. Ce joli mot veut dire en kurde « indépendance » et c’est aussi le nom de l’organe de publication du PKK depuis sa naissance.]

Avant tout, dans quel état es-tu, comment vas-tu ?

Comment veux -tu que je sois. J’essaye de récupérer. Je me suis rendu compte qu’on devrait passer à une période de récupération. Les personnes qui sont mortes, étaient mes amis très proches. Le fait d’être parti de ce sous-sol, de les avoir quitté, était un complet hasard. Je suis parti, puis j’allais y retourner, puis la route a été fermée. C’était des camarades infiniment proches. Le plus désolant est le fait que la majorité étaient des civils, des étudiants… Une personne qui combat, peut mourir dans le combat, c’est aussi douloureux mais différent. Mais, on est encore plus triste pour celui qui n’a jamais combattu, je ne sais pas moi, qui est juste présent par dévouement, qui ne se défend pas. Quand on pense comment ils ont été tués, on se déchire.

Depuis quand tu étais à Cizre ?

Cela fait pile un an.

Maintenant, l’Etat dit : « L’opération est terminée avec réussite. » Qu’a-t-elle fait cette opération à Cizre ?

A vrai dire, tout le monde voit le résultat, clairement. Les images prises par l’agence de l’Etat, depuis des blindés, mettent à jour, l’état dans laquelle est mise l’infrastructure de la ville, les habitations, les avenues. Mais à part cette destruction, il y a bien sur aussi, l’impact que cela a fait sur les gens.

L’Etat annonce « J’ai apporté la sérénité », « J’ai fait une opération réussie », mais désormais, les gens d’ici, se souviendront de l’Etat avec cette épave. De toutes façons, depuis des années, quand on dit Etat, les gens pensent à ce genre de choses, et pas à autre chose.

Déjà, la raison qu’une résistance soit organisée à Cizre aujourd’hui, n’était pas les épaves que l’Etat a crées dans le passé ?

Je dis toujours : les jeunes qui résistent contre l’Etat aujourd’hui sont les jeunes qui lançaient des pierres contre lui. Etant enfants ils ont lancé des pierres, mais l’Etat au lieu de comprendre ces enfants, ou de réaliser leur revendications, les a attaqués d’abord avec des gaz lacrymos, ensuite avec des armes. Ensuite ces enfants ont été arrêtés. Regardez le passé de chacun d’eux, ce sont des enfants qu’on appellent « victimes de TMK* » Maintenant ces enfants ont grandi.

[*Victimes de TMK : Dans les villes de Sud Est de la Turquie, après la reforme dans la loi, de la lutte contre le terrorisme (TMK) en 2006, des mineurs ont été arrêtés, jugés et incarcérés en prison adultes, en violation des droits d’enfants. La plupart ont été arrêtés, sur soupçons infondés, parce qu’il y avait la marque de pierres dans leur paume, ou ils étaient transpirants etc… ]

La résistance de Kobanê, comme dans tout le Kurdistan, a changé beaucoup de choses à Cizre aussi. Mais la situation des jeunes de Cizre était un peu différente. Tu sais bien, Cizre, pour le mouvement de libération de Kurdistan, est une ville symbolique. Les jeunes ont commencé à s’organiser ici, depuis 2009. Leur objectif principal était plutôt protéger au sens général, la ville dans laquelle ils vivait, que le combat armé contre l’Etat ou de l’autodéfense physique.

C’est à dire, que faisaient-il ?

Ces jeunes, ont stoppé à Cizre, le vol, la drogue et la prostitution… Tout le monde le sait dans quel état était cette ville en 2009. C’était comme la période, où les gens ne pouvaient même pas traverser les rues de Diyarbakır, de Bağlar ; l’Etat avait mis Cizre dans le même état après les opération contre le KCK [Koma Civakên Kurdistan, Le groupe des communautés du Kurdistan] en 2009. A chaque coin de rue, il y avait des voleurs, des dealers, des prostituées et les jeunes étaient transformés en espions. Dans un premier temps, les jeunes ont commencé à s’organiser comme une réaction contre tout cela, et dans la mesure où ils ont réussi, sont devenus le cible de l’Etat.

Quand est-ce que les premières tranchées ont commencé à être creusées ?

Lors du processus de Kobanê, l’organisation a gagné de la vitesse. Et, les descentes dans les maisons ont commencé à ce moment là. Après, pour empêcher ces descentes et les arrestations, les tranchées ont été creusées. Les tranchées sont restées dans la ville pendant un an, l’Etat n’a mis personne en garde à vue, il n’y a pas eu d’attaques sérieuses. Les choses étaient normalisées ; l’Etat et les jeunes s’étaient en quelque sorte entendus. Il y avait comme un accord tacite « Tu n’entres pas dans nos limites et nous n’interviendrons pas. »

Tout au long de cette année, dans la ville, il n’y a eu aucun mort, ni blessés, ni même d’actions. Un moment il y a eu quelques attaques et 5 jeunes y ont perdu la vie, mais c’était arrivé à cause de la provocation de Hüda Par*.

[*Hüda Par : Un parti islamiste et anti-kurde qui attire les sympathisants du Hezbollah turc, groupe militant sunnite actif dans les années 1990.]

Dans cette période Öcalan a demandé la suppression des tranchées et les jeunes les ont bouchées en une nuit. Voilà. L’Etat essaye maintenant de les fermer depuis des mois, alors qu’avec une parole d’Öcalan, c’était réglé en une nuit. Mais après la suppression des tranchées, les jeunes ont continué à faire la garde et protéger leurs quartiers.

Malgré la suppression des tranchées, l’Etat a continué ses attaques. Les gardes à vue, les arrestations ont recommencé, et les jeunes qui participaient même à la moindre manifestation se faisait tirer dessus. Après cela, les jeunes ont recommencé à creuser les tranchées et mettre des barricades en place. Ils ont renforcé leur organisation à chaque attaque et ils ont commencé à résister de plus belle. A la fin du couvre feu de 9 jours, déjà, presque chaque maison de la ville était devenue un lieu de résistance. C’est la raison principale pour que la résistance puisse durer aussi longtemps : elle s’est étendue à toute la ville, tout le monde a résisté en faisant ce qu’il pouvait.

