Main basse sur Sur

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Traduction d’un article de Hüseyin Ali, paru dans Özgur Gündem, le 25 décembre 2015.

L’État turc est en train de mener ses attaques génocidaires au Kurdistan. En attaquant physiquement le mouvement du peuple, il veut casser sa résistance, et développer un génocide culturel. Erdoğan dit chaque jour : « un peuple, une patrie, un pays, un drapeau. » Et l’Etat dit qu’une fois qu’ils auront cassé le mouvement kurde, ils vont faire plus de commissariat, ils vont mieux éduquer les enfants, ils vont les assimiler, et si besoin les enfants seront déplacés ailleurs en Turquie. Ils disent qu’ils mettront en place un système éducatif allant contre le peuple kurde.

L’AKP, jusqu’à ce jour, a assassiné des centaines de femmes, d’enfants, de jeunes, de vieux, et d’hommes, et sans honte retourne la faute sur ceux qu’il agresse. Avec ses tanks, avec ses obus, les forces spéciales détruisent tout, mettent les villes s’en dessus dessous. Femmes ou enfants, ils tuent sans distinctions. Ils bombardent les moquées, des monuments historiques. Ils font exploser les générateurs électriques et les citernes d’eaux. Et quand le peuple lutte contre ces attaques, ils se font traités de « vandales ».

L’Etat turc ne fait que mentir pour tromper les peuples de Turquie. C’est lui qui réprime, tue, et ensuite fait comme si c’était les kurdes qui se faisaient ça à eux-mêmes. Tous les jours, les sbires tuent entre 5 et 10 personnes, et ensuite disent « le PKK a encore tué des civils ». L’Etat turc trompe son peuple. Le gouvernement AKP, en premier lieu, et surtout Erdoğan, le chef fasciste, tournent tous leurs discours de manière à duper les peuples de Turquie.

Le peuple kurde lui sait réellement ce qu’il se passe, car il le vit et le voit. En ce moment la plus grosse opération est en train de se dérouler contre Sur. L’âme d’Amed, le quartier historique de Sur, est encerclé, et leur objectif est de faire disparaître ce lieu. La raison de cette manœuvre n’est pas seulement de casser le mouvement et la résistance du peuple de Sur et d’Amed, mais d’enlever l’âme de cette ville.

C’est comme dans les années 80, quand les responsables de la prison de Diyarbakır, 5 nolu, emprisonnant des sympathisants du PKK, ont tenté d’y creuser un cimetière pour y enterrer l’espoir du peuple kurde. Et aujourd’hui en mettant s’en dessus dessous Sur, leur envie est d’enterrer l’âme d’Amed. L’âme d’Amed brille par Sur, par l’histoire de Sur, par l’architecture de Sur, par la culture de Sur, par la vie que mène les gens les uns avec les autres, l’affection mutuelle qu’ils se portent. Et aujourd’hui en détruisant l’âme d’Amed, ça sera le plus grand génocide culturel du Kurdistan.

Tous les militants, et tous les kurdes doivent le voir. Pour ces raisons, il faut créer une barricade de résistance tout autour de Sur, car la résistance de Sur ne doit pas rester seule. La lutte de Sur est la résistance de toute l’histoire kurde et l’histoire de sa liberté. C’est la résistance de Şix Sait [leader de l’insurrection en 1921 à Dersim], la résistance des bagnes, la résistance de Vedat Aydin [président du partie HEP ancêtre du BDP, assassiné par l’État], la résistance de la semaine des héros/héroïnes de 2006, la résistance de Zekiye Alkan [résistante des années 1990, femme qui s’est immolée pour le newroz quand c’était encore interdit]. En incendiant, en détruisant Sur, ils veulent arracher les racines de ces résistances. C’est pour ça que Sur est un lieu stratégique et historique. C’est une réelle résistance de défendre l’architecture et le quartier de Sur. […]

L’Etat détruit Sur car l’objectif qu’il veut atteindre n’est pas seulement la destruction de l’histoire de ce lieu, mais tout Amed. Parce qu’à partir du moment où Sur sera détruit, la seule âme qui planera, sera la culture de l’exploitation, et du capitalisme. Parce que Sur donne son âme dans chaque quartier d’Amed, et dans chacune de ces communes. L’idée est de retirer le cœur et l’âme de la résistance pour affaiblir et anéantir toute la résistance du Kurdistan.
A chaque fois qu’un obus est jeté, qu’une balle est tirée, qu’une bombe est lancée, qu’une attaque est faites à Sur… C’est tout Amed et le Kurdistan qui sont visés. Ce qui se joue aujourd’hui est d’une importance historique. La résistance de Sur doit continuer et s’accroître.

