JİNHA, DİHA et 13 médias fermés. Résistance et soutien !

jinha-agence-fermetureLe gouvernement turc a fermé par décrets n°675 et 676 promulgués le 29 octobre 2016, dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis la tentative de coup d’état du 15 juillet, 2 agences d’information, JİNHA et DİHA. En tout, 10 journaux et 3 magazines ont été fermés.

Selon le « Rapport d’observation des médias » de Bianet, concernant la période juillet, août, septembre, 107 journalistes, 10 distributeurs/trices ont été misEs en prison. 78 correspondants on été arrêtés, et dans le cadre de l’état d’urgence 775 cartes de presse et 49 passeports ont été supprimés. Près de 2500 journalistes et employéEs des médias fermés, ont tous perdu leur travail.

logos-agences-jinha-diha-fermesDİHA et JİNHA sont des agences que Kedistan, entre autres,  suit régulièrement et qui constituent de précieuses sources d’information. Leurs équipes sont régulièrement poursuivies, mises en garde à vue… Zera Dögan, actuellement en prison en attente de jugement, en est l’exemple vivant.

JİNHA, Jin Haber Ajansı (littéralement, “Agence d’Information Femme”) fondée le 8 mars 2012, a effectivement la particularité d’être la première agence d’information au monde dont toutes les contributrices sont des femmes.

L’agence a diffusé après la décision de fermeture un communiqué par lequel elle déclare sa détermination à continuer son travail et souligne encore une fois l’importance de sa ligne éditoriale.

JİNHA a commencé sa vie avec l’ambition légitime de “changer le langage des médias”. Elle a réussi non seulement à se faire une place, mais à s’imposer avec toutes ses contributrices, du journalisme de terrain, à l’édition, du technique au plus simple employé. JINHA se qualifie de “l’alternative à l’alternative”, et travaille sans concession sur ses principes, malgré les difficultés par rapport à son prisme et langage.

Les correspondantes de JİNHA suivent les événements aussi bien en Turquie qu’en Syrie, en Irak. L’agence tient une place importante pour avoir été la première à informer sur le fait que la Révolution qui se déroule à Rojava est un processus basé sur la femme. Les journalistes de l’agence sont souvent des cibles particulières aussi bien pour leur posture politique, que leur identité de femme.

En quelques exemples, Vildan Atmaca, correspondante de Van s’est fait arrêter pour “avoir publié la photo d’Arîn Mirkan”, une combattante YPJ de Kobanê. Après la libération de Vildan, cela a été le tour de Rojda Oğuz, toujours à Van. Beritan Canözer a été mise en garde-à-vue et mise en prison pour “être trop enthousiaste”. Et ce ne sont que des noms parmi d’autres. Parallèlement au travail de journalisme, une lutte en continu perdure pour défendre les collègues pour qu’elles puissent retrouver leur liberté et leur travail.

A Sinjar les correspondantes de JİNHA avaient suivi les batailles en prenant des risques. A Diyarbakır, dans le quartier Sur, Şehriban Aslan, a été blessée à la tête par une capsule de lacrymo lancée par la police. Suite à une congestion cérébrale elle est restée durant des mois en soins intensifs…
A Cizre, sous couvre-feu, les journalistes de JİNHA ont fait du “journalisme de Paix” en plein guerre, dans le coeur des quartiers sous le feu des mitrailleuses et canons. Zehra Doğan correspondante de Nusaybin, est actuellement en prison à Mardin en attendant sa première audience le 9 novembre. Vous pourrez trouver sur Kedistan, une campagne de cartes postales de soutien à Zehra et à ses amies, actuellement en cours.

JİNHA prend comme principe le fait que la perception du monde des femmes, doit être prise comme base pour un monde meilleur, en  informant dans une perspective féministe. De fait elle devient la voix des femmes, de celles dont les corps sans vie sont exposés dans les rues, celles qui subissent des tortures dans les prisons, celles qui s’auto-défendent, celles qui ne désemplissent pas les rues, celles qui luttent pour la nature en criant « C’est qui l’Etat? »… JİNHA est la voix de celles qui oeuvrent pour les luttes syndicalistes, les femmes et enfants qui subissent des agressions sexuelles, des femmes victimes de violences masculines, et aussi de celles qui s’en défendent, mais des LGBTI massacréEs, agresséEs, qui luttent pour leur fierté…

« JİNHA ne peut pas être muselée » dit le communiqué « Nous continuerons à écrire, sans nous soucier de ce que les hommes diront ».