Ces jeunes sont ces jeunes là. Les jeunes que l’Etat poussait vers la prostitution, drogue et espionnage… Les jeunes qui voient la réalité de l’Etat et qui se rebellent.

Nous voyons pas mal de chiffres [sur les morts], tous les jours nous nous battons avec des chiffres. Mais il y a une histoire de vie derrière chaque nombre… Tu connaissais presque tous, tu es l’enfant de là-bas. Comment les jeunes résistaient-ils ?

Malgré leurs moyens réellement limités, ils ont fait une résistance honorable, contre dix mille militaires professionnels d’un Etat qui dit qu’il possède une des meilleure armée du monde, dotée de toutes technologies et une force extraordinaire. Je peux dire que cette résistance continuait même dans le sous-sol.

Parfois dans la presse turque, on voit des nouvelles comme « tant d’armes on été saisis », «ils possédaient tant de munitions ». Nous étions là. Nous avons vu, avec quoi ces jeunes résistaient… Avaient-ils des armes ? Oui, bien sur. Mais sois en sur, l’arme de chaque jeune à terre, était récupérée par un(e) autre, parce que le nombre d’armes qu’ils possédaient était très limité. Les chars avaient encerclé la ville et sans cesse, ils tiraient au canon sur le centre ville. Ensuite ces chars ont essayé de s’introduire dans les quartiers. Les jeunes ne pouvaient pas faire grand chose face aux chars. Ils prenaient des couvertures et plaids et les jetaient sous les chenilles pour les bloquer. Plusieurs d’entre eux on été blessés en jetant des couvertures. Les chars ne pouvant pas avancer sur des couvertures, continuaient à tirer au canon, de là où ils étaient bloqués. Des blindés venaient pour les débloquer et les jeunes résistaient en lançant des cocktails Molotov sur ces véhicules.

Ils n’ont jamais eu des conditions égales. Ils avaient fabriqué des « gilets-livres pare-balles» pour se protéger des tirs. Ils entouraient des gros livres de tissus, les cousaient ensemble en forme de gilet. Tous les résistants et les civils qui vivent en ville utilisent ces gilets-livres pour aller d’un endroit à l’autre. Les balles, sont retenues, plantées dans les livres.

Par ailleurs, ils jetaient de la peinture sur les vitres des véhicules blindés. Ils avaient toujours une méthode alternative pour contrer chaque type d’attaque. Ils ont résisté comme ça.

Ils sont restés affamés des jours et des jours. Il y a eu beaucoup de difficulté de nourriture lors du blocus qui a duré des mois. Mais malgré cela, dans les barricades, dans les rues, en défendant  maison par maison, ils ont essayé d’empêcher que l’Etat avance.

Mehmet Tunç est un nom important de la résistance et il est devenu un symbole. Comment le connaissais-tu ? Quel genre de personne il était, et comment est-il devenu un pionnier ?

[Kedistan avait publié la traduction d’une des interventions téléphoniques de Mehmet Tunç, co-président du conseil populaire de Cizre. Ce fut une de ses dernières communications. Il appelait depuis le sous-sol où le lendemain, il a été massacré >> A Cizre, le massacre est un crime de guerre]

Je connaissais Mehmet Tunç depuis mon enfance. Après, en 2009 il ést devenu président de la commune. C’était quelqu’un qui prenait toujours place dans la lutte. Quand je suis sorti de la prison, on a recommencé à se voir.

Tu peux demander à n’importe qui de te parler de Mehmet Tunç, il te dira les mêmes choses. C’était une personne courageuse, qui ne faisait pas de concessions, qui pouvait mobiliser les gens, un pionnier. Pas seulement dans cette dernière période, mais en 2008, 2009 aussi… Dans les périodes les plus difficiles, Mehmet Tunç il était capable, rien qu’en passant d’une maison à l’autre, de mobiliser les masses pour la résistance.

[« Le couvre feu de 9 jours » dont Serxwebûn parle dans les lignes qui suivent, datent du 4/12 septembre 2015. Vous pouvez lire l’article Cizre, ville martyr]

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Il avait fait cela plusieurs fois auparavant et pendant le couvre-feu de 9 jours aussi… Le quartier Nur était sur le point de tomber, te souviens-tu, Mehmet Tunç a parlé en liaison téléphonique en direct à la télé. Un discours bouleversant qui disait « le cercle s’est serré ». La raison de ce discours émouvant était la désolidarisation de certains politiques, des jeunes. Les politiques sur place disaient « Nous sommes obligés de nous séparer des jeunes. Soit les jeunes quittent les lieux, soit c’est nous qui partirons ». Mais Mehmet Tunç a fait un discours là bas et il a dit qu’il bougerait avec les jeunes, qu’il quitterait la maison où les politiques se trouvaient. Ensuite, il a parlé avec les jeunes avec une telle verve qu’ils ont réussi à casser le blocus. Et c’est encore les jeunes qui ont sauvé ces politiques. Sinon, l’Etat, allait tuer dans cette période de 9 jours, au moins trois, quatre députés du HDP. Tous les tirs de canon visaient les maisons dans lesquelles les députés se trouvaient. Ils essayaient de mettre la main dessus. C’est grâce à la résistance des jeunes que les députés du HDP ont pu sortir de cette maison. Et c’est les paroles de Mehmet Tunç qui a donné la motivation aux jeunes.

