La Commune de Paris, qui constitue l’une des expériences d’autogestion peut-être les plus importantes dans l’histoire de l’Europe – avec sa résistance qui dura 72 jours – reste inscrite dans l’histoire comme l’une des plus grandes célébrations de la liberté du XIXème siècle, et continue encore aujourd’hui, à inspirer et enthousiasmer l’humanité en tant qu’expérience de vie sans État.
La résistance de Sur [NdT : quartier d’Amed, capitale du Kurdistan du Nord], avec ses barricades, ses chants révolutionnaires, les zılgıt des femmes [NdT : exclamations de rage et de souffrance des femmes kurdes], le battement des ailes des colombes de la liberté, prolonge au XXIème siècle l’esprit de la Commune de Paris qui s’est déroulée au XIXème siècle. Sur résiste depuis 72 jours [NdT : 80 jours au 19 février] et salue Paris.
Alors que l’état de siège, un « couvre-feu » selon l’Etat, qui dure depuis le 2 décembre 2015 dans le district de Sur à Diyarbakır, il est devenu l’un des plus longs sièges de ville de l’histoire. La résistance dont les murailles de Diyarbakır sont témoins, évoque de plus en plus certains exemples de résistances sociales de l’histoire mondiale.
Durant le siège de Kobanê, qui symbolise la Révolution du Rojava avec sa résistance qui dura 134 jours, on comparait déjà les villes de l’Union Soviétique résistant aux armées nazies allemandes durant la seconde guerre mondiale. Concernant la résistance de Sur qui dure depuis 72 jours [NdT : 80 jours au 19 février], de nombreuses analogies ont été faites avec des résistances urbaines, de la résistance contre le fascisme de la ville de Toledo en Espagne, avec la « contribution » du Premier Ministre Ahmet Davutoğlu [NdT : le premier Ministre turc avait déclaré vouloir faire de Sur une ville comme Toledo, voulant sans doute par là donner un exemple de restructuration urbaine pour attirer le tourisme, mais il en avait oublié que cette ville est la capitale de la région autonome de Castille et qu’elle avait été le théâtre d’une résistance au fascisme en 1936] à celle de la citadelle de Dımdım [Ndt : Kela Dimdime], l’une des plus grandes révoltes de l’histoire kurde.
La commune de Paris
La résistance de Sur salue l’une des plus grandes expérience révolutionnaires de l’histoire et des plus grandes célébrations de la liberté du XIXème siècle. La Commune de Paris, qui donna lieu à de nombreuses œuvres artistiques et littéraires, malgré qu’elle ne dura que 72 jours, a eut un impact sur toute l’histoire, car elle a montré que les utopies de liberté étaient réalisables.
De la défense de la ville au Conseil de la Commune
Durant la guerre entre la France et la Prusse qui fut déclarée en 1870 par Napoléon III. et qui se termina par l’occupation de Paris, des dizaines de milliers de volontaires Parisien-ne-s ont défendu la ville et ont résisté pendant des mois aux forces prussiennes lors de l’occupation de Paris.
Après la capitulation de Paris, le gouvernement républicain et la bourgeoisie française ont essayé de liquider ce mouvement qui avait acquis une assise sociale forte, par peur que cela ne fasse naître une alternative sociale. Cependant, l’esprit mutin et libertaire de Paris a commencé à résister contre le gouvernement de la même manière qu’il avait résisté contre la Prusse. Le 18 mars 1871, les révolutionnaires ont gagné la bataille entre le gouvernement et les forces révolutionnaires armées. La Commune de Paris fut déclarée officiellement le 28 mars.
Le premier Ministre Thiers avait vidé Paris, le gouvernement AKP retire aussi ses fonctionnaires de la ville
Le soulèvement de Paris s’est propagé à une telle vitesse que le Premier Ministre de la 3ème République, Adolphe Thiers, a donné l’ordre à tous les soldats, policiers et toutes sortes de dirigeants et d’experts de quitter Paris. Il a lui-même fuit à Versailles. De la même manière, aujourd’hui, le gouvernement AKP rappelle ses fonctionnaires et représentants comme, par exemple, les enseignant-e-s des villes du Kurdistan qui sont en résistance comme à Sur, Silopi, Cizre, İdil et Nusaybin.
La vie sans État derrière les barricades.
À Paris, des barricades avaient été dressées, dans toutes les rues de la ville et le Conseil de la Commune composé de 92 membres assurait l’administration de la ville. Les besoins essentiels de la ville, qui comptait 2 millions d’habitant-e-s, étaient assurés par une forme d’organisation proche de l’autogestion. Celle-ci reposait sur l’autogestion des quartiers. Par la suite Friedrich Engels parlera de la Commune comme d’une pratique éliminant l’État. Derrière les barricades et les tranchées, un nouveau système s’ébauchait, basé sur l’autogestion, le commun, et le partage.
Les résistant-e-s de Sur : Nous partageons tout ce que nous avons.
