Le collectif Faïdos Sonore, réalisait en 2010 une série de quatre documentaires sonores autour de la question de l’eau au Kurdistan, de la politique turque de construction de grands barrages, et des oppositions et fortes luttes des populations kurdes menacées par ces projets. En 2015, rien n’est fini, les projets sont toujours là, et la lutte continue. Samedi 28 mars aura lieu 5 manifestations simultanées sur les lieux de 5 grands projets de barrages dans la région de Diyarbakır.
Ces documentaires permettront de se rafraîchir un peu la mémoire…
La bataille de l’eau est un enjeu majeur au Proche-Orient, notamment entre la Syrie, la Turquie et l’Irak. Deux fleuves principaux sont au centre de cette bataille : le Tigre et l’Euphrate. Dans cette région considérée par les historiens comme le berceau de la civilisation se côtoient des dispositifs d’exploitation des ressources naturelles d’échelle industrielle et des méthodes d’irrigation agricole ancestrale. Cause de conflits politiques, moyen de pressions inter-étatiques mais aussi ressource fondamentale pour la vie locale, l’eau cristallise des enjeux qui permettent de saisir les difficultés auxquelles peuvent être confrontées des populations rurales prises dans la course de la productivité.
Depuis la fin des années 80, la Turquie a entrepris une politique de construction de grands barrages lui permettant de s’orienter vers une gestion industrielle des ressources agricoles et énergétiques. L’objectif sous-tendu par le projet GAP est de proposer une nouvelle gestion du territoire à travers la création d’infrastructures et le développement de l’urbanisation d’une région éloignée du pouvoir central.
« Le projet GAP revêt des dimensions multiples : un enjeu stratégique pour l’aménagement du territoire (l’accompagnement comprend la construction de routes et d’autoroutes, d’aéroports, l’extension du réseau ferré…), et une dimension de politique intérieure évidente : c’est l’intégration d’une vaste partie du Kurdistan turc qui est aussi visée ».
Ainsi, sur le sud-est du plateau anatolien, 22 barrages ont été construits. Les effets directs de cette politique ont été ressentis par le peuple kurde installé dans la région. (expulsions et déplacements massifs, exode rural entraînant un phénomène de surpopulation à Diyarbakır) Les principaux mouvements sociaux du peuple kurde ont alors intégré cette lutte pour tenter de préserver leurs modes de vie face à la déferlante industrielle.
Premier épisode : Présentation générale de la politique des barrages au Kurdistan
Le premier se déroulera autour de Diyarbakır (Amed de son nom kurde) où doit se tenir un forum du DTP (principal parti kurde et lié au PKK, parti des travailleurs kurdes rentré dans une guérilla contre l’État turc depuis 1984) et d’organisations civiles kurdes début octobre 2009. Diyarbakır est la ville centrale du Kurdistan qui est à l’épicentre des dynamiques sous-tendant les mouvements sociaux kurdes. Elle est par sa situation toute appropriée pour une vision d’ensemble de la région du sud-est de l’Anatolie. Un historique de la politique de grands barrages en Turquie ainsi que de la lutte kurde sera réalisé. Ce premier épisode permettra d’aborder l’histoire des luttes kurdes liées à la construction des grands barrages. Cet épisode sera nourri de témoignages d’organisations telles que le DTP et le réseau des municipalités liées à ce parti qui sont nombreuses depuis les dernières élections de 2004. Des hydrologues, géologues et sociologues parleront des effets environnementaux et sociaux des barrages.
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Second épisode : La région de Dersim et la culture Alevi
La deuxième étape se déroulera dans la province de Dersim qui est plus proche du centre de la Turquie. Dans cette région, se trouve la vallée du Munsour où l’État Turc a aussi des projets de barrages qui ne sont pas encore tous construits. Cette province présente la particularité d’héberger une minorité, les alevi, considérés comme kurdes. Ces derniers se battent depuis le génocide de 1938 contre le centralisme turc pour préserver leur culture. (en terme de religion et d’organisation sociale très communautaire) Les barrages, aux nombres de 18 pour seulement deux vallées, peuvent-être considérés comme l’ultime étape d’élimination d’un peuple et de sa culture en noyant sa mémoire sous les eaux.
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Troisième épisode : La région de Batman et le barrage d’Ilisu
La troisième étape sera la ville de Hasankeyf qui se situe dans la vallée du Tigre près de la ville de Batman où l’État turc a un projet de grand barrage censé noyer la ville millénaire. En ce moment, le barrage n’a pas été encore construit et une résistance très forte existe dans cette région. Cette étape donnera l’occasion de se focaliser sur un lieu de lutte. Une victoire politique forte a été obtenue en mai 2009 puisque trois banques européennes se sont retirées du financement du projet sous les pressions. Nous pourrons nous intéresser à l’influence de ce barrage sur l’urbanisme, l’évolution démographique des villes avoisinantes, des situations socio-professionnelles des habitants et des mouvements migratoires internes. De plus, Batman, ville champignon qui a poussé en trente ans grâce à l’exploitation de puits de pétrole, présente la particularité d’avoir vécu une première vague d’émigration forcée due à la construction d’un barrage en 1995. Les villageois chassés de leurs anciens villages se sont alors retrouvés logés dans des quartiers isolés à la vie sociale totalement différente de celle qu’ils pouvaient connaître auparavant.
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Quatrième épisode : Hakkari, Sirnak et la frontière irakienne
Pour notre quatrième étape, nous nous rendrons finalement jusqu’à l’extrême sud-est de la Turquie, à Hakkari. Hakkari et Sirnak sont les deux-chefs lieux de province qui sont à l’épicentre du conflit kurde depuis le début des années 1980. Situées à plus de 1500 mètres d’altitude et tout près de la frontière avec l’Irak, ces deux villes représentent un enjeu stratégique certain dans la guerre menée par l’armée turque pour éradiquer la guérilla kurde, dont beaucoup de camps se situent dans les montagnes irakiennes. En 2006, l’état-major turc a annoncé la mise en œuvre d’un projet de construction de onze barrages, dont 4 seraient situés dans la province d’Hakkari et 7 dans celle de Sirnak. Aujourd’hui, les travaux ont commencé mais le gouvernement ne délivre aucune information les concernant. Des ingénieurs indépendants de la DSI, institution gouvernementale supervisant la construction et la gestion des barrages, ont dénoncé un projet bâclé. En effet, alors qu’une vingtaine d’années d’études sont nécessaires en moyenne pour établir un projet de construction de barrage de cette envergure, les autorités n’auront pris que 3 ans pour celui-ci. De plus, l’aspect énergétique des barrages n’a pas été au centre des préoccupations puisqu’aucune infrastructure permettant l’exploitation de l’eau dans un tel objectif n’a été pour l’instant prévue. Les lacs artificiels qui seront créés par les barrages formeront une ligne de démarcation infranchissable entre la frontière irakienne et les pôles d’habitation. Ainsi, il sera crée une nouvelle frontière parallèle à la frontière terrestre, permettant une maîtrise militaire accrue de la région. La gestion militaire de ces régions vont une nouvelle fois transformer l’habitat des populations locales, déjà meurtries par 25 ans d’occupation militaire.
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