Je voudrais raconter un autre souvenir qui me traverse l’esprit. Mehmet Tunç me l’avait raconté : Quand il était jeune, à 15 ans, les guérillas viennent dans son village. Les jeunes se réunissent. Ils disent « on veut se joindre à vous ». Ils les prennent tous, sauf Mehmet Tunç. Il demande « Vous avez pris tous mes camarades et vous me laissez… pourquoi ? Moi aussi je veux venir ! ». Le commandant répond « Ne viens pas. Toi, tu es déjà avec nous. Tu nous es nécessaire ici. L’Histoire va te demander de faire des grandes choses ». Sa famille l’a marié aussitôt après cet événement. Il m’a raconté cette histoire il y a 20, 25 jours, quand je le voyais pour la dernière fois et il a ajouté « J’ai attendu des années, en me demandant quand le moment dont le commandant parlait, allait arriver. Pendant cette résistance, j’ai compris que ce moment est  ce moment. »

Voilà Mehmet Tunç, un homme, avec sa grosse voix, apparaissant d’un coup sur un toit, un autre instant dans un salon, dans la rue, remontant le moral à tout le monde. Il ne faisait pas que  parler, il était aussi travailleur. Mehmet Tunç était aussi celui qui portait du sable aux barricades, qui cuisinait, qui essayait de soigner la blessure d’un(e) jeune…

Tu as connu beaucoup de personnes, et  tu as plein d’histoires dans ta tête, je sais, mais si on te demande de nous en parler d’une, à qui penserais tu ?

Je suis touché par toutes les histoires, mais je voudrais parler de Ramazan. Il a été massacré, lui aussi dans ce sous-sol.

Ramazan était un gamin qui vivait dans le quartier Yafes. Pendant la résistance de Yafes, il était là, il se balladait d’un barricade à l’autre. Il n’était pas un combattant, il n’avais reçu aucun entrainement. Mais, face à tout ce dont il était témoin, il voulait faire quelque chose. Puisqu’il n’avait que 16 ans, les jeunes ne l’acceptaient pas au front. Et, lui, il arrivait chaque fois à trouver un moyen pour venir près des jeunes. Il demandais « Je veux faire quelque chose, moi aussi. » A la fin, ils lui ont donné le devoir de transférer les repas. Ils baladait alors la nourriture. Quand quelqu’un essayait d’aller au quartier, il les faisait passer par les endroits les plus sécurisés. Ils maîtrisait chaque coin, chaque passerelle de Yafes pour éviter les snipers positionnés. Ramazan était devenu le guide du quartier.

Quand le quartier Yafes est tombé, les habitants ont quitté la ville, mais Ramazan a dit : « Je ne viens pas avec vous. Nous nous somme retirés ici, mais je vais aller à Cudi et continuer là bas ». Quand il s’est rendu à Cudi, les jeunes lui ont dit eux aussi, qu’il était beaucoup trop jeune et n’ont pas voulu de lui, mais ils les a également convaincus. Cette fois ils ne lui ont pas attribué de rôle, alors il est allé à la Commune de Santé. En passant son temps dans cet endroit, il a appris les techniques de soins. Les derniers vingt jours, puisque les autres étaient tous massacrés, il ne restait plus que Ramazan qui était capable d’intervenir pour les blessés. A 16 ans, il était devenu leur médecin. Il soignait tous les blessés.

Qui étaient ceux qui ont été massacrés dans ce sous-sol ? On dit que la majorité était des étudiants…

60% du groupe était des étudiants. C’était des jeunes qui étaient sorti du congrès de DEM-GENÇ  [Fédération Démocratique des Jeunes] la veille du couvre-feu, et qui n’avaient pas pu sortir de la ville à cause de l’interdiction. D’abord ils se sont dispersés dans tous les quartiers, et petit à petit, quand les quartiers sont tombés un par un, leur zone s’est limitée et ils se sont réunis à la fin à Cudi. Un autre groupe de jeunes étaient hébergés au centre ville, la police a fait une descente et les a arrêtés. Et ce groupe, craignant l’arrestation, est allée au quartier Sur. Ils sont restés plusieurs jours là bas. Quand la résistance a glissé vers ce quartier, les maisons où ils logeaient depuis le début se sont trouvées au milieu des affrontements. Quand la police a appris qu’ils y avait des occupants, il y a eu ce massacre. Si ces jeunes étaient venus au centre ville, ils auraient été effectivement arrêtés, c’est pour cela qu’ils ont senti le besoin de rester dans le quartier Sur. Ils restaient ensemble, ils pensaient que le couvre-feu se terminerait et qu’ils partiraient. 20 personnes étaient dans un immeuble et 30 dans un autre. La majorité des dépouilles sorties à la suite des bombardements, étaient celles de ces jeunes.

Actuellement, après tant de vécu, que ressentent les habitant de Cizre ?

Bien sûr dans la ville, une atmosphère de tristesse et de douleur règne. Les gens ont encore du mal à réaliser. Mais je dirai aussi ceci : Les gens sont actuellement décidés. Dans cette ville près de 250 personnes on été tuées. La majorité des derniers tués étaient des étudiants, et avant, il y a eu beaucoup de morts, jusqu’à des enfants  de 9-10 ans. La plupart de ceux qui ont été tués, étaient enfants de cette ville, et résistaient derrière des barricades. Parce qu’ils avait perdu eux-même leur proches et ils avait reçu cet héritage et étaient passés à la résistance. Maintenant, la seule chose que la plupart des habitants de la ville veut, c’est la levée du couvre-feu, puis récupérer et renforcer la résistance. Tout le monde pense « Comment pourrons-nous organiser une résistance plus efficace ? ». Peu importe avec qui je parle, ils disent « Comment puis-je revenir sur Cizre ? », « Comment peut-on mener un combat, pour demander des comptes pour nos frères ? »

Je peux dire que dans la ville il y a une ambiance de vengeance qui règne. Les gens ont de grandes attentes du Mouvement de la Libération kurde, mais si leurs attentes ne se réalisent pas, il peut y avoir même des vengeances personnelles, et c’est fort possible. Il y a des familles qui ont perdu deux, trois proches. Trois frères et soeurs tués ensemble, ou des cousins, cousines… Je peux exprimer clairement que tout le monde attend les jours de vengeance.