JINHA est la voix des femmes !

Sur les réseaux sociaux, des soutiens pleuvent !

Feminizm Derneği : « Nous soutenons JİNHA qui déclare qu’elle va continuer à écrire. #JinhaYalnızDeğildir (JİNHA n’est pas seule) »

İstanbul Feminist Kolektif : « JİNHA était nous. »

Erktolia : « La première agence de femme au monde JİNHA a été fermée. #JİNHAsusturulamaz (JİNHA ne peut pas être muselée) #KadınlarınSesiSusturulamaz (La voix des femmes ne peut pas être empêchée) ».

Filmmor  (Festival de film de femmes) : « Virginia Woolf en 1929. JİNHA 2016. Depuis 100 ans, nous écrivons ‘sans nous soucier de ce que les hommes peuvent dire’ ! Si vous pensez que c’est possible de ‘fermer’, d’anéantir cela… »

Kadınların Kurtuluşu  :« JİNHA qui écrit ‘sans se soucier de ce que les hommes peuvent dire’ continuera à écrire grâce à la lutte de nous, les femmes. ‘Nous étions, nous sommes, nous serons ! »

Mor Çetele : « Une décision de décret a fermé JİNHA, une des voix des femmes. Vous n’allez pas pouvoir faire taire la voix des femmes ! »

Feminist Gündem : « #JİNHAnePeutPasEtreMuselée, car JİNHA fait résonner la voix de la rue, la voix des femmes. »

Filiz Kerestecioğlu (Juriste, féministe, députée HDP) : « JİNHA est la voix des femmes. Notre agence où travaillent les journalistes les plus jeunes et les plus talentueuses est unique au monde. Nous ne taisons jamais ! »

Pervin Buldan (Députée HDP, Vice-Président du Parlement) : « JİNHA ne se taira jamais. Les femmes résisteront s’approprieront JİNHA. #JİNHAsusturulamaz (JİNHA ne peut pas être muselée) »

Liste complète des médias fermés : Dicle Haber Ajansı (DİHA), Jin Haber Ajansı (JİNHA), Özgür Gündem Gazetesi (İstanbul), Azadiya Welat Gazetesi (Diyarbakır), Yüksekova Haber Gazetesi (Hakkari), Batman Çağdaş Gazetesi (Batman), Cizre Postası Gazetesi (Şırnak), İdil Haber Gazetesi (Şırnak), Güney Expres Gazetesi (Şırnak), Prestij Haber Gazetesi (Van), Urfanatik Gazetesi (Urfa), Kızıltepe’nin Sesi Gazetesi (Mardin), Tîroj Dergisi (İstanbul), Evrensel Kültür Dergisi (İstanbul), Özgürlük Dünyası Dergisi (İstanbul).

Repris de Kedistan.net.

Entretien avec une camarade partie au Rojava

Merhaba Hevalno s’est entretenu vers décembre 2015 avec une personne (européenne) qui nous avait contacté.es depuis le Rojava. Voici l’entretien enfin publié presque un an plus tard.

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Tu habites au Rojava depuis un an en tant que volontaire. Tu peux nous dire ce qui t’as poussée à t’y rendre ?

Je voulais voir si c’était une vraie révolution. La première fois que j’ai entendu parler de la cause kurde c’était pendant la résistance de Kobanê. À l’époque ça ne m’intéressait pas plus que ça, je pensais que c’était juste une guerre de plus et je ne me sentais pas vraiment concernée. Puis un pote m’a emmenée à une petite conférence à Londres qui s’intitulait Rojava ou la démocratie confédérale. David Graeberg et Zaher Baher y décrivaient ce peuple qui malgré l’encerclement et les attaques des fascistes de tous horizons, résistait et réussissait même à mettre en pratique des idéaux libertaires. Collectivisation des terres, création de leur propres institutions, décisions par assemblées locales, coopératives, etc.