À Sur, qui est en tête des villes du Kurdistan dans lesquelles l’autonomie a été déclarée, malgré les lourdes attaques de l’État, une vie sociale basée sur l’entraide et la solidarité s’organise depuis les premiers jours de la résistance. Depuis des mois il n’y a plus l’État dans Sur, mais il y a un État qui attaque Sur avec toutes ses forces. Malgré le siège, la réponse des gens quant à la manière dont ils et elles résistent est la même depuis des mois : « Nous partageons tout ce que nous avons ! »
La Garde Nationale de la Commune de Paris et les Unités de Défense Civiles de Sur
Peu de temps après la proclamation de la Commune de Paris, le 2 avril, la ville essuie les attaques des forces gouvernementales. Après ce jour-là, la ville sera soumise à d’intenses bombardements. L’une des décisions les plus importantes de la courte expérience d’autogestion de la Commune de Paris a été la conclusion de mettre fin au service militaire obligatoire et d’organiser la Garde Nationale composée de volontaires de la ville, capables de se servir d’armes pour la défense de la cité.
À Sur, comme dans les autres villes en résistance du Kurdistan, des Unités de Défense Civiles (YPS) ont été formées : elles ne reposent pas sur une organisation militaire classique mais sur l’esprit d’autodéfense d’un peuple qui défend de manière volontaire sa propre rue, son quartier, sa ville, sa culture. Ces groupes, défendent non seulement le quartier de Sur avec le soutien de la population, et, dans le même temps, ils participent comme les autres voisin-e-s à trouver des solutions aux problèmes du quotidien.
À Paris, les bataillons de femmes, à Sur, les draps violets
Bien qu’elles n’avaient pas le droit de vote et malgré l’absence de femmes dans le Conseil de la Commune, les femmes ont joué un rôle actif dans la défense de la ville lors de la Commune de Paris. Les femmes qui étaient dans la Garde Républicaine avait créé un bataillon non mixte de femmes.
Comme la Révolution du Rojava, la Révolution pour l’autonomie au Kurdistan du Nord a aussi la particularité d’être par essence une révolution des femmes. À Sur aussi, les femmes résistent, et se sont fait connaître grâce aux draps violets tendus dans les ruelles pour se protéger des attaques de l’État. Elles ont, par la suite, rapidement déclaré leur organisation non mixte spécifique sous le nom de YPS-Jin (Unités de Défense Civile-Femmes).
Les ruelles étroites de la ville
Les forces du gouvernement versaillais essayaient de détruire les barricades des communard-e-s, mais elles n’y parvenaient pas tant le labyrinthe des ruelles rendaient la ville imprenable. Ces rues étroites avaient alors été détruites et transformées par l’armée en de larges boulevards.
À Sur, de la même manière, alors que toutes les forces armées présentes – des forces spéciales de la police, aux bérets bordeaux [NdT : corps spéciale de l’armée], jusqu’aux forces spéciales de la gendarmerie et aux commandos spéciaux de l’armée de terre – ne parviennent pas à rentrer dans les quartiers, elles essayent, avec leurs tirs d’obus, de tanks, en détruisant et brûlant des milliers de maisons d’élargir les ruelles étroites du quartier de Sur pour en faire des larges boulevards plus facilement contrôlables.
Dans ces attaques ce sont en même temps la mémoire de la ville, son identité, son âme, les édifices historiques, les lieux de croyance et de culture qui ont été pris pour cible de manière consciente.
Le gouvernement AKP ne s’est pas limité à cela, il a en plus mis à l’ordre du jour un projet pour « discipliner » Sur, et en faire une source de rente sous l’appellation de « restructuration urbaine » avec l’aide de TOKI [NdT : l’entreprise de BTP proche du pouvoir AKP].
Lorsque la dernière barricade est tombée…
Après une résistance qui dura des mois, Paris a subi l’occupation des troupes versaillaises. Le 21 mai, les forces versaillaises commencent à rentrer dans la ville par une brèche dans le rempart ouest, et brisent les forces de résistance en pilonnant intensément la ville, massacrant les citoyen-ne-s y compris celles et ceux non armé-e-s, et en procédant à des exécutions collectives sur les places. Après une résistance qui dura 72 jours, le 28 mai, la dernière barricade de la ville tombe. Immédiatement après, le gouvernement versaillais procède à un massacre de grande ampleur, exécutant près de 20 000 communard-e-s, et en emprisonnant et envoyant au bagne des milliers d’autres.
Sur poursuit sa résistance avec l’esprit de la Commune de Paris
Même si la rébellion s’est terminée par un grand massacre, la Commune de Paris, en tant que l’un des exemples les plus concrets de démocratie directe et locale a constitué une expérience exemplaire dans l’histoire du socialisme en même temps que de nourrir la soif de liberté de la société et de donner lieu a des centaines de livres, films, et recherches.
Sur, qui est devenu l’un des lieux de résistance les plus importants de la révolution pour l’autonomie au Kurdistan, perpétue au XXIème siècle, l’espoir de vivre libre qu’avait donné la Commune de Paris à l’humanité au XIXème siècle.
Sur résiste, avec ses barricades, ses chants révolutionnaires, les zılgıt des femmes, le battement des ailes des colombes de la liberté. Les forces de l’État qui n’arrivent pas à « faire tomber » Sur depuis des mois, malgré ses attaques intenses, ont maintenant commencé à menacer de bombarder par voie aérienne. Les forces aériennes contre les barricades, voilà la situation à Sur au 72ème jour [NdT : 80 jours au 19 février]…
Le 11 février 2016, DIHA News.