[D’où le titre original de l’article en turc : « Les habitants de Cizre attendent le jour de vengeance »… NDLR]

Y-a-t-il un sentiment d’être battu ?

Non, parce que pour la plupart des gens, la mère, le père de ces gamins, leur famille ont vécu les années 90… Puisqu’ils ont payé le prix dans ces années là aussi, ils savent qu’on peut avancer sur ce chemin, même si on trébuche ou tombe parfois. Ce sont des gens qui savent bien, qu’après des centaines de morts, cette lutte ne se terminera pas. Cizre est une ville qui a connu des massacres périodiques durant ces quelques années mais qui arrive à résister chaque fois. C’est pour cela, que ces gens disent, comme je raconte, « récupérons et demandons des comptes sur nos proches qui ont été massacrés ».

Et toi, comment cela t’a-t-il  affecté ?

J’étais revenu sur Cizre, il y a un an, après des années d’absence et les changements que j’avais vus m’avaient rendu heureux. La ville que j’avais quittée était une ville altérée dont chaque rue était scène de mauvaises choses. Mais ces jeunes avait construit une telle vie dans cette ville, que tu pouvais te comporter dans la rue, librement, aisément. Les problèmes de la ville étaient devenus faciles à résoudre en peu de temps. à la moindre mésentente, les jeunes intervenaient et dénouaient la situation. J’ai même observé qu’il n’y avait plus une seule bagarre dans les quartiers.

Après, avec les attaques, j’ai été témoin de la façon dont les jeunes résistaient. Quand je les voyais résister derrière les barricades, dans des conditions très lourdes, je leur disais « Comment je peux parler de vous comme vous le méritez ? ». Il se tournaient vers moi et exprimaient toujours la même chose : « Nous, ici, nous résistons. Nous écrivons l’Histoire. Oui, on peut être tués, et nous n’avons pas la chance de créer beaucoup de miracles face à la force de l’Etat, mais tu dois parler de nous. La seule chose que nous te demandons, est de raconter comment les jeunes de Cizre résistent ». Voilà le testament que la plupart m’ont confié.

Bien sur que je suis affecté, comment ne pas l’être ? Mes meilleurs amis, des amis qui m’ont aidé, avec lesquels j’ai marché continuellement côte à côte, avec lesquels j’ai résidé ensemble dans toute cette période, ont perdu la vie. J’ai été obligé de quitter le sous-sol, juste pour envoyer une image, ensuite je n’ai pas pu y retourner, et eux, là-bas, ils ont perdu leur vie. Je suis resté affecté plusieurs jours, à ne pas pouvoir répondre aux appels. Mais quand je repense… Quand nous parlions [au téléphone depuis les sous-sol où ils étaient coincés et condamnés] , ils disaient tous « Que personne ne soit triste pour nous. Ceux qui veulent faire quelque chose, qu’ils s’approprient notre lutte pour laquelle on meurt, qu’ils prennent le flambeau. ». Ils disaient tous, cela, chaque fois qu’on parlait. « Ceux qui ne partagent pas notre résistance, qu’ils ne partagent pas notre douleur non plus, qu’ils ne viennent pas à nos funérailles. ». Il ont répété cela aussi chaque fois. : « Nous ne voulons personne, que personne ne pleure pour nous. Si nous résistons jusqu’à la dernière balle, si nous ne rendons pas, ceux qui s’attristent pour nous, prennent exemple de nous, et qu’ils fassent quelque chose, qu’ils étendent la résistance ».

Je suis affecté de mon côté, mais j’ai compris que je dois faire ce que je peux, pour rendre réels, leurs rêves, leurs espoirs. Mon objectif est de parler du massacre, et de leur donner de la visibilité.

Comme aimait répéter Mehmet Tunç, « Cette lutte est une lutte de longue durée. Elle n’a pas commencé hier, elle ne se terminera pas aujourd’hui. ».

Je porte aujourd’hui en moi une part de chacun, un souvenir particulier, une posture personnelle.

Entretien autour du TAK

iste-tak-gercegiVoici la traduction rapide d’un entretien paru sur le site Nerinaazad et réalisé par un membre du TAK, « Teyrê Bazên Azadiya Kurdistan » (« Faucons de la liberté au Kurdistan »), groupe qui a revendiqué l’action d’Ankara [28 militaires turcs tués dans le centre politique de la capitale]. Traduction de Kedistan.fr.

Voilà la réalité du TAK !

L’interlocuteur commence en disant : « L’explosion d’Ankara est non seulement enregistrée dans l’histoire comme l’attaque la plus rapidement élucidée, mais elle mérite aussi d’entrer dans les records du Guiness. L’identité de l’assaillant a été précisée à une vitesse étonnante et annoncé pendant que la censure sur l’événement était encore en cours, même la photo d’identité a été publiée. L’Etat et le gouvernement qui voulaient utiliser un tel événement à leur avantage, ont voulu en tirer profit , en publiant la photo d’un réfugié. »

Je voulais en savoir plus sur le TAK qui avait revendiqué l’attaque au mortier de l’aéroport Sabiha Göçen. Nous avons engagé un travail d’équipe, pour trouver des réponses à des questions telles que, qui sont-ils, combien sont-ils, quels sont leur objectifs, à qui obéissent-ils ? Malgré les deux rendez-vous que nous avons obtenu avec deux personnes faisant partie des dirigeants du TAK, les rencontres n’ont pas pu avoir lieue.

A la fin, nous avons réussi à obtenir un entretien avec une personne qui connait très bien l’organisation TAK. Cette rencontre, que nous avons pu réaliser après l’explosion d’Ankara, a apporté des réponses à des questions qui nous préoccupaient. La phrase en préambule appartient donc à cette personne.


Il répond à notre question « De qui est composé le TAK ? » en disant : « Un groupe composé des personnes qui sortent du PKK, qui ont séparé leur chemin du PKK. »

En quelque sorte, c’est une formulation d’un « Real PKK », comme « Real IRA » ou « Real ETA ».