Ce qui m’a le plus choquée c’était d’apprendre qu’ils pratiquent le système d’assemblée non pas à 30 ou 40 personnes, comme j’avais eu l’habitude de voir par chez nous, mais actuellement à la taille d’un pays de 3 millions de personnes. Comment ce système, dont j’ai déjà cru voir les limites à un niveau local, peut fonctionner à une telle échelle ? Et sans perdre de sa cohérence ?

L’autre chose c’était qu’ils disaient que les gens de Rojava poussaient chacun.e à être politisé.es. Non pas en prenant parti pour un parti politique, mais en participant au développement de leur localité et en se cultivant pour se former leur propre opinion. Cette info me faisait déjà tracer une perspective entre leurs ambitions et celle de nos politiciens et citoyens.

Bref, je me suis mise à chercher plus d’info. Internet, centres culturels kurdes, meetings, mais rien à faire, personne n’avait la moindre idée de ce qui se passait vraiment ici. ISIS, le front, la guerre, le sang, oui, ça j’ai vu, mais il n’y avait rien sur les mouvements sociaux, même le nom de Rojava ne sortait pas souvent. Même Graeberg, en fait, il avait eu un tour guidé du [parti] PYD pendant 10 jours et il était revenu fissa fissa dans son appart à Londres. Il avait fait un très bon travail de présentation, mais c’était sûrement pas un travail d’anthropologue. J’étais vexée, comment ça ce faisait qu’il y avait quelque chose d’aussi énorme, et que personne ne sache rien à ce sujet ? Ça ne semblait pas non plus affoler mes camarades anarchistes, ce qui m’exaspérait encore plus. Et puis je me suis demandée ce qu’on avait réalisé en tant que mouvement ces dernières années… sans trouver de réponse précise.

Rojava tel que je l’avais compris remettait en question non seulement la société dans laquelle on vit mais aussi notre implication dans celle-ci ou plutôt notre implication pour les idées qu’on défend. Je ne pouvais plus juste garder cette idée de révolution dans un coin de ma tête comme si c’était une belle photo des Caraïbes qu’on accrocherait au mur en pensant qu’on irait peut-être bien un jour mais sans jamais rien faire pour, de peur d’être désillusionnée par la réalité. Non, cette fois je voulais creuser plus loin, voir de mes propres yeux ce qui marche ou pas. Et puis si cette révolution était légitime, je pourrais apprendre et exporter ces savoirs.

Alors lorsqu’un ami est parti j’ai aussi décidé de prendre mon sac.

Je me souviens, 3 jours avant qu’il parte, nous avions vu la vidéo du pilote jordanien brûlé vivant par ISIS, et ça m’avait vraiment fait froid dans le dos. Même si j’avais pesé ma décision maintes et maintes fois, j’ai tout de même passé quelques nuits blanches avant de partir. Mais comme dirait l’autre, mieux vaut mourir debout, que vivre à genoux !

Quelles sont tes activités là-bas ?

Je réalise des vidéos sur la société civile dans Rojava que je publie sur Rojavaplan.com. Je passe l’essentiel de mon temps à apprendre le Kurmanji [langue kurde parlée au Rojava et au Bakur], à parler avec les gens, et à chercher à comprendre comment toutes les institutions et autres organismes s’organisent. J’ai rencontré majoritairement des Kurdes mais aussi des personnes de chacune des ethnies existantes au Jaziré : Assyrien.nes, Arménien.nes et Arabes.

Y a-t-il beaucoup de volontaires étranger.es ? Comment est-il possible de contribuer en tant qu’étranger.e (c’est-à-dire ne partageant ni culture ni langue communes) à la construction du mouvement populaire ?

Dans le YPG/J il y a pas mal d’étranger.e.s venant de toutes parts. Parmi eux, il y a peut être une dizaine de Français. Mais en ce qui concerne la société civile, il y a très peu de monde, et encore moins du monde qui reste sur du long terme. Il y a à peu près une dizaine d’Allemands, et à peine une poignée de gens du reste de l’Europe. Depuis un an que je suis ici, je n’ai pas vu un seul Français travailler dans la société civile. Ça me fait me poser beaucoup de questions sur nos mouvements et en particulier les mouvements anarchistes. Est-on trop blasé.es ? Est-ce une question d’ego ? Ou un manque d’empathie ? Peu importe ce que c’est, à la fin il n’y a pas d’excuse au laisser-aller général.