Au moment même où la résistance est forte à Sur, l’Etat annonce : « les TOKI doivent rentrer dans Sur. Sur détruit doit être remplacé par des habitats plus modernes. » Si les TOKI [grands ensembles d’habitations construits par le bétonneur TOKI] rentrent dans Sur, l’âme historique de ce lieu disparaîtra en y mettant des blocs de béton sans sens et sans âme. Et d’autres vont se faire de l’argent sur le dos de cette culture quı, exploitée, sera vouée à disparaître. C’est pour cette raison aussi, qu’il s’agit d’un génocide lorsque l’Etat brule et détruit les maisons à Sur pour y faire couler du béton,.
Le peuple kurde doit défendre, comme il défendrait son pays, chaque maison qui se trouve à Sur.
Les TOKI ne peuvent pas rentrer dans Sur ! Il n’est pas question qu’un litre de béton ne soit couler dans Sur ! Ces TOKI auront, et ont pour objectif de viser le peuple kurde et le mouvement de libération. Tout le monde, dès aujourd’hui doit s’en rendre compte. Chaque recoin explosé, détruit par l’État, doit être refait comme avant avec l’aide du peuple et de la mairie. Défendre un lieu historique c’est aussi un bout de l’autonomie que nous recherchons. C’est une défense de territoire. Les kurdes ne regardent plus leurs monuments historiques comme un simple bout de pierre. Ils savent qu’ils ont une âme, une histoire, un présent et un avenir.

Pourquoi cette résistance se fait-elle à Sur ?

Parce que ce n’est pas seulement le temps présent qui résiste, mais bien aussi les luttes passées et la mémoıre culturelle de ces luttes. Tout le monde doit le savoir. La lutte qu’il y a aujourd’hui à Sur, contre l’occupation de l’État, contre le génocide culturel, ne s’arrêtera pas là. Une fois que l’État voudra faire couler du béton dans Sur, ils feront face à une nouvelle résistance.

Le peuple kurde et les habitants d’Amed nourrissent leurs cultures depuis des milliers d’années, et ne laisseront pas assassiner leur âme. Aucune personne ne pourra venir toucher Sur impunément, comme ils ont pu le faire ailleurs. Ceux et celles qui veulent la peau de Sur, l’histoire les frappera en plein visage, sa culture les foudroiera, l’âme de sa résistance les heurteront. Et si jamais ils essayent d’y mettre la main, ils se prendront une telle gifle, qu’ils ne comprendront pas ce qui leur arrive.

Les exécutions de civils et de manifestants se systématisent au Kurdistan

nusaybin_mb_4Fin décembre 2015. Alors que la « très démocratique » Union Européenne reprend ses discussions pour intégrer la Turquie à l’espace européen, l’Etat turc, fort de ce chèque en blanc, approfondit sa politique de terreur et d’élimination de celles et ceux qui expriment encore leurs désaccords.

Depuis six mois, la police a mis des milliers d’opposants – turcs et kurdes – en garde-à-vues et de centaines d’entre-eux ont atterris en taule. Les tabassages systématiques et tortures font à nouveau largement parties des pratiques policières selon de nombreux témoignages. Les journaux et sites internet d’opposition se font interdire et censurer : le site sendika.org, par exemple, en est à sa 7ème fermeture en quelques mois, tandis que la chaîne d’infos DIHA (Dicle Haber Ajansi) a déjà vu son site internet fermé 27 fois ! Environ 35 journalistes ont été mis en taule, souvent pour leurs accointances avec les fameux « terroristes kurdes ». Enfin, impossible d’oublier les massacres perpétrés par l’« Etat profond » turc (et ses collusions avec Daech) lors des attentats de Diyarbakır, Suruç et Ankara.

Mais cela ne semble plus suffire à l’Etat turc et au Sultan Erdoğan. Quelqu’en soit la raison – résistance du mouvement à la pression mise jusqu’alors qui agace le pouvoir, ou volonté délibérée et planifiée de mater le peuple –, la mode est depuis quelques semaines aux exécutions sommaires…

 

Cinq femmes exécutées à Istanbul

En cinq mois, cinq militantes et opposantes politiques ont été tuées chez elles lors de perquisitions. Les flics venaient pour les abattre. Point barre. Les deux dernières, Yeliz Erbay et Şirin Oter, militantes du MLKP ont été flinguées le 21 décembre. L’une d’elle au moins, d’après le rapport d’autopsie, est morte suite à de nombreux coups de feu dont plusieurs dans le vagin. De véritables porcs. Et un double assassinat : tuer la militante politique, et tuer la femme.