Alors, à qui le TAK obéit-il ?

Ils n’ont aucun lien avec le PKK. Ils voient le PKK comme le représentant du mouvement de libération kurde, mais ils n’ont aucun lien. Ils acceptent Öcalan comme leur leader, mais ils peuvent écouter seul Öcalan, comme leader spirituel.

Quels sont les différences entre eux et le PKK ?

Le TAK dit que l’Etat n’apporterait pas la solution dans ces conditions. Le PKK continue le combat dans son registre. Il ne porte pas la guerre dans les villes turques, il ne veut pas faire des actions radicales. Ils disent qu’il faut parler avec l’Etat, en utilisant le langage qu’il utilise, et aller vers lui avec ses propres méthodes.

Comme l’explosion d’Ankara ?

Oui. L’Etat à mis en mille morceaux d’abord 32 jeunes à Suruç [NDLR : le vrai chiffre est 33] ensuite, 102 participants à la manifestation pour la Paix à Ankara. Maintenant dans des endroits comme Cizre, Sur, Nusaybin, Kerboran, Silvan, Idil, il bloque les Kurdes dans des sous-sols et les brûle vivants avec des [armes] chimiques. Le TAK s’est donné le devoir de répondre à tout cela et c’est ce qu’il fait.

Le TAK se considère-t-il comme l’ange protecteur des Kurdes ?

Le TAK se considère comme de l’eau qui éteint les braises qu’on a mis sur le coeur des Kurdes.

Revenons alors à l’explosion d’Ankara. Est-ce une réponse à ce que les forces de l’Etat ont fait dans les villes que vous venez de précisez ?

Le soir du 17 février 2016 à 18h30, une action de « fedai » [celui qui se sacrifie], de vengeance contre le convoi de l’armée a été réalisée dans la rue Merasim. Des dizaines de militaires turcs ont été tués. Ce genre d’action est réalisé par des combattants qui font partie de la « brigade des immortels » que le TAK a mis en place en interne.

Les membres de cette « brigade des immortels » sont-ils des combattants kamikazes ?

Toute la composition du TAK possède la qualité et la conviction pour faire ce type d’actions. Une des plus grandes différences d’avec le PKK, est le fait que tous ses membres sont prêts à réaliser ce genre d’actions. Les membres du PKK peuvent également réaliser ce genre d’actions sans aucun doute, avec volonté et conviction, mais le PKK n’adopte pas cette méthode.

Pourquoi ?

Le PKK est à la fois, la force politique et la force militaire du peuple kurde. C’est une force qui respecte les règles de la guerre, qui cherche des voies pour la paix, qui souhaite que cette guerre se termine grâce à une solution politique et qui se soumet au Droit International. Sans aucun doute, le PKK a grand pouvoir et force, des milliers de guérillas pour faire ce type d’actions, mais le PKK est une organisation qui a des relations internationales, et qui calcule les pertes et profits de chaque action qu’il fait. Le TAK n’a pas ce genre de soucis et de responsabilité.

Le fait de réaliser une action importante au coeur d’Ankara a-t-il un sens ?

Bien sûr. Même si c’est un endroit où on peut faire difficilement des actions. Le TAK a passé le message, aucun endroit n’est sécurisé pour vous, nous possédons les forces militantes et les équipements pour faire des actions, où nous voulons, quand nous voulons.

Est-ce donc, la raison pour avoir réalisé une explosion, au milieu des sièges des institutions d’Etat et de l’Etat Major ?

L’action a été réalisée par le militant de TAK nommé Zınar Raperin (Abdülbaki Sönmez), avec l’explosion d’un véhicule chargé d’explosifs. Au moment où c’était voulu et de la façon dont c’était voulu. Bien sur, le choix des lieux comme zone d’action n’est pas un hasard. La raison de ce choix de lieu qui est l’endroit le plus protégé et difficile, est la vengeance des civils blessés, sans défense, brutalement massacrés dans les sous-sol de Cizre. La zone où se trouvent ceux qui ont donné l’ordre de brûler ces personnes a été choisie intentionnellement. Certains réagissent contre cette action, et disent qu’il y avait du personnel civil dans ces véhicules. Ceci n’est pas vrai. Toutes les personnes qui travaillent dans ces endroits, même si certaines sont en civil, travaillent dans le centre mère de l’armée turque. Le fait que des enfants soient morts ou blessés est bien sûr triste, mais les responsables de cela sont ceux qui ont sonné l’ordre de brûler les kurdes blessés. Erdoğan et AKP qui ne reconnaissent aucune règle de guerre, qui dévastent les villes, doivent savoir que ce feu les brûlera eux mêmes.

Pour une action de cette envergure, ne fallait-il pas faire des reconnaissances, des renseignements ?

Bien sûr. Comme je disais, le TAK est une structure complètement professionnelle. Il est composé de personnes courageuses qui ont déjà eu une vie de guérilla, et beaucoup d’expérience antérieure dans le PKK. Des travaux de renseignements, jusqu’à la précision des temps des feux de route, la vitesse de circulation des véhicules de transport, tout était calculé. Désormais, l’Etat turc, ne devrait plus prendre les kurdes à l’armée [service militaire obligatoire]. Tu vas tuer les familles, les brûler dans des sous-sols et tu vas me faire faire le service militaire… Il ne faut pas entrer dans les détails ici. On dit que le véhicule utilisé pour l’explosion a fait des milliers de kilomètres. Ils disent, pour ce véhicule d’occasion, que les milliers de kilomètres ont été faits par les membres du TAK. Ils ont transformé l’événement en une comédie. S’ils insistent à prétendre que l’action a été réalisée par le YPG [la thèse avancée aussitôt par le gouvernement], tous les détails de l’événement seront mis à jour. Même les enregistrements de caméra des reconnaissances seront publiés sur les réseaux sociaux.

Abdülbaki Sönmez qui a fait l’action, était-il un des dirigeants ?