Ce qui me bouffe le plus c’est que Daesh, de l’autre côté, haï par bien la moitié de la planète, réussit tout de même à attirer dans ses rangs et dès leur première année, plus de 20.000 jihadistes venus du monde entier. La réaction des gouvernements des US et d’Europe a été pitoyablement hésitante pendant plus de 4 ans et est vraiment dépassée en terme de contre-propagande. Si on regarde attentivement, on peut voir par ailleurs, que Daesh nous prouve que des groupes indépendants et bien organisés, avec une bonne propagande sont actuellement capables de challenger bien plus que personne ne l’eut imaginé avant, l’autorité centrale étatique.

En tant qu’étranger ou que Kurde à l’étranger, il y a plusieurs choses que vous pouvez faire :

– traduire des textes, des films, du kurde à une langue étrangère et vice et versa. Maintenant il y a trop peu d’info à propos de Rojava en francais. Et il y a trop peu d’infos accessibles en kurde. Commencer par traduire des wiki francais/kurde, remplir la page sur Rojava, et en langue kurde à propos des révolution(…naires) de ce monde, et de toutes les connaissances spécifiques, économie, justice, écologie, biologie, média, etc.

– les groupes de solidarité féminine devraient vraiment pointer le bout de leur nez ici. Les femmes fortes de Rojava c’est pas un mythe et c’est pas qu’au front. Développer nos connaissances et nos liens avec des groupes comme Yeketiya Star est primordial pour le développement de n’importe quel mouvement.

– aider à la construction de réseaux kurdes en Europe, pour qu’ils soient à même d’aider financièrement et médiatiquement les projets d’ici.

– soyez créatives, faites de la musique franco-kurde, mixez leur folklore au rap ou à l’électro ; faites des concerts de soutien, des soirée débats, faites des graffs avec Rojava dans vos rues, partout, faites des fringues Rojava style. Il y a des tonnes de trucs à faire si on prend le temps d’y penser.

Et bien sûr venez voir par vous-même ce qu’il en est !

Es-tu en lien avec le mouvement des femmes ? Quelles sont leurs projets actuellement ? Est-ce que des femmes non-kurdes (arabes, assyriennes, etc.) se sont rapprochées de ce mouvement ?

Oui bien sûr, le mouvement des femmes ici est très puissant et présent à tous les niveaux des institutions de Rojava. La plus grande organisation féminine civile est Yeketiya Star. Ce groupe a été récemment renommé Kongreya Star. Cette organisation peut s’apparenter à celle du TevDem, avec en son sein plusieurs branches, chacune dédiée à un champ particulier. Elle va opérer dans autant de domaines que le TevDem, tels que la justice, l’économie, la santé, l’éducation, à la différence que toutes ces institutions sont exclusivement féminines. Par exemple au niveau de la justice, le Kongreya Star s’occupe de tous les problèmes qui touchent les femmes tel que la violence conjugale ou les meurtres d’honneur. Les femmes, ainsi que la communauté toute entière, ont opté pour un système de justice restaurateur qui commence par résoudre le plus de conflits possibles, via consensus des 2 parties concernées, au niveau local. Wokfa Jin est un centre de réhabilitation au niveau de la santé. Cette organisation développe aussi un projet de village réservé aux femmes et enfants. Pour l’instant il n’existe encore que sur le papier, mais je suis vraiment excité à l’idée de le voir se mettre en place car toutes les étapes de construction seront réalisées apparemment par des femmes et si ça se fait vraiment comme ça, ça sera [peut être?] une première dans le Moyen-Orient de voir des femmes construire des maisons de A à Z, faire les liaisons électriques, la mécanique des voitures, etc., ou même travailler dans les magasins car même si elles sont présentes dans les institutions, les rues restent majoritairement masculines. Aussi je n’ai vu que 2 fois des femmes (des guérilléras des YPJ) conduire une voiture, et jamais vu de femme sur une moto. Il y a donc encore un fort contraste entre les traditions paternalistes présentes dans la société, et l’émergence de mouvements féministes qui petit à petit redonne confiance et de l’indépendance aux femmes.