 

Escadrons de la mort en fin de manifestations

En seulement 15 jours, 8 jeunes manifestants ont été exécutés lors de manifestations à Diyarbakır. Et le rythme a tendance a s »intensifier : 2 ont été butés suite à la manif du 22 décembre et 3 autres suite à celle du 24 décembre. A chaque manifestation – interdite évidemment – les personnes rassemblées se font quasiment immédiatement et durement attaquées par les flics (gaz, flash-balls, canons à eau, arrestations, etc…) et les jeunes tentent de se défendre en balançant quelques pierres sans conséquences sur les blindés. C’est à ce moment-là, en fin de manifestation, les « escadrons de la mort » turcs – comment les appeler autrement ? – sortent de leurs 4×4 banalisés noirs, les fameux Ford Ranger que tout le monde reconnaît maintenant à Diyarbakır, et partent en quête de sang frais : loger une balle dans la tête de quelques jeunes manifestants en guise d’exemple. Les 3 jeunes exécutés le 24 décembre auraient en plus eu un traitement de faveur puisque leurs corps ont été retrouvés menottés : ils auraient été torturés avant de se faire abattre…

 

Des dizaines de civils exécutés à Silopi, Cizre, Nusaybin…

Le gouvernement turc se vante d’avoir déjà été tué plus de 150 « terroristes du pkk » depuis le début de sa grande « opération de nettoyage » qu’il a déclenché il y a un peu plus de 10 jours. Le chiffre est sans doute largement gonflé à des fins de propagande. Et on ne sait pas si l’Etat intègre dans son macabre décompte les dizaines de civils exécutés depuis le début de l’operasyon. Dans toutes les villes sous couvre-feux – Silopi, Cizre, Sur, Nusaybin, Kerkoban, Derik, etc… –, les 10 000 hommes des forces spéciales ne se contentent pas d’attaquer les YDG-H avec leurs tanks, ils choisissent consciemment d’attaquer les civils. De nombreux enfants, femmes et personnes âgées en ont déjà fait les frais. Voici, ci-dessous, une liste non exhaustive datant du 24 décembre, présentant un aperçu de l’étendue des exécutions :

CİZRE
1 16.12.2015 – HEDİYE ŞEN (femme, 30 ans)
2 17.12.2015 – DOĞAN ASLAN (homme, 32 ans)
3 18.12.2015 – İBRAHİM AKHAN (homme, 15 ans)
4 19.12.2015 – LÜTFÜ AKSOY (homme, 16 ans)
5 19.12.2015 – YILMAZ ERZ (homme, 42 ans)
6 19.12.2015 – SELAHATTİN BOZKURT (homme, 70 ans)
7 20.12.2015 – ZEYNEP YILMAZ (homme, 45 ans)
8 22.12.2015 – CAHİDE ÇIKAL (femme, 35 ans)
9 22.12.2015 – DOĞAN İŞÇİ (homme, 18 ans)
10 22.12.2015 – MEHMET TEKİN (homme, 25 ans)
11 22.12.2015 – MEHMET SAÇAN (homme, 38 ans)
12 22.12.2015 – AMİNE DUMAN (femme, 70 ans)
13 23.12.2015 – DİKRAN SAYACA (homme)
14 23.12.2015 – AZİME AŞAN (femme, 50 ans)
15 24.12.2015 – FERDİ KALKAN (homme, 20 ans)
16 24.12.2015 – A. MECİT YANIK (homme)
17 25.12.2015 – un bébé de 6 mois

SİLOPİ
1 16.12.205 – HÜSEYİN GÜZEL (femme, 70 ans)
2 17.12.2015 – YUSUF AYBİ (homme, 81 ans)
3 19.12.2015 – REŞİT EREN (homme, 17 ans)
4 19.12.2.105 – AXİN KANAT (homme, 16 ans)
5 19.12.2015 – İBRAHİM BİLGİN (homme, 16 ans)
6 19.12.2015 – ŞİYAR ÖZBEK (homme, 25 ans)
7 19.12.2015 – SÜLEYMAN ÇOBAN (homme, 70 ans)
8 20.12.2015 – AYBET İNAN (femme, 57 ans)
9 20.12.2015 – YUSUF İNAN SİLOPİ (homme, 40 ans)
10 20.11.2015 – AYŞE BURUNTEKİN (femme, 40 ans)
11 21.12.2015 – MEHMET METE (homme, 11 ans)
12 21.12.2015 – ÖMER SAYAN (homme, 70 ans)

NUSAYBİN
1 16.12.2015 – HÜSEYİN AHMED (homme, 22 ans)
2 20.12.2015 – EMİRE GÖK (femme, 39 ans)
3 22.12.2015 – MEDENİ ORAL (homme, 45 ans)

DARGEÇİT
1 13.12.2015 – TAKYEDİN ORAL (homme)
2 23.12.2015 – NECİM KILIÇ (homme, 67 ans)
3 23.12.2015 – SEBAHAT KILIÇ (femme, 28 ans)

SUR
1 2.12.2015 – ALİ ÇEKVAR ÇUBUK (homme, 16 ans)
2 2.12.2015 – GÜLER EROĞLU (femme, 20 ans)
3 3.12.2015 – MEHMET DEMİREL (homme)
4 14.12.2015 – ŞERDİL CENGİZ (homme, 21 ans)
5 14.12.2015 – ŞİYAR SALMAN (homme, 21 ans)
6 22.12.2015 – SERHAT DOĞAN (homme, 19 ans)
7 23.12.2015 – SALİH BAYGIN (homme, 70 ans)
8 23.12.2015 – MESUT SEVİKTEKİN (homme)