Non. Il n’était pas un dirigeant mais une personne aimée et respectée dans le TAK. Il est né en 1989, à Gürpınar, commune de Van. Entre 2005 et 2011 il a fait partie du PKK, ensuite en 2011 il a quitté le PKK avec d’autres camarades et a rejoint les rangs du TAK.

Quelle est la raison de sa rupture ?

Il a quitté le PKK, parce qu’il pensait que celui ci ne portait pas la guerre vers les villes de la Turquie et qu’il ne répondait pas, en usant le même langage que l’Etat.

L’Etat dit que l’attaque d’Ankara a été commise par le YPG

l’Etat turc ne supporte pas le Kurdistan de Rojava. Le PYD tend toujours la main vers la Turquie. Il a dit de nombreuses fois à la Turquie, nous ne sommes pas contre vous politiquement, nous n’avons pas de problème avec vous. Est-il possible que le YPG et le PYD qui disent ceci, viennent faire une action au centre d’Ankara, la capitale de la Turquie ? Dans les dernières semaines, la Turquie bombarde les zones du YPG. Pourquoi un membre du PYD, de YPG ferait une action de ce genre, dans une période où la Turquie cherche des prétextes ? L’accusation de la Turquie, le PYD, est la continuité de la politique qu’elle mène depuis un mois, une guerre psychologique. Elle veut appuyer les thèmes qu’elle a avancé jusqu’aujourd’hui, et les prétextes d’attaques qu’elle mènerait contre le PYD. C’est une pièce de l’opération psychologique par laquelle elle veut mettre les Etats-Unis et l’Europe en face du YPG. Pourquoi le YPG ferait une action, alors que nous existons. Les positions du YPG sont bombardés depuis une semaine. Il [l’Etat, ou Erdogan] essaye de prétexter cela [l’attaque] mais c’est idiot, dans le désespoir, ils se ridiculisent. Le TAK a fait cette action et il l’a revendiquée. Il a déclaré l’identité de son militant qui l’a fait. Que vont-t-il dire au monde, maintenant, nous attendons pour voir.

L’action de l’aéroport de Sabiha Gökçen a été aussi revendiquée par le TAK. Quel était la raison.

L’attaque au mortier effectué à l’aéroport de Sabiha Gökçen le 23 décembre 2015, a été revendiquée par le TAK, Teyrê Bazên Azadiya Kurdistan.
Cette action, a été faite pour répondre aux attaques fascistes qui ont transformé les villes kurdes en ruines. Des dégâts ont été effectués à l’aéroport et 5 avions ont été lourdement endommagés. Les médias alliés à l’AKP ont transformé consciemment les résultats de l’action afin de montrer au monde que leur espace aérien était sécurisé. Cette attaque au mortier a été également le début d’une nouvelle période d’actions. Il était le premier message pour dire que la dictature fasciste de l’AKP qui ne respecte aucune règle morale, et leur collaborateurs, ne pourront pas vivre tranquillement dans leur propre villes.

Quel est l’objectif du TAK, que veut-il ?

Le TAK n’a pas jugé que les efforts infiniment dévoués et les initiatives de résolutions du problème kurde avec des méthodes pacifiques et démocratiques, que le leader Öcalan a menées, avaient aboutis. Les politiques de destruction, et de négation, de l’Etat, et son approche niant le problème [kurde] perdurent. La méthode de l’Etat, pour traiter le problème kurde, « imposer une reddition » et sa conception « le meilleur Kurde est le Kurde mort » perdurent. Le TAK, s’intéresse seulement à des ouvertures tournées vers l’arrêt des politiques de destruction et de négation envers le peuple kurde, ainsi que la prise comme interlocuteur du leader et sa mise en liberté. Il [le TAK] trouve que le combat que le KCK mène en prenant en compte les équilibres politiques, est insuffisant et le critique. Il invite le KCK à un combat plus actif.

Le PKK fait aussi des actions en continu…

Le TAK est une organisation née des conditions laissées au peuple kurde et son leader.
Des guérillas qui ont fait partie du PKK, et qui ont lutté contre l’Etat pendant une période, mais [ensuite] ont quitté l’organisation, ont construit le TAK, car ils trouvaient faibles, les méthodes du KCK, avec leur nom de l’époque, HPG et Hongra-Gel. Dans la lutte menée contre l’Etat turc, en prenant en compte les équilibres politiques, son approche et ses efforts de résolution [du KCK] n’ont pas abouti à la réconciliation mais à l’oppression et la destruction.

C’est à dire que le TAK, ne prend d’ordre de nulle part ?

Le TAK en tant qu’organisation, n’est lié à personne. En tant que structure il est une force « fedai ». Il a la volonté et la force pour réaliser toutes sortes d’actions. Pour cela, il possède la formation et l’équipement technique nécessaire. Le TAK est un mouvement de cadres, et non un mouvement colossal populaire comme l’est le PKK. Il se concentre sur ce type d’actions et les réalise. Le PKK et actif et combat dans toutes les parties du Kurdistan. Le TAK n’a pas ces soucis. Il n’a pas de calcul, son seul objectif, c’est d’atteindre l’ennemi. Le TAK ne se soucie pas de qui dira quoi. S’il verse de l’eau sur le coeur du peuple kurde, cela lui suffit.

Les actions du TAK iront jusqu’où ? Y a-t-il une période définie ?

Tant que le terrorisme d’Etat ne cesse pas, les cibles prioritaires du TAK sont la bureaucratie militaire, l’économie et le tourisme.

Partout en Turquie les bombes exploseront, il y aura des attentats, et des sabotages, des incendies seront réalisés partout. Aucune règle ne sera respectée. Quand ils [les membres du TAK] se dirigent vers leur cibles, ils avancent avec le sentiment de vengeance. Il se focalisent sur la cible et détruisent. C’est peut être la première fois que l’Etat turc est face à une telle organisation.

Combien de militants possède le TAK ?