Ce sont principalement les femmes kurdes qui participent dans tous les organismes de la société. Même si les femmes syriennes et arabes n’y sont pas autant présentes, elles y prennent de plus en plus part. Par exemple il y a une faction des YPJ qui est composée de femmes chrétiennes exclusivement. Plus généralement il y a Sutoro, une police chrétienne qui collabore avec les Assayish (police) pour sécuriser la ville. Les deux co-président.es du canton de Jaziré sont une femme chrétienne et un homme kurde. Il y a aussi des efforts faits pour présenter et expliquer ce système aux populations arabes des zones nouvellement libérées par les YPG. Ceci dit, la participation des femmes arabes dans quelconque organisme civil reste très faible car souvent très freinée par leurs maris, une culture différente des femmes y participant déjà, et un manque d’intérêt envers la prise en charge des problèmes et besoins en dehors de la famille.

Même si il y a encore beaucoup de progrès à faire au niveau de la participation égale des ethnies, je vois qu’il y a déjà eu un développement énorme depuis 5 ans, et des efforts faits à cet encontre, donc j’ai bon espoir que la situation s’améliore à ce niveau là.

Peux-tu nous parler des communes (assemblées locales dans le quartier ou le village, desquelles émanent des commissions et des coopératives) ? Ont-elles une participation importante de la population ou restent-elles des espaces militants où seules les personnes les plus acharnées se retrouvent à porter tout le boulot d’organisation ?

Les communes (komun) sont présentes dans toutes les villes et villages du Rojava et dans le quartier Sheikh Maqsoud à Alep. Ce système n’est pas apparu de la dernière pluie, mais est plutôt le fruit des traditions familiales, tribales, et l’évolution du mouvement révolutionnaire kurde mené par Öcalan.

Il faut tout d’abord comprendre que la famille a un rôle très important dans cette société. Ici, à la différence de l’Europe, les gens ne vivent pas seul.es ou en coloc, il.les vivent dans je dirais 75 % des cas avec leur famille et autrement sur leur lieu de travail avec leurs collègues. Ici les familles sont grandes avec en moyenne 8 enfants. Donc souvent dans une maison il y a une ou 2 grand-mères, et la femme du frère ou la cousine avec leurs enfants. Car comme ça, les femmes s’entraident pour la garde des enfants. Bref, le style de vie communal a toujours été bien imprégné dans les mœurs d’ici et les réunions plus ou moins formelles où les ancien.nes ont un rôle de conseiller.es de village ou de quartier sont de longue tradition.

Le système des communes est donc plutôt une évolution démocratique qu’un système complètement nouveau. Il n’y a pas de chiffres officiels mais de ce que j’en perçois, à peu près la moitié de la population participe dans les communes et autres institutions de l’auto-administration.

Les communes ont pour but l’auto-gestion des ressources et la résolution des problèmes au niveau local. Une commune représente à peu près 400 personnes. Tout le monde peut y prendre part mais il n’y a jamais une participation de l’entière population. En moyenne sur 400 personnes, de 30 à 70 y vont régulièrement. Le lieu où ces communes se rencontrent s’appelle Komingeh (lieu de la commune). Chaque commune élit 2 co-président.es qui coordonnent le travail et les ressources selon leurs besoins. Ils représentent aussi la commune au niveau du quartier (11 communes) et rencontrent les co-président.es des autres communes toutes les semaines dans la maison du peuple ou Mala Gel.

Les personnes qui se réunissent à la Mala Gel élisent à leur tour 2 co-président.es qui les représentent au niveau de la ville et puis au niveau du canton. Au sein de chaque commune il y a plusieurs comités tel que le comité de la sécurité, de la santé, du consensus (justice), de l’écologie, de l’économie, de la municipalité etc… Ces comités se coordonnent de la même manière que la commune jusqu’au niveau du canton. Ils sont formés selon les personnes présentes, leurs intérêts, leurs connaissances et les besoins de la commune. La plupart des participants font partie d’un comité mais certaines personnes viennent aussi juste pour parler et voir ce qui se passe.