Chaque jour qui passe leur nombre augmente. Il y a des participation en provenance du HPG et d’autres horizons. Ils visent à élargir leur rangs. Le TAK est la force de défense et d’attaque du peuple kurde. Il est la preuve même du fait que le peuple kurde n’est pas seul.

Le TAK se compare-t-il avec l’ETA ou l’IRA ?

Non. On peut comparer ces organisations, peut être avec le PKK. Le groupe qui se nomme le TAK et qui a déclaré son existence en 2004, s’était fait connaitre avec les explosions à Çeşme et Kuşadası. le TAK est un mouvement de « fedai » organisés par petits groupes. Le représentant du peuple kurde est le PKK et Öcalan. Le TAK est le renvoi vers l’endroit d’où viennent les violences faites au peuple kurde, avec le même langage. Le TAK, comme j’ai dit précédemment, est l’eau qui éteint les braises mises en feu dans le coeur du peuple kurde.

Alors, le TAK se voit comme la force de frappe des Kurdes ?

L’Etat a mis en place contre le peuple kurde, des organisations telles que JITEM [Service de renseignements et antiterrorisme de la gendarmerie], PÖH [Police spéciale d’intervention], TIT [Brigade de vengeance turque]. Si la Turquie a le TIT et le JITEM, les kurdes ont le TAK. Si toutes les actions sont le droit de ces unités afin qu’ils atteignent leurs objectifs, c’est autant le droit du TAK. Les nouveaux membres du TAK sont constitués plutôt de jeunes. Ils sont tous formé par le cadre dirigeant. Tous les militants sont entraînes dans des villes, et élaborent des stratégies d’actions. Chaque « fedai » a des tâches et des compétences spécifiques. Certains reçoivent une formation professionnelle sur des attentats, d’autres sur les explosifs et mécanismes. Le TAK qui a des membres dans plusieurs villes du Kurdistan, privilégie en priorité les villes turques. Ils sont positionnés plus intensément dans des villes comme İzmir, İstanbul, Antalya, Aydın, Mersin, Adana.

Si le KCK fait un appel au TAK, pour dire arrêtez ces actions, le TAK le suivra-t-il ?

Non. Il y a eu ce type d’appel. Par exemple après l’action de Taksim, il a fait un appel, et une critique, mais le TAK n’a pas suivi et ne suivra pas. Le TAK ne veut pas que le PKK pose les armes, mais dans le cas où il le ferait, le TAK continuera ses activités et actions. Le TAK restera comme une force active jusqu’à la résolution du problème kurde. Le TAK critique de temps à autre le PKK. 

Après la revendication d’une attaque à Taksim par le TAK, un dirigent de PKK à qui on avait demandé « qui sont-ils ? » avait répondu ceci :

« Le fait que certains membres du TAK soit nos anciens membres est vrai. Mais il critiquaient nos politiques. Ils nous considéraient trop doux et passifs. Ils exprimaient qu’ils étaient pour l’escalade de la lutte armée. Ensuite ils ont séparé leur chemins. Mais ils acceptent, eux aussi, Öcalan comme leader. Après l’arrestation d’Öcalan, nous avons eu des problèmes et ennuis en interne. Certains camarades disaient « Le leader a cessé le feu, mais l’Etat, non seulement n’a rien compris, mais en plus a élaboré des complots contre lui ». Certains camarades critiques se sont regroupés. Ces équipes se sont rapidement polarisées et en se détachant de nous, ont construit leur propre organisation. »

TAK, est-il d’accord avec cette version ?

Oui, le TAK dit la même chose. le TAK critique le PKK de temps en temps, et le PKK le TAK.

La thèse qui dit le le TAK est la branche urbaine du PKK, est-elle vraie ?

Absolument pas. C’est du fait que plusieurs membres du TAK sont venus en se détachant du PKK qu’on fait ce genre d’interprétations. Il n’y a aucune relation entre les deux. Le TAK est lié seulement à Öcalan et lui est fidèle.

Le TAK n’affaiblit pas la force de négociation du PKK ? Si l’Etat leur dit « Même si on se met d’accord avec vous, qu’allons faire des organisations sans contrôle comme le TAK ? »

Le TAK dit que l’Etat ne se mettra pas à parler solutions dans ces conditions. Mais si le côté turc fait des pas fiables pour la résolution, il n’y aura plus de problème. Par conséquent il n’y aura plus d’actions. Mais tant que la politique de massacres de l’Etat contre le peuple kurde perdure, le TAK leur donnera la réponse nécessaire. Il est possible d’affirmer ceci : désormais le TAK fera des actions, plus importantes et plus bruyantes.

Des pansements contre les hémorragies pour les combattantes et combattants du Rojava

de23b704-f8ba-40fc-bae3-1eb05436cc83Nous relayons la campagne des copains copine du local l’Insoumise (Lille).

Qu’est ce que le Rojava ?

Le Kurdistan est la zone de peuplement kurde écartelée principalement entre quatre pays (Turquie, Iran, Irak, et Syrie). Le Rojava, littéralement Kurdistan « de l’Ouest », est la partie du Kurdistan qui s’est retrouvée en Syrie après qu’aient été redessinées les frontières de la région, entre autre par la France, en 1923, suite à la Première Guerre mondiale et à la chute de l’empire Ottoman. Constitué de trois cantons (Afrin, Kobané et Cizîrê), le Rojava est un territoire qui est désormais en grande partie auto-administré et défendu par les Unités de protection du peuple, les YPG (mixtes), et les Unités de protection des femmes, les YPJ, composées uniquement de femmes. C’est un territoire coincé entre les zones contrôlées par l’État Islamique (EI) et la frontière turque.

Si les unités kurdes s’organisent depuis des années, c’est durant l’été 2014 que les populations du Rojava se sont très massivement mobilisées pour repousser l’offensive lancée sur la ville de Kobané par l’État islamique. Ce soulèvement, d’abord pour repousser le fascisme patriarcal de l’EI, le front al-Nosra et l’armée de Bachar Al-Assad, s’est montré vecteur d’un processus révolutionnaire extrêmement intéressant et porteur d’espoir pour la région et au-delà. De plus la place qu’ont pris les femmes au sein de ce processus est déjà, comme elles le définissent elles-mêmes, une révolution dans la révolution.