Au début de la révolution, les milices se sont formées pour sécuriser le territoire et les communes pour s’auto-gérer au niveau de l’approvisionnement en nourriture et de l’organisation des funérailles. Lorsqu’un YPG/J mourrait, il fallait rapatrier le corps, le nettoyer, avertir la famille, et organiser les funérailles. Au fur et à mesure, les gens ont formé un comité spécial pour ça qui s’appelle : Malbata Shahid (la famille des morts au combat). Aujourd’hui ce comité soutient aussi les familles des martyr.es qui ne peuvent pas subvenir seuls à leurs besoins.

Parallèlement à ce système de commune, il y a aussi Mala Jin (la maison des femmes) qui fonctionne de la même manière avec plusieurs comités et des co-présidentes qui les représentent jusqu’au niveau du canton, à la différence que ce sont des organisations exclusivement féminines.

Quelle est la situation économique (au sens premier) des gens au Rojava, alors que la guerre continue ? La production étant largement tournée à ravitailler les combattant.e.s qui défendent les territoires libérés du Rojava (et qui continuent à grignoter du terrain sur les forces islamistes), et la région étant soumise à un embargo, il semblerait que la production locale et la contrebande suffisent tout juste à fournir les besoins de base.

La situation économique est vraiment instable car les peu de choses qui se produisent au sein de Rojava, sont créées en petite quantité et donc à un prix plus élevé que ceux des produits provenant du Kurdistan d’Irak ou de Damas. Donc la plupart des magasins importent au lieu d’acheter local. À cause de ça l’embargo a un effet immédiat et dramatique sur toute la région. 80 % de la population est pauvre. Ceci dit, grâce à une forte solidarité au sein des membres d’une même famille, tout le monde peut couvrir ses besoins de bases, sauf les produits spécifiques comme le lait en poudre, la viande ou les Doliprane.

Puis, la destruction de bâtiments, de quartiers, voire de villes entières (à Kobanê, seuls quelques bâtiments restent debout) ne doit pas aider à la situation du logement. On se demande si tout le monde arrive à trouver un logement…

Depuis que je suis à Rojava je n’ai vu que cinq sans-abris. J’ai vu des gens pauvres ou vivant dans des camps pour réfugié.es mais sans maison je ne crois pas en avoir rencontré.

Comment y parle-t-on de l’avenir du reste de la Syrie ?

Il.les espèrent que la Fédération [du Rojava / nord de la Syrie] leur donne plus de considération et de statut au niveau international. Il.les espèrent avoir tou.tes enfin une carte d’identité. Les Apoïstes [de Apo, surnom de Öcalan] veulent voire le système du TevDem s’appliquer à toute la Syrie.

Merhaba Hevalno mensuel n°8 – octobre 2016

pkk-kaempferinBulletin mensuel d’actualités autour du Kurdistan. Octobre 2016.

Après le gros dossier sur l’(après)-coup d’état en Turquie dans le dernier numéro de Merhaba Hevalno, ce 8ème numéro est dédié en long et en large aux réfugié.es et aux politiques répressives envers différentes communautés traitées comme “minorités” indésirables, les Syrien.nes, les Kurdes et les Alévi.es.

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SOMMAIRE :

* Édito 
* Après les crimes, la volonté d’un peuple debout
* Femmes de Şirnak 
* Guerre déclarée à Sur 
* Fermeture des médias et « génocide politique »
* Une camarade partie au Rojava… 
* Naissance d’une minorité kurde en Irak 
* Communiqué des femmes du Rojhilat contre le sexisme 
* Nationalisme xénophobe contre les réfugié.e.s syrien.ne.s 
* Bayramtepe, l’eldorado perdu des Kurdes syriens 
* Politique anti-alévis en Turquie 
* Mednüçe : Eutelsat contre les médias kurdes 
* Poème de Adnan Yucel 
* Carte, glossaire & agenda
* Solidarité avec les prisonnières 
* Brèves

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