 

Les YPG/YPJ infligent à l’État islamique ses plus grandes défaites côté syrien. Mais de nombreux-ses combattant-e-s du Rojava le payent de leur vie.

 

 

Cette guerre nous concerne :

L’État islamique, financé par l’Arabie Saoudite et le Qatar –tous deux très liés aux pays occidentaux notamment via les ventes de pétrole et d’armes, en particulier françaises–, dispose d’un matériel militaire des plus modernes alors que les révolutionnaires du Rojava manquent de tout (matériel militaire, médical, équipement, nourriture, etc.).

Et rappelons que le principal appui de l’EI reste indiscutablement la Turquie, membre de l’OTAN et allié historique des États-Unis. La Turquie vient tout juste de recevoir trois milliards d’euros de l’Union Européenne pour bloquer et interner dans des camps les milliers de réfugiés syriens qui fuient la guerre et les zones contrôlées par l’EI, afin que ceux-ci ne puissent rejoindre l’Europe. Et pour ne pas froisser l’allié turc, l’Europe passe sous silence les récents massacres commis par l’armée turque au Kurdistan. Alors qu’elle s’est révélée être un appui majeur de l’EI, la Turquie vient de recevoir de l’UE une invitation à reposer sa candidature d’adhésion pour une entrée au sein de l’Europe.

Dans ces arrangements entre Etats pour limiter les migrations se sont finalement les kurdes (pire ennemi de l’État islamique) qui en payent le prix fort. Ce qui amène certains commentateurs a affirmer que ces 3 milliards d’euros sont indirectement un chèque de l’union européenne à l’État islamique.

 

Comment la Turquie soutient l’EI ?

En bombardant les positions kurdes en Turquie ainsi que celles des YPG/YPJ en Syrie qui sont les plus à même de résister et de reprendre du terrain à l’EI. En laissant passer un incessant ballet de camions-citernes remplis du pétrole de l’EI destiné à être vendu sur le « marché noir » turc, ainsi que du phosphate, des céréales, du coton, etc. ; en permettant aux combattants de l’EI de se soigner dans les hôpitaux turcs avant de repartir au combat ; en fournissant de l’armement lourd et des combattants à l’EI.

 

La Turquie ferme la frontière aux combattant-e-s kurdes de Turquie qui souhaitent rejoindre les zones défendues par les YPG/YPJ. Et si les combattantes et combattants YPG/YPJ manquent de matériel, c’est aussi parce que la Turquie essaie d’empêcher tout ravitaillement, que ce soit d’armement ou de matériel de première nécessité comme du matériel médical.

 

Alors que faire ?

Des brigades internationales se sont formées sur le modèle des brigades internationales qui combattaient le fascisme espagnol en 1936. Ce sont des brigades mixtes qui accueillent des hommes et des femmes.

 

Le Secours rouge de Bruxelles avec d’autres organisations ont lancé une campagne de soutien à ces brigades internationales en lançant une souscription pour leur envoyer des pansements hémostatiques : http://www.secoursrouge.org/article11199

 

Nous lançons ici, depuis Lille, une « campagne soeur » pour collecter les fonds nécessaires à l’achat de 250 pansements hémostatiques que nous ferons parvenir aux YPG/YPJ.

Tous les frais de cette campagne (impression des affiches, coûts de fonctionnement Leetchi, etc.) sont pris en charge par les organisateurs : chaque euro récolté ira au Rojava !

 

Pourquoi des pansements hémostatiques ?

Aucune aide internationale n’est apportée au Rojava et 60 % des blessés par balle meurent d’hémorragie en attendant d’être pris en charge. Les pansements hémostatiques accélèrent la coagulation du sang et permettent de stopper rapidement une hémorragie. Et donc de sauver les vies de blessés.

 

Chaque pansement coûte 40€ et c’est un matériel de guerre difficile à trouver depuis le Kurdistan. Nous achèterons donc les pansements en France et les enverrons directement aux YPG et YPJ.

 

Une somme de 10 000€ permettrait de financer l’achat de 250 pansements hémostatiques.

 

Exemple de pansement hémostatique : Le Quickclot

 

Le quickclot utilise de la zéolite, un cristal microporeux qui absorbe la composante liquide du sang, ce qui accélère fortement la coagulation (3 fois plus rapide que la normale). On peut le trouver aussi sous forme de poudre à déposer directement sur la plaie, générant une certaine chaleur, pour stopper le saignement.

Il existe aussi d’autres marques de pansements hémostatiques. Notre choix se fera en fonction de ce qui est le mieux adpaté pour les combattantes et combattants sur place.

 

Notre démarche

L’Insoumise est un espace autonome à Lille, occupé depuis 2012. Il s’y trouve une bibliothèque et une librairie, ainsi que des organisations d ‘événements : rencontres, débats, projections… Organisé de manière autogérée, notre but est d’amener des réflexions pour un changement radical de société. Parmi les nombreuses discussions que nous avons pu avoir, nous avons trouvé particulièrement inspirantes celles sur le Kurdistan et en particulier le processus révolutionnaire en cours au Rojava qui affirme des positions anti-nationalistes, assembléistes, égalitaires et dans lequel les femmes prennent une place inédite.

Après avoir accueilli de nombreux invité-e-s, organisé des discussions et des projections, et face à l’horreur du fascisme patriarcal de l’EI, le collectif de l’Insoumise a décidé de lancer ce projet de soutien pour le Rojava.

Plus d’informations sur l’Insoumise : http://www.linsoumiselille.net/

 

Vous n’avez pas de carte bleue ou vous voulez donner par chèque ou en espèces ?

Ecrivez-nous sur cette adresse linsoumiselille@riseup.net ou venez nous voir aux permanences du samedi entre 15h et 19h au 10, rue d’Arras à Lille.